« Maya Jribi, une icône tunisienne », tel est le nouvel ouvrage en langue arabe qui vient de paraître dans les librairies tunisiennes. Rédigé par son compagnon de route au sein du Parti démocratique progressiste (PDP) et des journaux d’opposition « Errai » et « El Mawkif », le journaliste et écrivain, Rachid Khechana, l’ouvrage, truffé de photos de la défunte, punaise les grands moments du parcours militant de cette figure de proue de la lutte pour la démocratie et l’égalité des chances en Tunisie (1960-2018).
Confectionné en partenariat avec la Fondation allemande Hanns Seidel, l’ouvrage, une compilation de témoignages, d’écrits et de prises de position de feue Maya Jribi, est réparti en quatre grands chapitres : Maya Jribi, icône tunisienne (journaliste, militante progressiste, féministe, combattante pour la démocratie…), une plume engagée (articles et enquêtes journalistiques…), discours et prises de position (constituante, responsable politique…, interviews et entretiens accordés aux médias.
L’ouvrage met l’accent sur la tunisianité de la militante, sur son professionnalisme journalistique et sur son engagement désintéressé en tant que responsable politique.
En sa qualité de journaliste, Jribi a brillé par ses non-dits, par le choix de thèmes atypiques et par ses enquêtes sur le terrain.
Journaliste, elle était spécialiste du non-dit
Point d’orgue de son parcours journalistique bien qu’elle soit de formation scientifique (biologiste), ses longues enquêtes sur la révolte du pain de 1984 et sur les souffrances et exactions subies par les familles des jeunes emprisonnés suite à cette révolte.
Ses écrits journalistiques reflètent son engagement pour les femmes et les jeunes. Sa devise étant : « point d’évolution, point de progrès et point de révolution sans l’adhésion et la participation de la femme et des jeunes dans l’action vie politique ».
Point d’orgue de son engagement, un article émouvant qu’elle avait écrit à l’occasion de la Fête de la femme, le 8 mars 1984.
Publié dans le journal d’opposition « Errai », l’article, intitulé «Rencontre avec une femme qui ne célèbre pas la fête du 8 mars», évoque la situation précaire d’une mère qui assume au quotidien toutes les responsabilités ou presque dans la famille.
Sur le plan politique, l’auteur insiste sur le degré d’anticipation de la militante et sur son pragmatisme au sein du PDP et du parti Al joumhouri (Parti républicain).
Anticipative et pragmatique
Elle était anticipative en ce sens où elle avait le flair politique, voire la vertu de déceler, de manière précoce, les tendances et manœuvres de ses adversaires politiques, particulièrement les RCDistes au temps de Ben Ali (1987-2010) et les islamistes au temps de l’Islam politique (2011-2018).
Elle était pragmatique politiquement en refusant de se venger de l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT) qui était « le bras féminin » de Ben Ali.
Ainsi, face au travail de déstructuration et de décomposition qu’avait subi l’UNFT, au temps de la ministre de la Femme Sihem Badi, dans le cadre de la Troïka, Maya Jribi avait décidé de récupérer l’UNFT newlook, surtout après son congrès (3 février 2013) à l’issue duquel l’organisation féminine avait décidé d’être indépendante de tous les partis.
Par ailleurs, l’ouvrage s’attarde sur le rôle qu’avait joué la défunte au sein de l’Assemblée nationale constituante (ANC), dans l’élaboration de la Constitution de 2014 et dans l’enrichissement du discours politique en général.
Cela pour dire que l’ouvrage de 372 pages mérite le détour, car c’est un hymne à une icône tunisienne qui a certes vécu simplement comme tous les Tunisiens mais avec l’effort et le courage de combattre la dictature sous toutes ses formes. Elle est devenue, au terme de son parcours, exceptionnelle, voire une icône et un exemple à suivre pour les jeunes générations. A bon entendeur.
Abou Sarra