Insuffisamment corrélé avec certains secteurs importants de l’économie, le marché montre malgré tout quelques signes de résilience.
Mercredi 9 février 2022, se tenait le premier point de presse de l’année pour la présentation du rapport d’activités de l’année 2021 de la Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT). Pour l’occasion, Bilel Sahnoun (DG), entouré de Abdelaziz Hammami (DGA) ainsi que de Lotfi Lakhzami, directeur de la Com’, s’empressait d’annoncer un record du volume de négociations.
En effet, le marché, ce jour là, a clôturé la séance avec un plus haut de 19 millions de dinars (MDT). Cela représente un quintuple de son niveau moyen. On perçoit que cette note d’optimisme, distillée avec adresse en tout début de rencontre, est destinée à véhiculer un ton d’espoir à la place.
Sur l’année 2021, année particulièrement secouée, le marché tire son épingle du jeu. L’indice Tunindex réalise une croissance de +2,3%, se démarquant de sa baisse de 3,33% en 2020.
La capitalisation a elle aussi suivi le trend, avec un résultat, lequel, tout en étant modeste, n’en est pas moins positif de 0,74% en 2021.
La nouvelle plateforme de négociations a introduit davantage de souplesse dans le traitement des ordres optimisant davantage la formation des cours.
Quelques contreperformances de certaines valeurs listées à la Cote ont perturbé le tableau. Cela nécessite plus de vigilance de la part des autorités du marché pour plus de sélectivité au niveau des admissions des valeurs. Toutefois, le marché a bien pu cerner leur impact, preuve supplémentaire que le marché gagne en maturité. Et les chantiers de réformes, actuellement en préparation, abondent en ce sens.
Un marché à l’abri, mais un marché bien connecté avec l’économie
L’on est pris d’un certain accès de relativisme quand on évoque la Bourse de Tunis. Bien que sa croissance semble marquer le pas, on a le sentiment qu’elle possède toutes les prédispositions d’une grande place – financière. On la sent en devenir et qu’elle est appelée, un jour ou l’autre, à jouer un rôle majeur dans le financement de l’économie. Pour le moment, avec 80 valeurs à la Cote officielle, le marché manque de profondeur.
Par ailleurs, il reflète peu le poids de l’économie étant donné que certains groupes du public et du privé restent en retrait. Et que des secteurs tels l’agriculture, l’énergie les télécoms ou le tourisme n’y figurent pas, encore. C’est son handicap ! Car sa physionomie s’en trouve tronquée.
Mais d’un autre côté, cela lui fait esquiver les aléas de la conjoncture épargnant l’indice. Ce dernier est en réserve de tonicité et son léger rebond est en-deçà des autres places environnantes et compétitrices.
A titre d’exemple, pour l’année 2021, la Bourse de Casa fait +18,4%, Amman (+33,2%), Dubaï (+11,4%). Et les places internationales surfant sur le vent de la reprise ont fait des scores significatifs. C’est le cas de Wall Street avec +18,7%, Francfort (+15,8 %) et Paris (+28,9%).
Le mérite de la Bourse en ces temps de brouillard économique est qu’elle fait ressortir les signes de résilience des secteurs les plus exposés. En dépit de deux années consécutives de Covid-19, le revenu global des valeurs de la Cote a augmenté de +13%.
Pour sa part, le secteur financier, si éprouvé par les difficultés du tissu industriel, a réalisé un taux de croissance de +9,1%.
Un marché en retard d’émergence
Il y a tout de même un bémol contrariant. Le marché reste de caractère “Frontier Stock Market“. On comprend que la Place de Tunis exerce peu d’effet d’appel sur les IDE en portefeuille. Exprimé dans les deux devises principales (euro et dollar), Tunindex a progressé de +3,80 % en euros et de -4,75% en dollars.
Pareil pour les IDE, quand bien même ils sont d’ordre stratégique, c’est-à-dire non spéculatif, l’encours des IDE ne cesse de régresser sur les cinq dernières années sauf en 2019.
L’ennui est qu’en plus de ces résultats contrariants, le marché, du fait de sa Cote restreinte, ne satisfait pas à deux critères principaux. Le ’“Grade“ émergent exige le listing de trois valeurs au moins qui présentent une capitalisation supérieure à 1,35 milliard de dollars US. A l’heure actuelle seule, la SFBT répond à ce critère.
En renfort, il serait bien venu d’introduire deux poids lourds. Ils peuvent venir du secteur public car cela dépend simplement d’un effet d’une volonté politique.
La seconde contrainte est que le niveau des transactions doit atteindre le niveau de 4 milliards de dinars par an sachant que le niveau actuel est de 2 milliards de dinars par an. Cela nous laisse à l’écart d’une image qui soit attrayante pour les IDE, outre les autres restrictions du code du change.
Des réformes en chantier
Le marché est en attente d’expansion. Les politiques d’introduction plafonnent pour le moment. Toutes les incitations et autres stimulus fiscaux seraient à reconsidérer. Quand l’IS est à 15%, les exonérations proposées en cas d’introduction doivent être revues pour devenir plus incisives.
Quoiqu’il en soit, à horizon proche, les groupes privés demeurent encore engourdis. Et on ne voit pas de plan d’introduction massif pour les groupes du secteur public. La réactivation du marché alternatif apporterait plus de souffle. Il est permis de penser que ce marché, qui est en interfaçage avec la réalité du tissu économique national majoritairement composé de PME, apporterait un appoint d’animation. Réserver le marché alternatif aux investisseurs institutionnels est une façon cohérente de professionnaliser l’acte d’investissement des opérateurs du capital-risque. Et cela est prometteur.
Par ailleurs, la Bourse est souvent confondue avec le marché actions, il faudrait également reconsidérer en profondeur le marché obligataire.
Ali Abdessalam