Des avocats et des professeurs de droit ont été unanimes quant à la nécessité pour le président de la République de fournir une vision plus claire et de mettre en place une feuille de route pour la prochaine étape.
“Il est impératif de connaître les mesures et décisions qui seront prises concernant le système politique et les amendements qui seront effectués, et particulièrement le délai qui mettra fin aux mesures exceptionnelles”, ont-ils souligné, jeudi, lors d’une conférence-débat sur le “Système politique pendant l’état d’exception”.
Intervenant par visioconférence, Salsabil Kélibi, professeure de droit constitutionnel, a indiqué que l’article 80 de la Constitution permet au président de la République de prendre toutes les mesures exigées par l’état d’exception, de concentrer les pouvoirs, ce que certains considèrent “une dictature constitutionnelle”.
L’Etat d’exception est une mesure constitutionnelle, a-t-elle poursuivi, mais “continuer de faire mainmise sur tous les pouvoirs sans fixer de délai est une situation grave”.
Un avis partagé par Moataz Gargouri, professeur de droit constitutionnel à la faculté de Sfax, qui a souligné que “la concentration des pouvoirs par le chef de l’Etat est prévue en cette étape d’exception, à condition que cela ne dure pas dans le temps”.
Cette étape, selon lui, devrait ouvrir la voie à un retour à l’ordre constitutionnel, basé sur la séparation des pouvoirs, tel que mentionné dans la Constitution de 2014.
De son côté, Malek Amri, universitaire et avocat auprès de la Cour cassation, a déclaré que le décret présidentiel 117 n’offre pas les garanties judiciaires essentielles, estimant, toutefois, qu’ il n’y a eu jusqu’ici aucun abus de pouvoir, ni déviation ou dépassement quelconque.
Pour sa part, Jamel Msallem, président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme, a de nouveau fait part de son inquiétude de voir certaines libertés publiques ou individuelles limitées au nom de l’état d’exception.
Cette situation exceptionnelle, a-t-il ajouté, peut aussi conduire à une plus grande concentration du pouvoir. Il a insisté sur la nécessité de “contrôler” les décisions et décrets présidentiels et rappelé que la LTDH avait proposé, dans ce sens, la création d’un comité ou d’une commission chargée d’examiner les textes de loi émis par le président de la République. “Une proposition restée sans réponse”, a-t-il dit.
Il a affirmé que la Ligue est en faveur d’une approche participative dans la prise de décisions et l’élaboration des réformes. Pour la LTDH, le quartet du dialogue national, créé en 2013, devrait proposer une issue à la situation actuelle.