Des économistes et des activistes de la société civile ont été unanimes à souligner, vendredi, que l’économie tunisienne reste une économie de rente, sur laquelle quelques familles influentes ont la mainmise.
Ces dernières monopolisent la plupart des secteurs, c’est ce qui ressort d’un débat sur le thème “L’entreprise entre économie de rente et champions nationaux”, organisé dans le cadre de la 35e édition des journées de l’entreprise qui se tiennent, du 9 au 11 décembre courant à Sousse, à l’Initiative de l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE).
Intervenant, à cette occasion, le président d’Alert, association de lutte contre l’économie de rente, Louay Chebbi a mis l’accent sur la nécessité de réviser les textes de loi ayant contribué au développement de l’économie de rente et de la monopolisation du marché et compromis la compétitivité, ajoutant que “ces législations ont tué tout esprit d’initiative”.
S’appuyant sur une étude menée par son association, Chebbi a indiqué que ce phénomène d’économie de rente a gagné du terrain en Tunisie, ce qui entravé le développement et l’expansion des petites entreprises.
Dans son intervention, le président de l’association de lutte contre l’économie de rente, a évoqué l’exemple du monopole exercé par certaines sociétés sur la filière des céréales, expliquant qu’une seule personne monopolise 40% de la filière du blé dur, tandis que la Chambre nationale des Minoteries contrôle la distribution des quotas fixés par l’Etat (office des céréales).
Chebbi a par ailleurs, évoqué le problème de l’achat du quintal de blé de l’agriculteur tunisien, au prix de 87 dinars, alors que l’Etat importe le même blé ou un autre de moindre qualité, à 193 dinars le quintal. Il a aussi, pointé un autre problème relatif au classement de 75% des terres agricoles comme terres collectives. Pour cette raison, les personnes ne peuvent y investir, ce qui constitue un gaspillage des richesses.
Nafaa Ennaifer, membre du comité directeur de l’IACE a, de son côté, souligné que nombre de policitiens et de décideurs ont contribué à l’instauration de l’économie de rente, en obligeant les chefs d’entreprises à payer des pots-de -vin à chaque phase de leurs projets. “L’absence de compétitivité et de transparence dans les transactions a entraîné la disparition d’entreprises et l’expansion d’autres sociétés qui se sont développées grâce à leurs relations influentes”.
Pour sa part, , Sabeh Malek, membre de l’initiative ” Penser notre démocratie ” a présenté une approche qui se veut une réponse à l’échec du modèle de développement, essentiellement, dans les régions de l’intérieur. Cette approche est différente de celle adoptée en Tunisie depuis 2011, en matière de développement.
“L’objectif de cette proposition est d’instaurer une économie sociale et solidaire (ESS) participative, qui préserve la dignité du citoyen, crée de la richesse et assure un développement durable” . L’approche présentée repose sur l’identification des capacités et des potentiels disponibles dans les régions intérieures du pays et de leurs besoins de développement pour préparer les projets appropriés à même de booster le développement, et ce, avec la participation de tous les intervenants.
Elle a, en outre, souligné que l’approche repose sur trois valeurs : le bénéfice social, la rentabilité économique et sociale et la solidarité. L’objectif recherché est de permettre aux habitants des régions de l’intérieur de créer des projets viables.
Malek a précisé que les projets qui seront mis en place, dans ce cadre, sont soumis au contrôle et à l’accompagnement de “sociétés citoyennes” qui seront lancées dans toutes les régions. Ces sociétés seront soumises à une société mère : ” Société des participations publiques”, dotée d’un conseil de contrôle.
Les financements de la Société mère proviennent de fonds publics, de contributions en nature apportées par l’Etat, et de dons. Pour ce qui est des ressources financières des sociétés citoyennes , elles proviennent de la société mère et des contributions des citoyens qui participeront à son capital, en plus des cotisations au titre de l’aide sociale.
La panéliste a indiqué que l’approche repose également, sur la mise en place d’un ” Fonds national social et solidaire “, qui à son tour est réparti en fonds locaux dédiés au financement d’initiatives libres au niveau local. Elle a souligné que les projets sont proposés par les délégations , accompagnés d’une étude de faisabilité, tandis que les critères d’approbation de la réalisation des projets seront déterminés sur la base de la faisabilité économique et du degré de contribution au développement local.