Engourdie par dix années d’insouciance économique, l’entreprise donne de la voix et entend exprimer ses doléances. Et son appel au retour du dynamisme économique.
Par Ali Abdessalam
Taieb Bayahi, président de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), accueillait, vendredi 10 courant, Najla Bouden-Romdhane, cheffe du gouvernement, à Sousse, à l’occasion de la cérémonie d’inaugurations de la35ème édition des Journées de l’entreprise (JES).
Rappelons que cet événement est placé sous le haut patronage du chef de l’Etat.
Séparer le temps du politique du temps de l’économie
A rappeler au passage que Taieb Bayahi avait rencontré le président de la République pour l’entretenir et de l’esprit et de la thématique des JES. Mais à Sousse et en présence de ses pairs, il cherchait, en toute probabilité, à obtenir des engagements publics de la CDG, afin de se construire une vision sur la stratégie du gouvernement et essayer de sensibiliser celle-ci à concilier les objectifs du gouvernement avec les attentes légitimes des entreprises.
Il est temps, dira-t-il, haut et fort, de séparer « le temps politique du temps de l’économie ». Il cherchait, en toute probabilité, à exprimer tout l’agacement que ressentent les chefs d’entreprise devant cet attentisme qui n’en finit pas à engager les réformes qui feraient repartir l’ensemble de l’économie.
La transition économique a épuisé le temps qui lui était raisonnablement imparti tout en épuisant la patience des citoyens ainsi que le potentiel des entreprises. Le bilan de cette décennie blanche est accablant. Elle ne nous a pas apporté la liberté, pas même la prospérité ni le bien-être tant espéré.
Alors l’Etat se retrouve sous la menace pressante de “Shut Down“. Les finances publiques sont en déconfiture. Le surendettement réduit nos marges de relance. Le service public est en décomposition avancée. Cela est vrai de l’éducation, des transports et surtout de la santé. Le chômage est à son plus haut, insupportable. L’entreprise est prise en ciseau, d’une part par l’hégémonie administrative, et, de l’autre par le recul de la croissance qui bride sa productivité.
Avec amertume, Taieb Bayahi rappelle qu’il a fait le même diagnostic lors des JES de 2019 à la différence qu’à l’heure actuelle tous les problèmes se sont davantage aggravés.
Le basculement du 25 juillet 2021 donne cependant une lueur d’espoir pour juguler ce “legs peu enviable“. Et, les chefs d’entreprise appellent à faire connaître leurs doléances et à ce qu’on les écoute.
A présent, la République et l’entreprise étant toutes deux sinistrées, elles doivent s’engager ensemble dans une reconstruction commune, qui est le slogan de la 35ème édition des JES.
Garantir un Etat de droit
Tout dans la situation actuelle du pays contribue à pénaliser l’entreprise, à brider son dynamisme et à inhiber sa créativité. Le temps de la refondation d’ensemble a sonné.
En vue de garantir un climat d’affaires, sain, un environnement d’activité incitatif et le retour de la libre initiative, le président de l’IACE dit clairement que les chefs d’entreprise veulent garantir un Etat de droit, sinon pas de salut. Trop c’est trop, la dynamique de l’entrepreneuriat doit reprendre son droit de cité et “la seule valeur qui vaille est la valeur travail“.
Il insistait sur ce crédo afin que la CDG parvienne à calibrer son programme compte tenu de ce référentiel fondamental.
Taieb Bayahi, avec solennité, rappellera que les chefs d’entreprise se sentent liés par un devoir envers l’Etat, de leur détermination à reprendre le chantier institutionnel en vue d’un Etat de droit, cadre idoine pour libérer le génie entrepreneurial tunisien.
Il rappelle aussi qu’ils ont un devoir envers leurs enfants nés ici et auxquels on doit léguer un cadre national qui les incite à “continuer à vivre ici“. L’on doit s’acquitter de cette obligation morale envers les générations futures et leur léguer un environnement de vie accueillant.