Le secteur pharmaceutique et celui de la finance digitale ont réussi à atténuer l’impact de la pandémie de la Covid-19. Mais “les pays de l’Afrique du Nord gagneraient à développer davantage les chaînes de valeurs dans ces secteurs pour promouvoir l’intégration régionale”. C’est ce qu’estime le chef économiste de la Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur (BMICE), Sami Mouley, qui intervenait à la réunion ad hoc d’experts sur le thème : libérer le potentiel des chaînes de valeur régionales en Afrique du Nord : Focus sur les secteurs pharmaceutique et la finance digitale”, organisée les 24 et 25 novembre 2021 à Marrakech au Maroc.
Il a ajouté que les économies de l’Afrique du Nord “ont beaucoup d’efforts à faire en matière de transformation structurelle, pour s’adapter aux mutations à l’échelle internationale”.
Selon les économistes de la CEA (Commission économique des Nations unies pour l’Afrique), le commerce entre pays nord-africains reste très en deçà de son potentiel. Les échanges intra-régionaux ne représentent que 5% du total des flux commerciaux en 2019 des pays concernés. Ce taux, très en-deçà de la moyenne continentale (16%) dénote du caractère encore marginal du commerce intra-Afrique du Nord.
Les experts ont souligné que la crise pandémique de Covid-19 a révélé qu’avec leur capacité de résilience, le secteur pharmaceutique, celui des services financiers et de la finance digitale, figurent parmi les nouveaux secteurs émergents qui pourraient être mieux développés en période post-Covid. Ces secteurs offrent, d’après les experts, un réel potentiel d’intégration et de complémentarité économique pour les pays de l’ Afrique du Nord.
Ces secteurs émergents présentent aussi un potentiel d’avantages comparatifs révélés et pourraient aider la montée en gamme dans les chaînes de valeurs mondiales ou la construction de chaînes de valeurs régionales.
La crise du Covid-19 et les précautions sanitaires ont aussi contribuer à doper les paiements mobiles et ont révélé l’opportunité d’utilisation des solutions d’intelligence artificielle, ce qui pourrait être un accélérateur de transformation digitale, ont encore affirmé les intervenants à la réunion de Marrakech, estimant que les services financiers et la finance digitale offrent un réel potentiel de relance dans la région d’Afrique du Nord.
Toutefois, une transition numérique et une intégration financière dans la région sont toujours tributaires de la levée des contraintes liées à l’infrastructure des systèmes de paiement, notamment, au niveau de l’interopérabilité des services de paiement mobile.
Un cadre réglementaire et technique permettant de favoriser la promotion des paiements numériques est à cet effet nécessaire pour réaliser l’essor des innovations technologiques et de la transformation digitale dans le domaine financier, ont recommandé les experts.
“Mettre en place le E-Wallet régional”
Pour le consultant tunisien à Ernst & Young, Ridha Meftah, il est temps de mettre en place une plateforme nord-africaine sous forme de ” E-Wallet” régional.
“Le e-wallet consiste à créer une large base de clients de portefeuilles et de comptes pour les startups en exploitant fortement le réseau régional et à fournir des services d’accompagnement au Startups de la région”, a-t-il expliqué.
Le consultant estime, par ailleurs, que cette solution permettra de stimuler l’inclusion financière, de donner aux “non bancarisés” accès aux services financiers, favoriser les partenariats publics-privés (PPP) et créer un environnement entrepreneurial favorable à la transformation digitale.
En ce qui concerne le secteur pharmaceutique, les experts estiment que les pays de l’Afrique du Nord sont déjà bien positionnés dans le secteur des médicaments et de la pharmacie.
C’est une opportunité à saisir pour développer ce secteur en période de post-crise Covid-19, ont-t-ils souligné, recommandant la mise en œuvre de stratégies qui répondent aux difficultés structurelles de la région à travers le renforcement des dépenses de santé et des investissements dans les secteurs de la santé et de l’innovation industrielle.
Les voies ouvertes pour la création de chaîne de valeurs régionale
Les experts en conclave à Marrakech ont précisé que les voies sont désormais ouvertes à la construction d’une chaîne de valeur régionale, d’autant plus que le marché des médicaments dans les pays de la région d’Afrique du nord, demeure alimenté par la production locale, essentiellement composée de médicaments génériques.
Une étude sur “le potentiel de promotion de chaînes de valeur régionale: un exercice de cartographie sur le secteur pharmaceutique”, présentée par la consultante auprès de la CEA Afrique du Nord, Patricia AUGIER a montré que le total des échanges intra-régionaux de produits pharmaceutiques est passé de 80 millions de dollars en 2008 à un peu plus de 140 millions de dollars (moyenne des 3 années du 2016, 2017,2018). Les pays d’Afrique du Nord n’échangent que 2,3% du total de leurs importations et exportations.
Selon cette étude, le faible niveau d’intégration régionale des échanges de produits pharmaceutiques des pays d’Afrique du Nord est lié au fait que quasiment la totalité des importations de ce secteur provient du reste du monde et que le poids de ces importations dans les échanges totaux de la région est très fort.
La réunion des experts à Marrakech, les 24 et 25 novembre sur les secteurs des industries pharmaceutiques et de la finance digitale, a pour objectifs de réaliser un diagnostic des opportunités de mise en place de chaines de valeurs de l’industrie pharmaceutique et de la finance digitale en Afrique du Nord, analyser leur potentiel de développement et créer un cadre d’action commune pour faciliter la concrétisation des opportunités identifiées.