Le cinéaste Habib Mestiri vient d’achever le premier film produit dans le cadre du Fonds d’aide au développement de la coproduction cinématographique tuniso-italienne, en collaboration avec les deux sociétés de production, à savoir la tunisienne “Mind Shift” et l’italienne “7th Art International Agency”.
Instauré en vertu de la convention signée le 11 mai 2018, le fonds s’insère dans le cadre de l’accord bilatéral de coproduction cinématographique conclu le 29 octobre 1988 entre la Tunisie et l’Italie.
Il s’agit d’un film documentaire de création de 70 minutes qui a été tourné en Italie, en Espagne et en Tunisie, grâce au soutien du Fonds d’encouragement à la création littéraire et artistique du ministère tunisien de la Culture, de l’Office national du tourisme tunisien et de l’Institut culturel italien Tunisie.
Le film sera projeté en avant-première mondiale, ce mardi 30 novembre 2021 à 18h30 à la Cinémathèque tunisienne à la Cité de la Culture Chedli Klibi, en présence de l’équipe du film.
Le film nous fait découvrir le passé glorieux, mais méconnu de Tabarka, et l’épopée tabarquine .
En 1544, Charles Quint, à l’issue d’un traité signé avec le Bey de Tunis Moulay Hassan, qui lui accordait l’autorisation de fonder des places fortes sur les côtes tunisiennes et celle de pêcher le corail, favorisa l’installation de Gênois dans l’îlot de Tabarka (aujourd’hui presqu’île), qui devint vite un comptoir prospère, sous la direction de la puissante famille des Lomellini. La population, qui y vécut près de 200 ans et atteignit jusqu’à 1800 personnes, s’adonna à la pêche du corail et au commerce des produits régionaux, dont le blé, exporté à Gênes.
Par ailleurs, les Tabarquins ou “Tabarchini”, comme on les désignait dans les registres tunisiens jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, créèrent une société originale qui empruntait au milieu local certains de ses modes de vie et des éléments de sa culture. Nombre d’entre eux, dont les élites, sont devenus bilingues, et ont vu leur langue d’origine s’enrichir de mots et de concepts empruntés à la langue arabe et aux autochtones.
C’est ce qui permit à certains, quand le comptoir fut détruit en 1741, de s’intégrer à la société tunisienne, de trouver des emplois à la mesure de leur compétence et de former le noyau central de la communauté chrétienne de Tunis, tout en gardant des liens avec ceux qui, partis de Tunisie, fondèrent les trois “nouvelles” Tabarka : Carloforte et Calasetta, dans deux îles au sud-ouest de la Sardaigne et NuevaTabarca, au large d’Alicante, en Espagne.
Les “Tabarchini” d’outre-mer n’ont jamais oublié leur patrie africaine et, depuis 2008, les liens se sont resserrés avec Tabarka. Les témoignages culturels de l’histoire, qu’ils partagèrent pendant deux siècles avec Tabarka et son arrière-pays, sont nombreux et vivaces dans bien des domaines. Par exemple la pratique, y compris chez les plus jeunes, du “tabarchino”, langue reconnue par la Sardaigne comme langue minoritaire, les chansons qui parlent d’horizons lointains, la cuisine, dont la fabrication du couscous, “il cahscà”, et de bien d’autres plats aux senteurs de l’Afrique du Nord.
L’héritage immatériel de l’épopée tabarquine, qui se transmet de génération en génération, est une belle illustration de ce que la Méditerranée peut donner de mieux en matière de solidarité séculaire et de culture commune, c’est pourquoi ce film vient pour soutenir la demande de l’inscription de cet héritage au Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.