Il paraît que le nouveau projet de la loi de finances 2022 ne comprendra pas de grands changements par rapport à la première version élaborée sous l’égide du gouvernement Mechichi. Il faudrait toutefois pouvoir clôturer l’année 2021 et dénicher les ressources suffisantes pour boucler le budget 2022.
Le projet reprendra certains articles de la loi de relance économique adoptée par l’ARP « gelée » et bloquée par la présidence de la République. Entre autres nouvelles dispositions, l’imposition des sociétés de microcrédit à hauteur de 35% comme c’est le cas pour les banques, et l’annulation de certaines mesures d’incitation à l’acquisition de logement décidées dans le cadre de la loi citée plus haut. Ce qui était pourtant préconisé pour la relance du secteur immobilier aurait permis la réalisation de bons résultats sur le plan économique.
Le ministère des Finances dirigé par Sihem Boughdiri en a décidé autrement considérant que les mesures prises dans le cadre de la loi sur la relance économiques auraient profité aux promoteurs.
Ceci pour les quelques changements relevés dans le projet de loi de finances 2022, lequel est, rappelons-le, est en gestation à ce jour.
Reste l’épineux problème du budget, dont l’enjeu est immédiat. Comment clôturer l’année en cours et que faire pour boucler le budget de l’Etat 2022 ? Aux dernières nouvelles, l’Arabie saoudite accorderait à la Tunisie un prêt de 500 millions de dollars. Mais ce prêt n’aidera pas à rembourser l’échéance de 700 millions de $ que la Tunisie devra s’acquitter d’ici le mois de décembre.
Dans l’incapacité de sortir sur le marché international, dégradation de la notation souveraine oblige, la pression sur le stock en devises sera accentuée, ce qui provoquerait éventuellement le glissement du dinar ou encore l’inflation.
Quelles sont les alternatives pour y remédier ? Ce ne sera certainement pas en s’attaquant aux importations qualifiées de « superflues » et qui font vivre des milliers de personnes ou représentent d’importantes sources de recettes fiscales pour l’Etat. A titre d’exemple, la réduction de l’importation des voitures pourrait induire la réduction des droits de douanes, de la TVA ou encore celles des recettes fiscales provenant des concessionnaires automobiles.
Quand nous parlons budget, il s’agit bien du cumul des recettes fiscales, des autres non fiscales, des dividendes, des amendes, bref de tout ce qui peut-être totalisé comme recettes propres à l’Etat. Le différentiel est obligatoirement prélevé sur le marché intérieur ou le marché international.
Pour les besoins du budget de l’Etat 2022, il faut s’attendre à des besoins qui s’élèvent à près de 30 milliards de dinars supplémentaires. C’est astronomique. Avant 2011, l’endettement national et international ne dépassait pas les 11-12 milliards de dinars. Fait notable, tout au long de ces dernières années, la Tunisie n’a pas réussi à lever en une seule fois plus de 800 millions de $ sur les marchés internationaux. Ceci ne comprend pas les prêts contractés dans le cadre d’accords bilatéraux ou multilatéraux. Atteindre 1 milliard de dollars est un max. Pour les marchés financiers, évaluer la capacité de remboursement de la Tunisie en se référant aux indicateurs économique, à la croissance, à la balance en devises, à la capacité du pays à créer des richesses, aux agrégats et à la visibilité politique, est indispensable. La note souveraine accordée tout récemment par Moody’s n’aidera pas la Tunisie dans ses démarches de levées de fonds à l’international.
Comment s’en sortir alors ? Il faut compter sur les recettes propres de l’Etat dans l’obligation de prendre des mesures d’austérité. Ce qui nous amène à ce qui est devenu désormais une litanie, soit des mesures d’austérité, la stabilité sociale et la restructuration des entreprises publiques. Le pire des scénarios serait que l’Etat soit acculé à réduire les salaires ou à imposer un emprunt national obligataire qui pourrait fragiliser encore plus les classes moyennes grandes victimes des crises économiques et appauvrir encore plus des pans de la population vivant en situation précaire.
Le déblocage de la situation dépendra du programme économique que le gouvernement Bouden mettra en place. Un programme qui devrait convaincre FMI et BM si la Tunisie veut avoir des prêts conséquents sur le moyen terme. Il comprendra, comme nous le savons, des mesures draconiennes. Najla Bouden aura, dans ce cas, à convaincre une centrale syndicale hostile à tout changement de paradigmes.
Les prochaines semaines seraient déterminantes pour le gouvernement Bouden.
Amel Belhadj Ali