Les secteurs de l’agriculture, de la pêche et du tourisme seront fortement impactés par le changement climatique qui se fait déjà sentir dans l’économie tunisienne. Toutefois, une action climatique efficace pourrait transformer ces menaces en opportunités. C’est ce qu’indique un rapport par le ministère de l’Environnement intitulé “Les Impacts économiques du changement climatique en Tunisie : risques et opportunités “, lundi 24 janvier 2022.
Elaboré en collaboration avec l’ambassade de la Grande-Bretagne à Tunis, ledit rapport montre qu’entre 1978-2012, les températures annuelles moyennes ont augmenté d’environ 2,1°C en Tunisie. Cela s’est traduit par un quasi-doublement du nombre de journées chaudes et une diminution de moitié du nombre de journées froides.
Dans les données fournies pour la troisième communication nationale de la Tunisie pour la CCNUCC en 2019, l’Institut national de la météorologie (INM) a également enregistré une augmentation de la fréquence et de l’ampleur des épisodes de chaleur et de précipitations extrêmes sur la même période.
Un climat futur plus chaud et plus sec…
La Tunisie est ainsi très exposée au changement climatique, son climat futur sera plus chaud et plus sec, avec des modifications des principales précipitations saisonnières. Le niveau de la mer devrait s’élever avec une augmentation de la salinité et de l’acidification. Cette exposition crée un cocktail de risques pour l’agriculture, la pêche et le tourisme, ce qui aggrave les risques existants dans ces secteurs.
La production d’olives et d’huile d’olive sera affectée par l’indisponibilité de l’eau et l’augmentation du nombre de jours chauds. Il s’agira de l’une des principales façons selon lesquelles le climat sera ressenti par les agriculteurs et pourrait entraîner des pertes d’exportation annuelles de l’ordre de 228 millions de dollars d’ici 2100.
Des parasites infecteront les dattes
Le secteur des dattes est moins évalué au niveau des risques de viabilité, mais le changement climatique pourrait augmenter les parasites et les changements dans les périodes critiques de floraison et de pollinisation. Il n’y a pas d’analyse spécifique à la Tunisie, mais sur la base des estimations des impacts dans des pays similaires, 20 à 26 millions de dollars d’exportations pourraient être menacés en 2050 et 72 à 85 millions de dollars en 2100.
Impact sur la production céréalière
La production céréalière sera également gravement touchée, avec des réductions potentielles de 30 à 50% de la contribution au PIB agricole d’ici 2100 et des pertes d’emplois de 30% d’ici 2050. Cela mettra davantage en péril, l’autosuffisance et augmentera la dépendance à l’égard des importations.
Impact sur la pêche
Le rapport indique, par ailleurs, que le secteur de la pêche changera de manière spectaculaire et profonde, avec des pertes d’espèces existantes et une augmentation des espèces non indigènes. Les espèces non indigènes présenteront à la fois des risques et des opportunités ; avec une transition adéquate, les rendements de la pêche marine pourraient en fait, augmenter. L’aquaculture restera importante, mais les principales espèces de poissons d’élevage sont exposées à un risque accru de maladie.
L’impact sur la pêche sera spécifique à chaque région, avec des impacts critiques pour les populations particulièrement vulnérables, notamment la pêche à la Charfiya, dans les îles Kerkennah et la pêche des palourdes dans le sud, qui est principalement une activité de subsistance féminine.
Impact sur le tourisme…
Le tourisme en Tunisie est particulièrement exposé au changement climatique étant donné la prédominance des destinations en bord de mer. L’élévation du niveau de la mer réduira les zones de plage et pourrait entraîner une perte du capital productif de l’ordre de 3,6 milliards de dinars.
Le changement climatique modifiera les saisons touristiques, rendant les périodes de pointe en été moins attrayantes, mais augmentant le potentiel au printemps et en automne. Les risques indirects sont également, importants pour le tourisme. En particulier, le stress hydrique est un problème majeur pour le tourisme, notamment lors des pics estivaux, et pourrait constituer un risque plus important que l’augmentation des températures.
Nécessité d’une compréhension détaillée des impacts du changement climatique
Ce rapport plaide pour une compréhension plus détaillée des impacts du changement climatique, afin d’identifier les problèmes critiques qui pourraient être négligés par les analyses nationales. “Les données sont limitées et souvent non collectées de manière systématique et ouverte, il est donc important de surveiller les indicateurs climatiques clés, d’identifier les variables climatiques spécifiques qui sont les plus importantes pour ces secteurs clés (nombre de jours chauds, calendrier des saisons…) et de mettre en place un plan d’action qui identifie ces données critiques et planifie leur production régulière et leur partage au sein des institutions publiques tunisiennes et de la communauté scientifique”.
Elever l’action climatique au rang de priorité
Les auteurs du rapport considèrent, en outre, que ces priorités doivent être considérées dans le contexte d’autres défis, notamment les pertes et la récupération induites par la pandémie du coronavirus, les changements environnementaux existants et la nécessité de moderniser les secteurs économiques.
A ce titre, estiment-ils, il est important que l’action climatique soit bien intégrée aux actions et priorités plus larges. Les projets et études réalisés restent au niveau sectoriel et ne font pas partie d’une stratégie nationale complémentaire. En effet, la nature liée et transversale du changement climatique, montre la nécessité d’une vision stratégique à l’échelle de l’économie et de mécanismes permettant de s’assurer que les plans se traduisent par des actions opérationnelles.
Conclusion du rapport: “il est clair que le changement climatique aura des implications significatives pour toutes les composantes de l’économie et de la société tunisiennes. En l’absence d’une action climatique efficace, beaucoup de ces impacts auront des conséquences négatives, mais avec les bons choix stratégiques et les bonnes actions à mener dès maintenant, la majorité de ces risques pourraient être transformés en opportunités positives pour la Tunisie”.