Pour la deuxième fois, du moins à notre connaissance, des bailleurs de fonds décident, en l’espace d’une année, de réviser à la baisse des prêts accordés à la Tunisie et s’excusent de ne pas pouvoir les verser en intégralité en raison des retards pris dans la réalisation des projets pour lesquels ils sont affectés.

Abou SARRA

Dans un pays au bord de la faillite, où le moindre dollar ou euro à son importance, cette tendance est le moins qu’on puisse dire scandaleuse. Une certitude : elle fait très mal.

Les Tunisiens étaient bien avertis mais…

Le fils du pays et vice-président de la Banque mondiale, Ferid Belhaj, avait pourtant attiré l’attention, il y a quelques mois sur l’incohérence des gouvernants tunisiens.

Il avait demandé, en substance, aux officiels tunisiens de faire preuve de cohérence et les avait invités à cesser de solliciter, à tout bout de champ, des bailleurs de fonds de nouveaux crédits pour financer le budget alors qu’ils sont incapables de bien utiliser les prêts déjà mis à leur disposition depuis des années.

« Des financements de 5,2 milliards d’euros ont été alloués par la Banque mondiale et l’Union européenne à la Tunisie, mais celle-ci n’a pas exploité ces fonds qui constituent 15% du PIB », a-t-il martelé lors des nombreuses interviews accordées à l’époque aux médias tunisiens.

En raison de cette capacité d’absorption insuffisante, les bailleurs des fonds ne peuvent plus accorder de nouveaux prêts à la Tunisie, avait-il ajouté.

Avec du recul et avec la décision des bailleurs de fonds, en l’occurrence la Banque mondiale et la BEI, de réduire le montant de deux prêts, cette remarque, faite au mois de mars 2021 par Ferid Belhaj, peut être interprétée comme un message codé, voire comme une alerte quant à la prise incessante de décisions de révision. Une alerte que les gouvernants tunisiens n’avaient pas comprise à temps.

Un taux d’avancement de seulement 9,6%

En effet, vers fin mai 2021, la Banque mondiale (BM) révisait à la baisse la valeur du prêt accordé à la Tunisie pour financer le projet de gestion intégrée des paysages forestiers de 93 millions d’euros à 48 millions d’euros, en raison du faible taux de réalisation de ce projet.

Les équipes de la Banque mondiale ont constaté que le taux de réalisation du projet, entamé en 2018, n’était jusqu’à avril 2020 que de l’ordre de 9,6%.

Le Groupe chimique… irrespectueux de l’environnement

Une année après l’alerte de Ferid Belhaj, plus exactement lors d’une rencontre tenue le 4 février 2022 avec la ministre tunisienne de l’Energie, de l’Industrie et des Mines, Neila Gongi, le chef de la représentation de la BEI en Tunisie et en Algérie, Jean-Luc Revéreault, a annoncé que le « prêt accordé par la Banque au Groupe chimique tunisien (GCT) pour la mise à niveau environnementale des sites de Mdhilla et de Skhira ne pourra pas être versé en intégralité, en raison des retards pris par le promoteur dans la réalisation dudit projet ».

Lire aussi : Tunisie – BEI : Mauvaise nouvelle pour le Groupe chimique tunisien

Dans les deux cas, cette révision à la baisse des prêts accordés porte préjudice à des communautés vulnérables du pays. Il s’agit des habitants des forêts du pays. Le projet de gestion intégrée du paysage forestier financé par la Banque mondiale vise à réduire les disparités entre les régions et à permettre aux catégories vulnérables de saisir les opportunités économiques et d’accéder à des marchés à valeur ajoutée.

A terme, le projet devrait profiter à 8 gouvernorats, en l’occurrence Bizerte, Béja, Jendouba, Siliana, Kasserine, Sidi Bouzid, Le Kef et Kairouan, 18 délégations et 25 unités paysagères.

Concernant le second projet, la réduction du prêt de la BEI va priver deux régions, Gafsa et Gabès, d’importants fonds pour lutter contre la pollution générée par le rejet du phosphogypse, matière extrêmement polluante.

Par delà ces réductions malheureuses de prêts de la Banque mondiale et de la BEI, la création d’une structure centralisée spécialisée dans la gestion de la dette, une Agence de Trésor et dédiée à la bonne gouvernance de la dette, est devenue d’une extrême urgence.

Espérons qu’il en a été question avec Emmanuel Moulin, directeur général du Trésor français qui vient d’effectuer une visite en Tunisie (fin janvier 2022).

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