L’Etat auquel aspirent les Tunisiens, depuis la “révolution du 14 janvier 2011“, est une institution qui devait avoir pour objectifs majeurs la répartition équitable des richesses, de la connaissance et des pouvoirs entre classes sociales, régions, générations et genre.
Malheureusement, dix ans après le soulèvement du 17 décembre 2010-14 janvier 2011, l’Etat tunisien demeure une institution inéquitable et injuste marquée par une poursuite du déséquilibre régional.
Récemment, un citoyen de la zone Souamria relevant de la municipalité d’Ain Draham (nord-ouest de Tunisie) est intervenu sur les ondes d’une radio privée pour demander aux autorités compétentes de bitumer, en partenariat avec les habitants de la zone, une piste montagneuse de 2 Km. Une fois réalisé, un tel projet permettrait de désenclaver la zone et d’aider élèves, écoliers, patients et le reste des habitants d’accéder à des prestations minimales (établissements scolaires et services administratifs). L’intervenant a été amené à préciser que cette revendication date de plus de trente ans.
Interpellé par la radio sur ce sujet, la mairesse d’Ain Draham, a indiqué que sa municipalité, avec un budget annuel de 400 millions de dinars (MDT) environ, ne peut pas financer le bitumage de ce tronçon dont le coût s’élève à 1 MDT. « Seul le ministère de l’Equipement serait capable de le faire ».
Conséquence : la zone frontalière de Souamria, dont les habitants jouent un rôle déterminant dans la préservation de la forêt et dans la lutte contre le terrorisme, pourrait attendre encore des années avant de connaître son désenclavement.
Pourtant, à 240 Km de la zone de Souamria, plus exactement à la cité Ennasr à Tunis, la municipalité ne lésine pas sur les moyens pour moderniser trottoirs et chaussée au point de donner parfois l’impression de jeter l’argent par la fenêtre.
Anguille sous roche !
En effet, l’avenue Hédi Nouira, une artère de 2,5 Km, la plus longue avenue du pays, paraît-il, fait l’objet, depuis une année, de travaux de rénovation des trottoirs… Car, les personnes âgées et les jeunes mamans et leurs bébés rencontrent les pires difficultés pour se déplacer. Le nouveau conseil municipal de l’Ariana dont relève la cité Ennasr a eu beaucoup de mérite en réaménageant les trottoirs et en consacrant une bande large de deux mètres accessible uniquement aux piétons.
Elle a eu également le mérite de démolir les terrasses et autres ouvrages construits, illégalement, depuis 2011, sur le trottoir par divers commerces (cafés, restaurants…). C’est une belle réalisation que les habitants du quartier et la presse n’ont pas tardé à saluer amplement.
La seule zone d’ombre dans ce projet de restructuration des trottoirs de l’avenue Hédi Nouira réside dans la rénovation des quatre mètres restants du trottoir, et ce sur 2,5 Km alors qu’il est d’excellente qualité. Le coût devrait dépasser de loin celui du tronçon devant désenclaver la cite Souamria à Ain Draham.
L’entreprise chargée des travaux et la durée des travaux ne sont signalées nulle part ou du moins ne sont pas assez visibles comme l’exige le règlement.
Les cinq ou six ouvriers chargés des travaux (un maçon, un aide-maçon, un conducteur de bulldozer et un chauffeur de camion pour l’enlèvement des remblais…) n’ont fait qu’arracher d’anciens carreaux pour les remplacer par des carreaux flambants neufs.
Bizarrement, ils travaillent généralement la nuit et le week-end, causant aux riverains de l’avenue nuisance sonores et divers désagréments. La chaussée et les trottoirs sont éventrés dans divers endroits rendant la mobilité des piétons très difficile.
Est-il besoin de rappeler que la cité Ennasr a vu le jour en 2000 mais les trottoirs et chaussées ont été construits plus tard vers 2010. Ils sont donc de construction récente. Ils ne nécessitent pas logiquement une rénovation totale. L’argent dépensé pour rénover ces trottoirs aurait pu logiquement servir à aménager d’autres trottoirs défectueux de la même cité, à l’instar des trottoirs de la grande et longue artère de l’Ere nouvelle, lesquels sont en piteux état.
Cela pour dire que la restructuration des trottoirs et l’aménagement souhaité d’un passage pour piétons sur l’avenue Hédi Nouira pourraient masquer, avec l’extension non justifiée des travaux à la rénovation totale de ces mêmes trottoirs, une affaire de présomption de corruption.
En plus clair, la partie qui a remporté ce marché juteux aurait bénéficié d’un coup de pouce et de connivences au sein de la Commission des marchés du conseil municipal de l’Ariana. Selon nos informations, il ne s’agirait pas de l’unique soupçon de corruption dans cette municipalité.
A l’origine, la mauvaise conception de ces monstruosités urbaines comme la cité Ennasr. Rien n’a été prévu lors de l’aménagement de ce quartier en matière d’espaces verts, de passages piétons et d’espaces culturels.
Abou SARRA