Réduire le nombre d’autorisations, promulguer les textes d’application relatifs aux lois sur l’économie sociale et solidaire, au crowdfunding et à l’autoentrepreneur, édicter des décrets et des circulaires mettant fin à des aberrations procédurales, c’est aujourd’hui à la portée des décideurs publics en l’absence d’un contrepouvoir législatif qui pourrait bloquer certaines initiatives.
Qu’est-ce qui bloque alors ? Qu’attend le gouvernement Bouden pour décider ? Les silences du Palais (La Kasbah) suscitent l’inquiétude des investisseurs et des Tunisiens lambda qui ne savent plus à quel saint se vouer.
Les incertitudes quant à un possible aboutissement à un accord avec le FMI pèsent de tout leur poids sur le pays. L’UGTT a d’ores et déjà annoncé qu’elle désapprouve certaines réformes incluses dans le plan de réformes soumis au FMI.
Absence de visibilité et perte de confiance au national et à l’international à l’orée d’une année électorale sur laquelle plane l’ombre d’un nouveau régime politique dont le projet véhiculé par les cercles proches du président de la République marketant « La construction de base » (Al bina3 al Qa3idy) n’est pas pour rassurer.
Les contours de la révision constitutionnelle et institutionnelle attendue et qui aura certainement des ramifications sur le plan économique ne sont pas clairs à ce jour, ce qui ne plaide pas en faveur du rétablissement de la confiance dans le régime.
convaincra-t-il l’UGTT d’être plus réceptive quant aux réformes à apporter aux établissements publics ?
Mieux encore, aucune mesure concrète de réforme n’a été prise par le gouvernement pour prouver son engagement pour un changement en profondeur du mode de gestion économique du pays, à quelques semaines d’un possible accord avec le FMI. Et si des actions allant dans ce sens ont été prises, personne ne les connaît, La Kasbah ne communique pas.
Le rapport publié récemment par le ministère des Finances à propos des pertes astronomiques des entreprises publiques qui s’élèvent à près de 9,9 milliards de dinars en 2020, soit 8,9% du PIB, conforte le FMI dans sa posture par rapport à ces entreprises. Mais convaincra-t-il l’UGTT d’être plus réceptive quant aux réformes à apporter aux établissements publics y compris leur cession ?
L’offre, si faite, saura-t-elle convaincre des acheteurs potentiels lorsque l’on sait le niveau de dégradation des entreprises publiques ? Sachant qu’une entreprise privatisée comme la STIP a réalisé une augmentation de près de 68% de son chiffre d’affaires et a presque doublé sa production. C’est dire que la privatisation peut sauver des emplois et augmenter les recettes fiscales.
Comment trouver les ressources nécessaires pour pallier le déficit des finances avec un Etat aussi léthargique ? Quelles alternatives se présentent à l’Etat tunisien pour dénicher des ressources et réanimer l’économie ?
Nombreuses sont les réponses apportées par les économistes et elles n’ont pas de rapport avec le communiqué publié par le Mufti de la République et où il supplie la communauté d’affaires (diabolisée et huée par le président) à venir en aide au pays.
De toute l’histoire de la Tunisie, on n’a jamais vu l’Etat adopter une logique de mendicité. Fort heureusement, il y en a qui prennent des initiatives pour agir sur une triste réalité.
Radhi Meddeb estime que l’une des solutions réalisables et efficaces est le développement de la microfinance. Président du CFE (Centre financier aux entrepreneurs), il vient de signer avec Proparco, filiale de de l’AFD, un accord de garantie pour une ligne de financement de 5 millions d’euros dans le cadre de l’initiative, « Choose Africa Resilience ». Cette garantie permettra aux TPE et PME opérant dans les secteurs du tourisme et de la restauration, de l’artisanat et de l’industrie manufacturière, de l’éducation, de la santé, de l’agriculture et du commerce de détail, l’accès au financement. « Ces prêts sont destinés à renforcer les capacités des microentrepreneurs pour surmonter la crise ».
si nous vendons 2 000 biens au prix de 800 000 dinars chacun, nous ferons entrer chaque année 1,6 milliard de dinars en devises fortes et créerons 10 000 emplois
D’autres acteurs économiques appellent l’Etat à encourager l’acquisition de biens immobiliers par les étrangers. En Turquie, rien que pour l’année 2020, 68 000 biens ont été acquis par des internationaux, notamment Arabes.
« Imaginez, nous explique Jamel Ksibi, président de la Fédération du BTP, que si nous vendons seulement 2 000 biens au prix de 800 000 dinars chacun, nous ferons entrer chaque année 1,6 milliard de dinars en devises fortes et créerons 10 000 emplois, ceci conjugué aux frais d’installation et dépenses quotidiennes. Les Syriens ont investi en Egypte 25 milliards de dollars. Le Portugal s’est relevé de la crise financière de 2008 en investissant 4 milliards d’euros dans l’immobilier et en offrant aux acquéreurs et à leurs familles des permis de séjour de 5 ans renouvelables lors de l’achat d’une résidence de plus de 500 000 euros ».
La Tunisie reste, malgré tout, un site attractif qui peut intéresser les Libyens, Irakiens et les Européens, lesquels, outre sa proximité avec l’Europe, apprécient son climat modéré, ses services de santé et d’éducation dans le secteur privé.
Par ailleurs, des projets tels que Taparura et Picville à Sfax, ainsi que Ben Gayadha à Mahdia, peuvent être commercialisés dès maintenant, et on pourrait offrir des résidences de 10 ans renouvelables à chaque acquéreur qui investit 700 000 dinars dans un bien immobilier. Le décret-loi est fin prêt au Premier ministère depuis le gouvernement Fakhfakh, pourquoi ne pas le remettre à jour ?
Ce que fait le CFE, depuis sa création, est certes louable, ce que propose Jamel Ksibi est pertinent mais de combien d’autres initiatives, de combien de décisions la Tunisie a besoin pour se relever ?
Et comment, en l’absence d’un programme de sauvetage bien étudié sur le moyen et long termes, on pourrait dessiner l’avenir d’un pays ? Devrait-il dépendre d’acteurs de la société civile certes importants mais qui n’ont ni le pouvoir ni les moyens à eux seuls de transformer la réalité socioéconomique du pays ?
Et quand est-ce que l’Etat tunisien brisera-t-il le mur de la peur et oser prendre des mesures qui pourraient peut-être fâcher mais qui, à terme, sauveront le pays ?
Amel Belhadj Ali