Le Centre de recherches et technologies des eaux (CERTE) plaide en faveur de la mise en application et la généralisation des expériences pilotes menées en matière de valorisation des eaux grises et pluviales dans le cadre du projet NAWAMED, et le développement du cadre juridique adéquat à cette réutilisation. C’était lors d’un atelier sur “La réglementation et les outils de planification urbaine pour promouvoir la réutilisation des eaux non-conventionnelles en Tunisie”, organisé mardi 8 mars 2022 à Tunis.
Le projet NAWAMED (Solutions basées sur la nature – NBS) pour la réutilisation de l’eau domestique dans les pays méditerranéens, développé dans le cadre du programme de coopération transfrontalière IEV CTFMED, vise à modifier les pratiques de gestion et de valorisation des eaux urbaines à travers des technologies de traitement innovantes, durables et économiques, dans 5 pays méditerranéens, à savoir la Tunisie, l’Italie, la Jordanie, Malte et le Liban. Il a démarré en septembre 2019 et devrait se poursuivre jusqu’en septembre 2022. Le CERTE est le coordinateur national du projet en Tunisie.
A cette occasion, la coordinatrice du projet NAWAMED, Latifa Bousselmi, a souligné que ” le projet vise la valorisation des eaux non conventionnelles, notamment les eaux grises (eaux issues des douches, des baignoires, des lavabos, des lave-linge, des éviers et des lave-vaisselle) et pluviales, en milieu urbain en utilisant des solutions basées sur la nature “.
Les solutions de valorisation basées sur la nature sont des solutions inspirées de la façon dont la nature traite elle-même les eaux au niveau des rivières, des zones humides et des écosystèmes naturels qui ont un pouvoir épurateur naturel. Ces solutions consistent essentiellement en les zones humides artificielles, les systèmes de drainage urbain durable, les murs verts, les installations de réutilisation des eaux… “, explique-t-elle.
Ces solutions permettent selon Bousselmi, d’optimiser la gestion de la ressource eau en favorisant le multi-usage des eaux non conventionnelles et de favoriser la création de zones vertes et de microclimats adaptés aux changements climatiques.
La responsable a indiqué que ” ce savoir-faire a été développé au sein du CERTE et que plusieurs stations pilotes de valorisation des eaux grises et pluviales ont été installées dans le cadre du projet NAWAMED. Le premier pilote a été installé dans le foyer universitaire de Cité Jardins à Tunis. Une deuxième station pilote à été installée, en collaboration avec l’ONAS, à l’école primaire de Chorfech 24 à Sidi Thabet (L’Ariana). Par la suite, cette expérience pilote a été dupliquée dans trois écoles primaires à Kasserine et dans deux mosquées à Kairouan, à Sbikha et Dar Aicha “.
La Tunisie recycle à peine 5% des eaux usées traitées!
Interrogée sur les obstacles qui entravent jusque-là, la valorisation des eaux usées en Tunisie, la responsable a souligné que “le CERTE travaille depuis 1985 sur les thématiques liées à la valorisation des eaux usées et que cette valorisation a toujours figuré dans le cadre des stratégies hydrauliques nationales. Cependant, à ce jour, la Tunisie recycle à peine 5% des eaux usées traitées, ce qui montre qu’il y a clairement un problème à ce titre”.
Lle problème n’est pas un problème technique ou de recherche. La technologie et le savoir-faire sont là. Il s’agit clairement d’un problème de gouvernance, de sensibilisation et de conscience sociale et environnementale.
Revenant sur l’expérience menée dans le gouvernorat de Kasserine, le directeur général du CERTE, Ahmed Ghrabi, a indiqué que ” cette expérience avait pour objectif de tester des solutions visant à résoudre le problème de difficulté d’accès à l’eau dans les écoles des zones rurales “.
Il a fait savoir que ” cette expérience reposait sur des procédés de collecte des eaux pluviales sur les toits et les surfaces de ces écoles, pour les traiter et les réinjecter dans les toilettes. Parallèlement, des bassins de traitement et d’épuration des eaux grises ont été installés dans ces écoles pour servir aux besoins d’irrigation des arbres fruitiers à travers des installations souterraines “.
Soulignant le succès de ces expériences, Ghrabi a déclaré que ” le rôle de la recherche est de proposer des solutions et de mettre en place des actions pilotes et que c’est aux décideurs et aux gouvernants du pays de dupliquer ces expériences à grande échelle”.
La valorisation des eaux usées n’est plus un choix
Pour sa part, l’expert et contrôleur général à l’Agence nationale de Protection de l’Environnement (ANPE), Slim Daoud a estimé que face à la rareté de la ressource eau en Tunisie, la valorisation des eaux usées n’est plus un choix mais une nécessité.
Il a mis l’accent sur la nécessité de prévoir le cadre juridique nécessaire à la valorisation des eaux grises à l’instar de ce qui a été fait pour la réutilisation des eaux usées à des fins d’irrigation et pour la collecte et le stockage des eaux pluviales.
Daoud a estimé qu’un tel cadre juridique pourrait s’inspirer des expériences internationales menées dans ce sens tout en prenant en considération les spécificités nationales.