M. Marouane El Abassi, Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) est intervenu à distance, aujourd’hui 09 mars 2022, lors de la réunion des ministres africains des finances et des gouverneurs des banques centrales du continent avec la directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI), Kristalina Georgieva.
Organisée par la Commission Economique pour l’Afrique (CEA) ; organisme régional de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ; cette réunion a été consacrée pour discuter de l’impact des événements à la frontière Russo-Ukrainienne sur les économies africaines et les éventuelles mesures à entreprendre par les Institutions Financières Internationales (IFI) pour atténuer ses impacts.
Voici ci-après les principaux éléments de l’intervention du Gouverneur El Abassi :
« Je pense que le principe de la solidarité a été primordial au moment de la crise de la COVID et que l’intervention du Fonds Monétaire International ainsi que les autres IFI a été relativement rapide et surtout proactive.
Aujourd’hui, et par rapport à la conjoncture actuelle, il demeure de première importance qu’on ait des programmes plus flexibles et étalés sur une plus longue période.
Je crois, aussi, que les conditionnalités des Institutions de Bretton Woods doivent être conçues dans une logique conséquentielle entre conjoncture et conduite des réformes. C’est véritablement important dans la mesure où nos pays sortent juste d’une crise sanitaire, qu’ils se retrouvent à faire face à une situation d’incertitudes qui pourraient durer.
Fondamentalement, je pense que les pays africains se doivent d’être davantage aidés, notamment dans les programmes relatifs à la transition énergétique. Je crois que c’est une démarche très importante, puisqu’actuellement, nous travaillons sur les «greens finances» et que nous avons besoin d’investir davantage dans les énergies renouvelables. Pour ma part, la situation actuelle nous a véritablement montré qu’il importe d’augmenter fortement ces d’investissements.
A cet égard, l’initiative du FMI de créer un Fonds pour aider les pays à renforcer leur résilience et leur viabilité est fort louable. Toutefois, les fonds mobilisés risquent d’être en-deçà des attentes, notamment à cause des limites d’accès par pays. Le FMI pourrait sûrement réfléchir davantage sur ce point et remédier à cette situation.
A mon avis, un certain nombre d’actions peuvent être entreprises. A titre d’exemple, une meilleure et plus large mobilisation des DTS alloués aux pays qui en ont le plus besoin est essentielle. On a discuté ce point et le FMI en est convaincu. Il faudrait, donc, trouver ensemble les moyens de le faire. A cet effet, une plus grande ingéniosité dans le “rechanneling” des DTS est nécessaire.
Nous pensons, par ailleurs, qu’un plus grand engagement du FMI sur des programmes de long terme aidera nos pays à faire face aux pressions de plus long terme sur leurs balances des paiements.
Une décision du FMI dans le sens de prolonger son soutien aux pays membres en difficulté afin de les aider à surmonter cette crise est fortement souhaitable.
Afin de limiter les répercussions de la situation actuelle sur les entreprises et les ménages, les autorités auraient besoin d’activer certaines mesures, en conjointe collaboration avec les IFI. De notre part, nous pays africains : une meilleure intégration régionale est importante. Nous nous devons aussi de coordonner ensemble pour apporter une réponse collective, régionale et continentale, soit-elle.
Pour les pays qui négocient, actuellement, avec le FMI, il faudrait accélérer le processus tout en intégrant la conjoncture particulière dans les négociations avec les Bailleurs de fonds. S’il est nécessaire d’évaluer les retombées de ce facteur exogène sur les différents secteurs ou agrégats macroéconomiques et financiers, ceci ne doit pas constituer un élément retardant les négociations.
Pour combler l’impact de la flambée des prix internationaux de produits de base ; alimentaires et énergétiques ; sur les finances publiques et sur les réserves de change des pays, il faudrait, également, prévoir des mécanismes spécifiques sous forme d’appui budgétaire et aide à la balance des paiements.
Enfin, il importe de faciliter davantage les conditions d’octroi de crédits par les institutions financières internationales au pays qui peuvent basculer dans beaucoup plus de vulnérabilité et de pauvreté. Cette question est fondamentale pour préparer la prochaine phase plus sereinement.
(Communiqué)