Le test probatoire des “cent jours“ vient de s’écouler. Et on ne peut pas soutenir que le résultat soit tout à fait probant. Tout reste aléatoire. Et les risques persistent.
Le gouvernement Bouden, nommé le 11 octobre 2021 est, en ce 18 janvier, au terme de la période de première évaluation de capacité d’une équipe gouvernementale. A regret, on observe que les affaires courantes ont pris le dessus, escamotant au passage la nécessité de convenir d’un planning des priorités. Gare ! On n’est pas à l’enseigne des bonnes pratiques alors que l’heure des choix forts a sonné.
Sous la tyrannie de l’urgence
Le pays est tétanisé par l’éventualité de l’échec, et cette perspective sape le moral de l’opinion. Et, en face, le gouvernement se comporte comme une “Dream team“ en temps normal, de “Business as usual“. Erreur ! Le bon peuple est sur le qui-vive. Le gouvernement est totalement en retrait. On pensait voir une équipe de choc, une “task force“ prendre le taureau par les cornes et avoir le sens de l’action et de l’instant. Il faut bien se dire que les organes qui nous étaient favorables, tel le World Economic Forum de Davos, commencent à évoquer, publiquement, le risque d’effondrement de l’Etat.
Depuis le 28 décembre 2021, le gouvernement pense s’être tiré d’affaires en communiquant sur la loi de finances 2022, alors qu’il s’agit du minimum de travail d’une équipe au pouvoir, en temps de crise à risque systémique. On ne semble nulle part réaliser qu’il faut sonner le branle-bas de combat. Affirmer que l’on n’ira pas au Club de Paris – ce que nous souhaitons vivement à notre pays – devient un acte incantatoire. Le répéter à satiété ne viendra pas à bout sur scepticisme qui gagne l’opinion.
Quand, enfin, va-t-on amorcer le chantier des réformes ? Il ne s’agit pas des effets de cadrage budgétaire mais des véritables réformes structurelles qui vont changer la physionomie de notre modèle de développement. Comment renouer avec la croissance est bien, de notre point de vue, le nœud du problème.
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Sans plan, sans CES, sans CAE, jusqu’à quand ?
Avec pour seul actif une loi de finances 2022 dont on pense qu’elle a tout pour séduire, autant les institutions financières internationales que la communauté des opérateurs économiques, est une attitude de suffisance. Laisser entrevoir qu’aller vers la vérité des prix de l’énergie, un début de preuve de la volonté réformatrice, c’est la panacée, serait faire fausse route. Comment espérer présenter une vision de moyen terme sans un plan quinquennal ? Il est vrai que la LF 2022 n’a pas alourdi la pression fiscale et a maintenu l’IS à 15 %. Cependant, qui peut certifier que la LF complémentaire de 2022 ne viendrait pas modifier cette position ? Pour que la thèse de la trêve fiscale soit validée dans la tête des opérateurs, il faudrait qu’ils disposent d’un plan sur 5 ans qui le garantit.
Le ministre de l’Economie et de la Planification s’est engagé à présenter un plan d’ici la fin du premier semestre 2022. Comment lui rappeler que le face à face avec le FMI est pour la fin du premier trimestre de l’année ? Comment accepter de se présenter démuni face à des experts gagnés à l’idée que la Tunisie fait dans la procrastination en matière de réformes ? Et pourquoi donc le gouvernement s’acharne-t-il à sortir un plan qui porterait son empreinte exclusive ? Jusqu’à quand va-t-on laisser le Conseil d’analyses économiques (CAE), pourtant un organe dépendant de la présidence du gouvernement, en stand-by ? Il suffirait d’implémenter les pactes de compétitivité élaborés par le CAE et l’on disposerait d’un plan de choc dont la finalité est de conférer un aspect résolument exportateur à toutes nos activités économiques.
Et si l’on a le souci de l’inclusion, on ne peut imaginer meilleure perspective que celle présentée dans le document de l’économie sociale et solidarité élaborée par l’Association dédiée.
Tout ceci est bien beau, cependant tout le temps qu’il n’y aura pas un débat démocratique autour de la planification, il manquera une composante essentielle à la démarche du gouvernement. Le Conseil économique et social (CES) est le meilleur réceptacle, de notre point de vue, pour cette épreuve. Sa réactivation peut se faire d’un “trait de plume“. Sa remise en service pourrait être perçue comme un acte de salut public.
Les solutions extrêmes
Le pays, pour tout horizon, dispose d’une perspective fuyante car personne ne sait de quoi demain sera fait. Aller vers le FMI ne veut en aucun cas signifier qu’un accord avec une conditionnalité acceptable serait finalisé. Par réalisme, ne convient-il pas de se préparer à l’éventualité de l’hypothèse défavorable. Et au bout du compte, en dehors de l’Algérie, les pays “frères“ et “amis“ font la sourde oreille. Par conséquent, l’aide financière bilatérale pourrait nous faire défaut, elle aussi.
La BCT (Banque centrale de Tunisie), pour sa part, a tiré la sonnette d’alarme et a fait savoir qu’elle préfère éviter de financer le budget par des instruments monétaires. Que nous reste-t-il donc en dehors de l’amnistie de change, on se le demande bien ? Pourquoi ne pas la préparer dans le calme et la sérénité ? La seule amnistie de cash contenue dans la LF 2022 nous paraît inopérante. Et pourquoi ne pas hâter dans l’intervalle la convertibilité totale du dinar tunisien ? La préférence du gouverneur de la BCT va pour une démarche séquentielle sur trois ans. Il soutient qu’une telle option serait suicidaire et nous précipiterait dans le scénario libanais.
A devoir choisir entre le Club de Paris et le banco de la convertibilité, notre préférence est toute faite, ne dit-on pas qu’aux grands maux, il faut les grands remèdes.
Ali Abdessalam