“Fais ta part et nous ferons le reste”. C’est autour de cette idée responsabilisant les producteurs de déchets recyclables, que la start-up tunisienne ” Colibris “, fraîchement créée, en avril 2021, veut fédérer un réseau de citoyens de professionnels et d’entreprises éco-responsables et engagés.
La jeune entreprise, située dans la zone industrielle de Mghira à Ben Arous (Banlieue sud de Tunis) et qui offre un service d’enlèvement “porte-à-porte” des déchets collectés, n’emploie jusqu’à présent que trois personnes. Mais, elle repose sur une grande idée et une perspective de long terme : “changer les habitudes et les comportements des Tunisiens pour édifier une société de demain, une société écoresponsable, où le respect de l’environnement, le tri à la source et la préservation de la nature sont des priorités et non pas des effets de marketing “, déclare à TAP, Salim Ben Ahmed, son fondateur.
La jeune entreprise tire son nom, par ailleurs, du petit oiseau-mouche, le colibri. Cet oiseau, bien que minuscule et désarmé par rapport aux autres animaux, a ” fait sa part “, pour éteindre un immense incendie dans la forêt, selon une légende amérindienne.
Selon cette légende racontée par l’agriculteur, écrivain et penseur français, Pierre Rebhi, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : ” Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? ” ” Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part “.
C’est dans cette optique que la société tunisienne de collecte de déchets veut agir. Elle est née dans l’objectif de persévérer à faire les petits gestes et s’attaquer aux ” déchets dispersés ” contrairement aux autres sociétés qui collectent leurs déchets d’un même endroit, explique Ben Ahmed.
” Nous voulons allez jusqu’aux citoyens, dans leurs résidences et aux entreprises, dans leurs locaux, non seulement comme un simple service de porte-à-porte ou de collecte-enlèvement, mais comme une proposition de partenariat solide et durable avec des gens responsables qui partagent nos valeurs en ce qui concerne l’environnement “, a-t-il développé.
“Le pays est devenu une décharge à ciel ouvert, une place invivable avec la prolifération des déchets partout”, estime le jeune entrepreneur, qui a fait pourtant des études littéraires pour avoir son diplôme d’anglais, mais qui a viré vers un métier qu’il estime ” édificateur de la Tunisie de demain”.
“Nous avons réalisé 509 actes d’enlèvement durant le dernier mois de décembre 2021. Nous avons réussi, depuis la création de notre société à engager de nombreux citoyens et de nombreuses entreprises et institutions, établissements scolaires et hospitaliers, ..) et nous projetons de persévérer pour élargir notre réseau”, a encore indiqué le jeune promoteur.
Opérationnellement, la jeune entreprise vend de grands sacs lavables et réutilisables de collecte de déchets recyclables et quand ces sacs sont pleins, elle est contactée par téléphone ou sur sa page Facebook, par la personne ou l’entreprise pour l’enlèvement.
Interrogé sur le nombre d’emplois que la société envisage de créer dans l’avenir, Ben Ahmed a répliqué que ” ça dépend de l’engagement des citoyens et des professionnels et du développement du réseau Colibris “.
” Le plus important est de changer, petit-à-petits, les comportements et les habitudes et de penser à rendre le pays plus propre grâce à des actes écoresponsables et durables. Aussi, notre démarche est de créer des emplois décents et stables et non pas des emplois précaires et provisoires”, a-t-il dit.
Le fondateur de la start-up estime, par ailleurs que pour assurer un service de qualité, il faut “miser sur le confort et le bien-être des employés “. Il faut aussi, d’après lui, tirer meilleur profit de la prise de conscience engendrée par la pandémie du Covid-19, quant aux questions de santé et celles liées à la nature et l’environnement.
“La crise sanitaire a constitué un choc pour un grand nombre de populations et a attiré l’attention sur les questions de la préservation de la nature et l’environnement. Il faut désormais penser à l’impact social et à la responsabilité environnementale entant que priorités et non pas de simples démarches complémentaires”, a encore fait valoir le jeune entrepreneur.
Sa jeune entreprise envisage, à cet effet, d’agir suivant une démarche écoresponsable, mais aussi dans le cadre d’un réseau et “une famille Colibris, qui croit à la justice sociale, au droit à un environnement sain et à une Tunisie meilleure”.
En Tunisie, qui produit environ 2,6 millions de tonnes par an de déchets, dont 63% sont des déchets organiques et 9,6% des déchets plastiques, selon l’Agence nationale de gestion de déchets (ANGED), la technique la plus répandue demeure l’enfouissement dans les décharges, dites contrôlées.
En dépit de la saturation de nombreuses grandes décharges dans le pays et des problèmes engendrés par cette technique obsolète d’enfouissement, les options de recyclage et de valorisation des déchets demeurent encore peu explorées par les services publics.
L’initiative privée constitue alors une alternative pour encourager une nouvelle approche de gestion de déchets qui jette les bases d’une économie circulaire rejoignant l’utile à l’agréable.