L’entreprise subit une double pression d’un environnement dépassé et d’un climat d’affaires contrariant. Elle tend la main à la République, en vue d’un attelage de bonne fortune, dans le but d’une reconstruction commune.
Pleins feux sur ce chantier de la dernière chance !
La 35ème édition des Journées de l’entreprise (JES) de l’IACE (Institut arabe des chefs d’entreprise) a eu lieu les 9, 10 et 11 décembre 2021 à Sousse, sous le haut patronage du président de la République, et s’est penchée sur une problématique, dirons-nous, de salut public.
L’errance politique où se trouve plongé le pays, des suites d’une transition qui n’en finit pas d’en finir de discorde, a eu raison de la puissance publique. De même qu’elle a engourdi les ressorts d’expansion de l’entreprise ainsi que la liberté d’entreprendre. L’hypothèse de l’effondrement de l’ensemble hante le pays, et l’esprit des JES 2021 était de trouver les moyens de le conjurer.
Et si cela devait déboucher sur un élan de reconstruction conjointe de la République et de l’entreprise. L’idée ne manque pas de pertinence. Mais le scénario élaboré par l’IACE, finira-t-il par impacter le débat national et devenir une feuille de route pour le pays ?
Un cri du cœur, un acte de foi
L’IACE, avec son thème de refondation nationale, a mis l’entreprise au cœur de cette œuvre de réhabilitation de l’Etat. Son mot d’ordre serait «Debout la République ».
Lors de ces Journées, on a pu voir que cette harangue a fait tilt. Elle est perçue de tous et validée par chacun. Les partenaires sociaux l’ont validée, adoptant la démarche. En effet, pour se remettre sur pied, l’entreprise recherche un effet de synergie dans la réhabilitation de l’Etat et la réactivation de la République. L’entreprise a fait montre d’une approche globale, dépassant le seul champ d’un nouveau modèle économique. C’est une refondation globale de l’Etat qu’il propose, un deal qui est en parfaite intelligence avec les attentes de toutes les forces vives du pays, entreprise en tête. Ce faisant, l’IACE décrète l’entreprise « maillon essentiel du vaste meccano national », étant donné qu’elle est la matrice de la création de richesses.
Réajuster une économie “déformée“
La situation de non décision ainsi que la gestion administrée tatillonne ont plombé l’énergie du management et tétanisé le répondant de l’entreprise. Les archaïsmes et les anachronismes en tous genres ont annihilé la réactivité du monde des affaires et déformé l’économie. Ajouter à cela la crise des finances publiques qui vient assécher les ressources de financement. Le pays est sous stress budgétaire, du fait d’une dette odieuse qui a explosé en étant détournée de sa finalité.
Il est cependant indispensable de remettre le couvert en se représentant devant le FMI. Le pays, par des artifices et diverses pirouettes de circonstance, a pu éviter le risque de défaut. Toutefois, pour affronter le besoin de refinancement de sa dette et l’appel de croissance économique, l’entreprise doit retrouver le chemin des marchés dont l’accord avec le FMI reste le sésame. Si tant est que le Fonds se montre coopératif, la voie de l’endettement devra être relayée et appuyée par le retour de la croissance.
Et parmi les prérequis du réamorçage de la dynamique économique, l’engagement d’une stabilité fiscale ne convainc pas.
Enfin, tout le temps que la volonté politique y est, on garde l’espoir de trouver le chemin de bonne fortune, la voie passante.
L’impératif républicain et l’Etat de droit
A l’issue de son cogito, l’entreprise a dit son mot. La République est son compagnon de route. L’option pour la République signifie-t-elle pour autant une préférence pour le régime présidentiel ? La question reste en l’air pour ne pas avoir été élucidée.
Cependant, le souci majeur des JES est de conforter le choix de l’Etat de droit avec son cortège de juste gouvernance, de transparence et de confiance. C’est le réceptacle idéal pour assainir les mœurs politiques et éviter les travers hasardeux et dévastateurs de l’économie de rente et du capitalisme de copinage. Il faut barrer la route au clientélisme et à son collatéral, l’informel.
L’organisation politique ainsi épurée saura-t-elle garantir la redevabilité et neutraliser l’interventionnisme des partis ? La question n’a pas été élucidée lors des divers panels de cette 35ème édition des Journées de l’entreprise. Il reste acquis que, dans l’esprit des JES, le rôle des partis devrait se restreindre à l’enrichissement du débat d’idées qu’aux esclandres dans la sphère publique.
La technologie et la jeunesse : les leviers de la reconstruction
A l’évidence, la digitalisation jouerait un effet de boost pour les affaires du pays ainsi que pour l’entreprise. Le basculement ne vient toujours pas, pourtant les grandes lignes de l’œuvre de numérisation sont claires et faciles à rassembler pour peu qu’il y ait une détermination à engager le coup. Encore une fois, l’inertie de l’Etat joue contre lui. Faute de tendre la main aux start up, il s’expose à perpétuer le Brain Drain, cette fuite de cerveaux qu’il faut regarder comme une perte de substance. Les pays occidentaux nous siphonnent nos talents et compétences. Et plus proche de nous, Dubaï a initié une Silicon Oasis, avec des ambitions conquérantes avec le risque d’accélérer l’appel aux bols d’air de nos RH dont le rôle est déterminant dans le chantier suggéré par l’IACE.
Il faut comprendre que les jeunes, faute d’être écoutés et de dicter leur volonté de changement, sont gagnés par le désenchantement. Près de 80% d’entre eux sont tentés par la “grosse aventure“. Ils sont revenus de tout. Les responsables politiques les instrumentalisent pour faire croire à des plans truffés de promesses. Et au bout du compte, ils ne voient rien venir après avoir servi à la photo de groupe davantage destinés à les embobiner qu’à marquer un changement dans la politique de prise en mains de la jeunesse.
Les jeunes ne sont pas plus cléments avec l’entreprise car elle n’est pas venue vers eux, et dans les meilleurs des cas, quand elle (entreprise) leur ouvre ses portes, c’est pour des arrangements de circonstance de traque de subventions.
Dans l’attente d’un livre blanc ?
Ces Journées ont démarré par une douloureuse interrogation/constat : pourquoi l’entreprise se retrouve pénalisée du fait de la déconfiture des finances publiques ? L’absence de vision de la classe politique par le biais de l’effet d’éviction a frustré l’entreprise d’un apport vital de financement.
Et elles (les Journées) se sont achevées sur une autre interrogation incisive : Est-ce qu’à travers le référendum et les sociétés locales on entend instrumentalise la jeunesse afin d’aller vers un dessein politique différent de celui auquel elle aspire ?
Après avoir ravagé les moyens de l’entreprise, on est prévenu qu’il ne faut pas jouer avec l’avenir de la jeunesse. L’entreprise se dévoue au service de la cause nationale. Elle se déclare prête à aider l’Etat à revenir dans la partie, et la République à se reprofiler.
Les recommandations des JES pourraient servir de “livre blanc“ pour le défi de refondation de l’Etat. Et les pouvoirs publics, en dehors de quelques propositions éparpillées, n’ont pas annoncé leurs catalogues de réformes ni affirmé leur volonté de sortir un plan quinquennal cohérent et contraignant. Le pays est sur le qui-vive. Il faut savoir donner échos à ses attentes.