L’oeuvre panafricaine du cinéaste, critique et universitaire tunisien, Férid Boughedir, sera à l’honneur à la 11ème session du Festival de Louxor (Egypte) qui se déroulera du 4 au 10 mars 2022.
Férid Boughedir est surtout connu comme réalisateur de films de fiction devenus des classiques comme “Halfaouine” (Osfour Essatah), révélé à Cannes en 1990, et devenu depuis son ” Tanit d’or ” à Carthage la même année, le film tunisien le plus vu en Tunisie et à l’international; puis “Un été à La Goulette”, sélectionné à Berlin en 1996, suivi par “Zizou” (Parfum de Printemps), Prix du meilleur film arabe au Festival du Caire en 2016. Ces trois films étant aujourd’hui encore toujours distribués au niveau international.
Cependant, Férid Boughedir est un peu moins connu pour son œuvre de longue date de critique cinématographique, et d’expert des cinémas africains et arabes, auteur de nombreux ouvrages à ce sujet, et pour son travail de militant permanent, avec d’autres pionniers, pour l’installation de structures d’encadrement et de développement de films d’expression artistique, aussi bien en Tunisie (où il a présidé et coordonné pendant deux ans, à titre bénévole, la Commission inter-associative de Réforme du cinéma tunisien qui a abouti à la création du Centre national du cinéma et de l’image, en 2011…
Auteur de deux thèses de doctorat soutenues à Sorbonne, consacrées aux cinémas africains et arabes, ” Cinéma africain et décolonisation ” présentée en 1976, puis en 1986, sa thèse de doctorat d’Etat ” 25 ans d’économie et de thématiques des cinémas africains et arabes”. Il a été durant une longue durée professeur de cinéma à l’Institut de Presse de l’Université de Tunis (IPSI).
Parmi ses productions sur le sujet, on retiendra ses deux long-métrages documentaires “Caméra d’Afrique” et “” Caméra arabe” ” présentés en sélection officielle du Festival de Cannes en 1983 et 1987 (Festival qui le fera membre de son Jury officiel à deux reprises ), et ses nombreux ouvrages écrits ou co-écrits, des années 70 à nos jours, depuis son livre personnel “le Cinéma africain de A à Z”, édité à Bruxelles en deux versions (française et anglaise) en 1987, jusqu’au tout dernier co-écrit, ” Black caméra II “, publié cette année aux Etats-Unis d’Amérique par Indiana University Press.
Mais surtout, Férid Boughedir a été, avec d’autres pionniers, l’un des principaux organisateurs, toujours bénévoles, du mouvement du “Panafricanisme cinématographique”, en faveur de l’unité solidaire de tous les cinémas du continent africain, en étant avec Hassan Daldoul l’un des fondateurs, dès 1970 à Tunis, de la Fédération panafricaine des cinéastes.
Il a ensuite été un des principaux dirigeants des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), en organisant parallèlement -de la conception, la direction, jusqu’à l’écriture des résolutions finales – la plupart des colloques et symposiums interafricains tenus à ce sujet, à Carthage, à Ouagadougou (dont il a été président en 2001) ou à Mogadiscio. Il a surtout été le rédacteur principal du célèbre ” Manifeste de Niamey ” des cinéastes africains ” en 1982.
A Bruxelles en 1984, il a été l’un des négociateurs principaux, face à Edgar Pisani, ancien ministre du Général de Gaulle et vice-président de l’Union européenne (UE), pour l’attribution réussie au sein des accords ACP (Afrique – Caraïbes – Pacifique), du soutien financier de la commission Européenne aux cinéastes subsahariens,
Ce militantisme bénévole de 5 décennies pour les cinémas tunisien et africain lui a valu d’être distingué à plusieurs occasions en Tunisie, et de recevoir au Festival de Cannes, pour ses films et ses actions, la plus haute décoration de France, la Légion d’Honneur, remise en 2013, sous la présidence de François Hollande, par la ministre Française Yamina Benguigui.
Il n’en fallait pas moins pour que le Festival du cinéma africain de Louxor, né en 2012 en Egypte, décide pour sa 11ème session de célébrer l’œuvre et l’action panafricaines militantes de Férid Boughedir, étendue sur près d’un demi-siècle, par un “Hommage à la carrière”, concrétisé par la remise d’un ” Masque de Toutankhamon ” Spécial pour la circonstance , hommage qui lui sera rendu lors du gala de clôture et de remise des prix du Festival le 10 mars 2022.
Les films tunisiens sélectionnés sont le long-métrage “Machia ila Jhanam” de Ismahane Lahmar, le court-métrage “Nosf Rouh” de Marouane Trabelsi, et pour la section “Diaspora”, le long métrage franco-tunisien “Kol al Layali” de Latifa Saïd.
La Tunisie sera aussi présente dans les différents jurys et ateliers, avec la productrice et fondatrice du festival tunisien “Manarat” Dorra Bouchoucha (Jury des films ” Diaspora ” des cinéastes hors-continent), le critique Kamel Ben Ouanes (Longs métrages), l’actrice Ghalia Ben Ali (Courts-métrages), et l’universitaire Lassaad Jamoussi (atelier de formation cinématographique des jeunes de Haute Egypte).
L’hommage principal du Festival, “Le Parcours d’une vie” ( Life-Time Achievement), de la session 2022 dans la catégorie ” Acteurs “, non lié directement à l’Afrique, sera consacré à la star égyptienne Hussein Fahmy.
Des hommages personnels d’encouragement auront également lieu à l’ouverture du Festival, attribués au jeune acteur égyptien Amr Saad, à la jeune réalisatrice burkinabé Apolline Traoré, et à l’actrice algérienne Biyouna.
Cette 11ème session du Festival de Louxor sera dédiée à la mémoire de grands disparus, les stars égyptiennes Houda Soltane et Mohamed Morsy, du célèbre cinéaste sénégalais Djibril Diop-Mambety, et du réalisateur marocain Mohamed Ismail.