Jalila Jlouli, créatrice de tapis et cheffe de l’entreprise “Montapi”, est passionnée par son métier. Sur le chemin qui mène à son exposition permanente au village artisanal de Béja, elle raconte à la correspondante de l’Agence TAP, les détails de son aventure qui a commencé à l’âge de 41 ans, et lui a permis de promouvoir ses créations dans plusieurs pays à travers le monde.
Elle est parvenue à faire connaître sa société et sa ville natale, Béja, dans le domaine du tapis, alors que la production de tapis certifié, de l’ensemble des gouvernorats du nord-ouest, ne dépasse pas les 2,1% de la production nationale.
Les yeux brillants de joie, Jalila désigne un certificat “ISO 9001” accroché au mur de son bureau, qu’elle a obtenu récemment. Elle rappelle avec fierté avoir reçu, en décembre 2021, le premier prix de la création artisanale, décerné par l’ONA (Office national de l’artisanat), parlant comme une élève qui obtient son premier diplôme, alors qu’elle a déjà raflé de nombreux prix, durant sa carrière, dont le Prix présidentiel pour l’encadrement des femmes rurales en 2005.
Elle est minutieuse…
Elle a assumé plusieurs responsabilités au sein d’organisations et d’associations tunisiennes, dont la dernière est celle de trésorière de la Chambre de commerce et d’industrie du nord-ouest. Son enthousiasme était peut-être l’un des secrets du succès de cette femme, qui a pu se distinguer dans le milieu des affaires.
Jalila est une femme minutieuse qui accorde une grande attention aux moindres détails. C’est ce que nous avons remarqué en visitant avec elle l’atelier de production à ksar Bardo (Béja).
Malgré la présence d’une responsable de cet atelier, elle tient à tout superviser, en prodiguant des conseils aux artisanes et en s’informant des moindres détails du déroulement du travail.
A plus de 66 ans…
A l’âge de 66 ans, la cheffe d’entreprise se déplace régulièrement, entre ses différents ateliers situés dans les régions de Béja nord, Amdoun, et Nefza, ainsi qu’à son espace d’exposition au village artisanal de Béja.
Elle tient aussi à prendre part aux plus importants salons et expositions en Tunisie et dans plusieurs pays tels que le Japon, la France, l’Allemagne, les USA…
Le déclic et une fierté au bout…
Elle nous a confié avoir réussi à réduire les charges de son entreprise en assurant la livraison des tapis aux clients. “Ce sont des articles précieux pour moi, et je sens une grande satisfaction quand je vois la joie de mes clients en les recevant ou lorsque je vois mes créations ornant les murs ou les salons de maisons de standing ou de châteaux”.
Son amour pour le tapis remonte à ses années d’enfance, même si sa mère, d’origine kairouanaise, l’avait toujours empêché de participer à la fabrication des tapis, l’incitant à consacrer tout son temps aux études.
En 1972, elle a décroché son baccalauréat section sciences expérimentales, mais elle n’a pas poursuivi ses études universitaires, parce qu’elle s’est mariée et s’est consacrée à sa famille.” Une fois mes trois enfants diplômés, j’ai décidé de commencer ma carrière, grâce à l’appui de mon mari, qui m’a offert 20 mille dinars, pour lancer mon projet “, a t-elle poursuivi.
Elle a décidé d’investir dans les zones rurales et pauvres, car son objectif principal ne consistait pas à ” réaliser des profits “, mais plutôt à ” aider les femmes rurales et à les encadrer “.
L’émancipation des femmes rurales est mon premier souci
” Afin d’aider ces femmes, j’ai mis en place des ateliers de formation et de fabrication de tapis dans les régions de Mjales, Hamra, Fetatena, Maâkoula, Hammam Siala, Nefza et Beja. Ces espaces ont permis la formation de centaines de femmes et de jeunes filles et de leur assurer un revenu et un savoir-faire garantissant leur indépendance financière et leur dignité. J’ai toujours veillé à partager les fruits de la réussite avec les artisanes et présenter leurs créations dans les plus grandes expositions en Tunisie et ailleurs, afin de les motiver et les encourager”, a-t-elle dit.
Les créations de ces femmes ont favorisé la conquête de nombreux marchés, non pas uniquement pour les ateliers de Jalila Jlouli, mais pour toute l’industrie du tapis en Tunisie.
Des ateliers incontournables, mais la main-d’œuvre …
En effet, la visite des ateliers de cette dernière est devenue un rendez-vous quasi-fixe pour toutes les visites officielles de délégations nationales et étrangères à Béja.
Par ailleurs, les nouvelles créations de Jalila ont inspiré plusieurs autres professionnels, d’autant plus qu’elle a œuvré à varier les matières premières en utilisant le coton, la soie, toutes sortes de laine…, “ce qui a permis de répondre à tous les goûts et de proposer des prix à la portée des différentes catégories sociales”.
Jalila pointe du doigt le problème du manque de main-d’œuvre spécialisée et la désaffection des jeunes pour ce métier. Ils ne veulent plus apprendre ce métier ce qui me fait craindre pour l’avenir du tapis en Tunisie, dont les origines remontent pourtant à l’époque des Berbères, et qui a perduré durant des siècles.
“Face à cette situation, nous serons obligés de recourir, dans les années à venir, aux machines, afin de parvenir à élargir l’activité de la société et à assurer sa pérennité”, a conclu avec amertume, la cheffe d’entreprise.