Les habitants de Limaya, un petit village agricole relevant de la délégation de Menzel Chaker à Sfax, ont exprimé leur rejet de la proposition avancée par les autorités sur l’aménagement d’une décharge dans leur région pour résoudre le problème des déchets dans le gouvernorat de Sfax.
Pour rappel, le ministère de l’Environnement et les autorités locales à Sfax ont souligné, il y a quelques semaines, l’idée d’aménager une décharge sur une terre domaniale, plus précisément à Limaya, afin de surmonter la crise environnementale que connait la région, au vu que ses décharges ont atteint leurs capacités maximales.
Ledit village, qui sépare quatre gouvernorats, en l’occurrence Sfax, Sidi Bouzid, Mahdia et Kairouan, se distingue par ses activités agricoles et son oléiculture qui constituent une source de revenus pour la plupart des familles. Ces activités offrent aussi des emplois saisonniers pour les habitants des villages voisins.
En outre, la région de Limaya comprend un grand nombre de terres domaniales exploitées par la société Essalama, relevant de l’Office des terres domaniales (OTD).
Les autorités tunisiennes cherchent depuis des mois une alternative à la décharge d’Agareb, dont la capacité a atteint ses limites, et les habitants exigent sa fermeture immédiate, en organisant des mouvements de protestation.
Aymen Triki, un diplôme universitaire en chômage, depuis plus de 10 ans, affirme: ” Nous attendions de nouveaux investissements et de nouvelles mesures de recrutement qui peuvent atténuer les souffrances des habitants, mais voici que les autorités décident d’implanter une décharge au sein de notre région, sans prendre l’avis des habitants “.
Il estime qu’il serait plus judicieux de mettre une terre domaniale à la disposition de jeunes chômeurs de la région, afin qu’ils puissent lancer leurs projets, que de la transformer en décharge.
Mohamed Ben Mbarek, employé dans une société d’aluminium, activiste de la société civile et blogueur à travers la page ” Les Libres de Menzel Chaker ” sur le réseau social Facebook, a déclaré: “nous n’accepterons jamais que les déchets soient enfouis à Limaya. Les petits agriculteurs et les propriétaires des terres proches du site choisi pour être aménagé en décharge, vont être directement touchés et verront leurs productions et la productivité de leurs terres impactées, outre l’impact sur la nappe phréatique qui favorisera l’apparition de maladies “.
L’Etat a tourné le dos aux habitants des régions oubliées, et au lieu de leur apporter des investissements qui atténueront le fardeau du chômage ou d’instaurer, dans le cadre de la loi de finances, des mesures à même de réduire leur pauvreté, il leur offre des décharges, accuse-t-il.
Il est à noter que la décharge d’Agareb à Sfax a été aménagée en 2008 sur une superficie de 40 hectares et d’une capacité de 400 tonnes, avec un taux de croissance annuel de 5%. Elle constitue la deuxième plus grande décharge de la Tunisie après celle de Borj Chakir à Tunis.
Cette décharge devrait être fermée en 2013 après avoir atteint sa capacité maximale. Des protestations revendiquant sa fermeture ont été organisées depuis 2016 par les habitants d’Agareb et une plainte a été déposée dans ce sens.
Ces mouvements qui ont été encadrés par le mouvement ” Manich Msab ” (On n’est pas une décharge) ont abouti, en 2019, à un jugement judiciaire favorable à la fermeture immédiate et définitive de cette décharge, dans un délai maximal de 6 mois.
L’ANGED a rapidement renoncé à sa décision de fermeture de la décharge, en absence de solutions alternatives pour collecter les ordures ménagères, dans le gouvernorat. A cet effet, les habitants ont bloqué tous les accès à cette décharge, ce qui a engendré l’accumulation des déchets. Selon Mohamed Gaaloul du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), l’Etat n’a pas réussi à identifier des solutions dans le gouvernorat de Sfax, ainsi que dans d’autres régions, telles que le gouvernorat de Djerba.
Il a également échoué dans l’identification des solutions pérennes aux problèmes environnementaux. Gaaloul a souligné le droit des habitants du village de Limaya, à une vie décente et à un environnement saint, rappelant que la décharge d’El Gonna accueille quotidiennement 700 tonnes des déchets, ce qui a un impact néfaste sur les êtres vivants.
Selon lui, l’Etat est appelé à s’orienter vers la stratégie de tri, de valorisation des déchets et de leur recyclage, en les réutilisant en tant qu’engrais organiques ou énergie électrique. Ces solutions sont à même de créer des postes d’emploi, a-t-il souligné, appelant à renoncer aux moyens traditionnels inefficaces de collecte et d’enfouissement, à l’instar de tous les pays du monde.