La 32ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) a mis à l’honneur le cinéma belge avec la programmation de films et la consécration d’une table ronde sur les particularités de ce cinéma et les perspectives de connexion entre la Tunisie et la Belgique en la matière. Cette rencontre a eu lieu le 5 novembre, à la Cité de la culture Chedli Klibi.
Le choix de ce pays est dû à la vitalité saisissante de son cinéma, a affirmé, à l’occasion, le directeur artistique des JCC, Kamel Ben Ouanes. Il s’inscrit également dans la ligne éditoriale du festival qui fait un focus sur le cinéma du Sud mais fait aussi découvrir le cinéma du Nord dans une optique d’ouverture et de dialogue, et ce d’autant plus que la majorité du cinéma du Sud est co-produite par des pays du Nord.
La table ronde a été modérée par le journaliste Haithem Haouel. Les intervenants étaient les tunisiens, Hassen Daldoul, producteur et réalisateur de films, le réalisateur Selim Gribaa, la réalisatrice Sarra Abidi, le directeur spécialiste en post-production, Sahbi Kraeim et Slim Dargachi, directeur général du CNCI.
Côté belge, il y avait le réalisateur Thierry Michel et Christian Saelens, directeur général de Wallonie Bruxelles.
Installé en Belgique depuis une dizaine d’années, Sahbi Kraiem a décrit un cinéma belge indéfinissable à cause sa richesse linguistique et culturelle. En effet, la diversité linguistique du pays a ouvert à la voie à des cinémas différents, mais qui se rejoignent.
Le cinéma francophone pourrait inspirer le cinéma tunisien par sa volonté d’exigence et d’ouverture. Quant au cinéma flamant, il est plutôt influencé par le cinéma anglophone, a constaté Kraiem. Et de faire savoir que le cinéma belge a obtenu plus de 140 prix en 2020.
La Belgique se caractérise aussi par son ouverture en accueillant plusieurs réalisateurs à travers le monde et en se lançant dans des co-productions.
Hassen Daldoul a relevé que l’histoire de coopération tuniso-belge remonte aux années 50 et a été initié par son film ” Le fils d’Amr est mort ” en 1973. Il a ajouté que le cinéma belge et le cinéma tunisien cherchaient à se libérer de l’hégémonie. De l’hégémonie française pour le premier et de l’arabe pour le deuxième.
Sarra Abidi a renchéri en vantant le caractère décomplexé du cinéma belge qui permet des affinités avec le cinéma du Sud. Pour elle, à travers la coopération avec la Belgique, il est possible de faire des films à petit budget, sortant des sentiers battus mais se tenant à l’exigence de la qualité et à la quête de l’universel.
Selim Gribaa abonde dans ce sens pour souligner l’attractivité de la collaboration avec les belges notamment dans la phase de la post-production en insistant sur le savoir-faire de ce pays en matière de finalisation des films.
Quant à Thierry Michel, il est revenu sur les spécificités du cinéma belge à travers les différentes structures de financement de films en Belgique mais aussi la spécificité du cinéma francophone en particulier. Il a souligné ainsi le caractère cosmopolite du cinéma bruxellois. Cette pluralité se reflète aussi par l’internationalisation des esthétiques et des thématiques engendrée par la présence de cinéastes issus de différents pays sur son territoire. Il s’est félicité de la vitalité du cinéma de son pays. En témoigne sa présence au festival de Cannes en 2021 avec 10 films.
S’agissant des perspectives de collaboration entre le cinéma belge et le cinéma tunisien, Christian Saelens a mis l’accent sur ce qu’il appelle des réalisations fondatrices qui en appellent d’autres, en citant les succès des ” N’hebek Hédi “, ” Noura rêve ” ou encore ” L’homme qui a vendu sa peau “.
Sahbi Kraeim comme Hassen Daldoul ont regretté, toutefois, que dans ces co-productions, les techniciens soient lésés en étant moins payés que leurs confrères belges. Cette problématique mérite réflexions et issues, ont-ils espéré.
Face à la revendication d’une création d’un fonds commun tuniso-belge, Slim Dargachi, directeur général du CNCI a indiqué que la réglementation belge ne permet pas le lancement de tels fonds mais le CNCI et le Centre du cinéma et de l’audiovisuel belge sont en train d’actualiser la convention bilatérale de co-production entre les deux pays datant de 1997. Cette actualisation permettra un échange plus équitable et fructueux.
Il a mentionné également l’accord de coopération entre les deux pays qui couvre la période en 2019 et 2023. Cet accord permet une coopération sur les volets : patrimoines, institutions (entre la cinémathèque tunisienne et la cinémathèque royale belge) et sur la formation à travers des échanges entre les établissements de formation des deux pays.
Le directeur général de Wallonie Bruxelles a indiqué que les rencontres entre professionnels du secteur, au point mort lors du Covid-19, reprendront bientôt. Elles visent, entre autres, d’initier de nouveaux projets.