A l’ouverture de la Conférence sur la mise en œuvre et l’impact des décisions de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples : défis et perspectives, qui se tient à Dar es-Salaam en Tanzanie, sa présidente, Imani D. Aboud, a fait observer que les fondamentaux de tout système judiciaire reposent sur le caractère exécutoire de ses décisions.
Des magistrats représentants des institutions nationales africaines et internationales, des diplomates, des universitaires et des composantes de la société civile prennent part à la conférence dont les travaux seront focalisés sur les défis auquel cette plus jeune cour régionale fait aujourd’hui face et qui mettent en question sa légitimité et son efficacité en tant qu’organe de promotion des droits et libertés en Afrique.
Aujourd’hui, seules 7% des décisions de la Cour africaine sont respectés. ” Une source d’inquiétude ” pour la présidente de la juridiction africaine, dans la mesure où la Cour est perçue comme le maillon essentiel du projet d’intégration continentale rêvé par les pères fondateurs de l’Union africaine, a-t-elle souligné.
Elle a insisté sur l’importance d’une reconnaissance unanime de l’autorité et de la légitimité de la Cour. ” Car lorsque les décisions de la Cour restent sans effets, c’est la vision même de l’Union africaine qui est récusée “.
L’ultime rôle de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples étant de superviser et d’harmoniser l’application, par les Etats, des accords convenus au niveau régional, a ajouté la présidente Imani D. Aboud, regrettant le manque d’interactivité entre la Cour et les Etats.
Plusieurs thèmes sont inscrits à l’ordre du jour de cette conférence de trois jours ; un partage d’expérience sur la mise en œuvre des décisions des cours et tribunaux internationaux et meilleures pratiques et les expériences des pouvoirs judiciaire, législatif et celles de la société civile en matière de recours, de législation et de plaidoyer.
Les participants prendront également connaissance des points de vue de vue de la Cour africaine et des milieux universitaires et de la société civile.
Au programme figure aussi l’impact des décisions des juridictions régionales (les expériences de la Cour européennes des droits de l’Homme et de la Cour de Justice de la CEDEAO) et le rôle de la Cour africaine dans la mise en œuvre de ses décisions.
Lors de la séance d’ouverture, le président de la Commission africaine des droits de l’Homme, Solomon Ayele Dersso, a relevé que le non respect des décisions de la Cour, mais aussi, de la Commission, constitue un échec pour le système africain des droits de l’homme. Une situation, qui, selon lui, met en cause la légitimité de la Cour et compromet les promesses de liberté, de Justice et d’égalité librement formulées par les Etats, en ratifiant la Charte africaine des droits de l’homme.
Il a parlé d’une crise de légitimité à laquelle les organes africains des droits de l’homme en général, font face.
Le président de la Commission s’est également interrogé sur le niveau de connectivité entre le système africain des droits de l’Homme et les Etats africains. Il a mis en évidence l’utilité des liens devant être établis avec des acteurs aussi importants que la société civile, les médias, le barreau…et que cette rencontre aspire à raffermir.
Dans son intervention au nom des Etats membres, le Béninois Michel Adjaka, chef de cabinet du ministère de la Justice, estime pour sa part que la Cour africaine est la seule responsable de l’inexécution de ses décisions, en raison de sa méconnaissance des législations locales.
Il convient de rappeler que le Benin et la Tanzanie -pays qui abrite le siège de la Cour africaine-, ainsi que le Rwanda et la Côte d’Ivoire ont retiré la déclaration reconnaissant la compétence de la Cour pour recevoir des affaires directement des ONG et des particuliers.
Six pays seulement dont la Tunisie en 2017 ont souscrit cette déclaration.