“La crise constitutionnelle et l’avenir de la démocratie en Tunisie à la lumière des mesures exceptionnelles” ont été au centre d’un colloque international organisé vendredi 25 février 2022, à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, par le Laboratoire de recherche en droit international, juridictions internationales et droit constitutionnel comparé.
Les intervenants, au cours de la première séance, ont unanimement pointé les inconstitutionnalités des mesures exceptionnelles annoncées le 25 juillet 2021, par le président de la république, mettant en garde contre les répercussions de l’état d’exception sur l’expérience démocratique tunisienne.
Dans son intervention, Rafaâ Ben Achour, juriste et juge à la Cour africaine des droits l’Homme, a souligné que l’état d’exception a plongé le pays dans un vide constitutionnel sine die qui mènera à “l’enterrement de la Constitution du 27 janvier 2014”. Ce vide juridique risque d’aboutir à une nouvelle Constitution autoritaire, a-t-il estimé.
Selon lui, le processus d’abolition totale de la Constitution est avancé, rappelant que le président de la République considère que la Constitution n’est plus valable. En effet, le 9 décembre 2021, le chef de l’Etat a déclaré lors d’une entrevue avec des constitutionnalistes que la Constitution ne peut pas continuer d’être appliquée car “elle n’a aucune légitimité”.
Perte de 21 rang…
S’agissant des conséquences du 25 juillet sur la démocratie en Tunisie, Ben Achour a évoqué “la dégringolade” de la Tunisie dans le classement des pays démocratiques.
En effet, la Tunisie a perdu 21 rangs dans ce classement et est désormais considérée comme une démocratie “hybride et défaillante”.
Saied a désormais un pouvoir constituant
Par ailleurs, le juriste a abordé le décret présidentiel relatif aux mesures exceptionnelles du 22 septembre 2021, soulignant qu’en vertu de l’organisation du pouvoir législatif qu’il prévoit, Kaïs Saïed s’est procuré un pouvoir constituant.
De son côté, le juriste Kamel Ben Messaoud a qualifié ce décret d'”hérésie juridique” qui, sous couvert de permettre au pays de faire face à un péril imminent, bafoue toute hiérarchie des règles juridiques.
Revenant au fondement juridique de l’état d’exception, Ben Messaoud a estimé que les mesures exceptionnelles en question ne peuvent en aucun cas être la concrétisation des dispositions de l’article 80 de la Constitution. “Il s’agit d’un coup de force contre la Constitution qui installe une dictature au profit du président de la République”, a-t-il ajouté.