“Les Théâtre aux temps des risques” est l’intitulé du colloque international des Journées théâtrales de Carthage (JTC, 4-12 décembre 2021) qui se tiendra les 7, 8 et 9 décembre prochain.
Depuis que de récentes études sociologiques ont démontré que le théâtre est d’une rupture entre les formes collectives primitives et la structure sociale urbaine et que ce mode d’expression artistique connaît un essor particulier durant les périodes d’anomie, qui se caractérisent par une absence de normes régissant les conduites individuelles et collectives, est née l’idée de la relation dialectique entre la pratique théâtrale et les facteurs négatifs qui l’entravent ou la propulsent vers l’avant.
Quelque temps avant la parution des études relatives à cette problématique, Antonin ARTAUD, a abordé pendant les années trente du XXe siècle, dans ses écrits sur ” le théâtre et la peste “, la question de ce qui dans la spécificité du théâtre présente des similitudes avec l’émergence des risques.
Il a ainsi mis en évidence les situations de libération, de transgression des limites et de brisure des chaînes lorsque les connexions à l’intérieur du corps de l’être humain implosent sous l’effet de la bactérie de la peste.
S’ouvrent de la sorte les portes des comportements dictés par l’inconscient et libérés de toute contrainte. Le théâtre se trouve dans une situation analogue lorsqu’il s’engage dans les dédales des labyrinthes.
A cause de la pandémie de Covid-19 se pose avec de plus en plus d’insistance et d’acuité la question du théâtre face aux crises aigües, qui débouchent sur différentes formes de ruptures et qui aboutissent à la disparition de pratiques et de valeurs dominantes et à la formation ou à la naissance de nouveaux systèmes de combinaisons.
Compte tenu de l’instabilité et de l’absence de vision d’avenir qui caractérisent cette période, le théâtre se trouve exposé à des risques de toutes sortes qui pourraient le renforcer ou l’anéantir.
Le théâtre est appelé à agir par rapport à ces risques en en définissant les formes, en en évaluant l’impact, en se préparant à les affronter, en tirant les conclusions qui s’imposent des expériences liées à leurs conséquences et en abordant artistiquement les thèmes dont ils sont l’objet.
Dans la définition des risques, il y a lieu d’insister sur l’éventualité de la survenue d’un accident ou d’un événement non souhaité et sur la possibilité d’un danger imminent qui menace ce qui existe.
Et si le théâtre est né des ruptures, des crises et des dangers, paradoxalement, il a été durant son histoire exposé à des risques récurrents. Il s’agit en particulier :
– des tentatives de suppression de son existence dans la mémoire collective, le caractère éphémère et oral de tout spectacle permettant facilement son éviction,
– de l’hostilité de l’Eglise à son égard durant des siècles avant qu’elle n’accepte qu’il soit institutionnalisé,
– des pressions que lui font subir ceux qui gouvernent en l’interdisant, en le marginalisant, en le domestiquant ou en l’utilisant comme moyen de propagande,
– de la tentation de sclérose qui menace les formes dramatiques dominantes à une époque bien déterminée,
– de l’exploitation à des fins idéologiques colonialistes à l’instar de celles pratiquées par l’Occident pour envahir des pays dits sous-développés.
A cela s’ajoutent les accidents qui surviennent au cours des répétitions et des représentations ou dues à des catastrophes naturelles et sanitaires et qui astreignent les gens de théâtre au chômage. On peut également évoquer la désaffection du public pour le théâtre.
L’image qui correspond sans doute le plus à cette situation est celle du funambule qui cherche à proposer un spectacle intéressant en avançant sur une corde raide tout en étant constamment menacé de chute.
Les axes du colloque :
– Le théâtre et les mécanismes circonstanciés et permanents de gestion des rapports aux crises, aux urgences et aux risques.
– Les approches théoriques des risques et les possibilités de les adapter au théâtre.
– Le traitement dramaturgique, scénique et technique des questions liées aux risques, aux pandémies et aux catastrophes.
– Impacts des risques sur le rapport du théâtre au pouvoir.
– La pratique théâtrale (approche et production) et les comportements à risques.
– Risques et rôle didactique du théâtre.
– Les cadres juridiques et leur rôle de soutien au théâtre face aux risques.