Experts, partis politiques, associations de développement et bailleurs de fonds sont unanimes pour relever que les entreprises et jeunes auto-entrepreneurs de l’arrière-pays rencontrent beaucoup de difficultés pour accéder au crédit bancaire. De ce fait, ils ont du mal à lancer leurs propres projets et à bénéficier d’une banque de proximité à même de satisfaire leurs besoins en financements et de leur apporter l’assistance technique requise.

Pourtant, il existe depuis une dizaine d’années deux projets de banques à vocation régionale qui ont bien muri et qui ne demandent qu’à être dépoussiérés. Il s’agit de la Banque des régions et de la Banque postale.

Ce qui est frustrant, c’est qu’on a accéléré la création, en 2011, de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l’investisseur institutionnel qui devrait appuyer, financièrement, ces deux banques une fois mises en place. Ainsi, la CDC existe depuis plus de dix ans alors que les deux banques sont toujours en stand-by.

Malheureusement, la CDC, qui gère actuellement une épargne postale de plus de 8 milliards de dinars, a préféré opter pour la rentabilité de ces fonds et appuyer des structures assimilées aux établissements financiers classiques tels que les SICAR, les fonds de placements à risque locaux et internationaux et même le marché financier où elle joue le rôle de catalyseur avec un encours d’emprunts obligataires de 200 millions de dinars (MDT) environ.

Pis, par la volonté de gouvernants qui se sont succédé à la tête du pays ces dernières années, la CDC gère les lignes de crédits mises à la disposition de la Tunisie par la Banque mondiale, le Fonds des fonds « Anava » et par l’Agence américaine de développement international (USAID), alors que ces lignes de crédits devraient être en principe rétrocédées et affectées au financement de l’investissement entre autres dans les régions.

Les deux articles qui suivent vont essayer de jeter la lumière sur le bien-fondé des deux établissements financiers (Banque des régions et Banque postale) lesquels, s’ils voyaient le jour, pourraient changer en mieux les régions de l’intérieur et sédentariser leurs communautés. Pour l’histoire, ces deux types de banques ont connu des succès dans d’autres pays à travers le monde.

Une banque des régions, de quoi s’agit-il ?

Selon Dhafer Saidane, l’universitaire auant été le premier à présenter, officiellement, en 2011, un rapport sur ce type de banque à Elyès Jouini, alors ministre auprès du Premier ministreMohamed Ghannouchi, chargé des Réformes économiques et sociales et de la Coordination avec les ministères concernés, au sein du gouvernement provisoire. C’était dans le cadre d’un rapport intitulé « Système bancaire tunisien : dans l’attente de réformes audacieuses ».

Objectif du rapport : « assainir le système bancaire pour qu’il joue enfin son rôle de moteur de la croissance – notamment au niveau régional -, et de lutte contre l’exclusion au plan social. Ce rôle social des banques tunisiennes devra se traduire par la création de banques régionales de financement ».

Le dossier de la Banque des régions devait refaire surface, en 2015, avec le défunt Slim Chaker, ministre des Finances de l’époque. Ce dernier y tenait tellement qu’il en avait fait son dada. Il avait même annoncé la promulgation d’une loi portant sa création pour fin 2015. Décédé entre temps, il n’a pas pu achever le travail.

En 2018, c’est Ridha Chalghoum, ministre des Finances dans le gouvernement Youssef Chahed, qui devait évoquer le projet de Banque des régions. Il avait même annoncé, le 5 septembre 2018, que le projet de “Banque des régions” sera soumis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), dans le cadre du projet de loi de finances 2019 ou séparément dans le cadre d’une loi spécifique.

 Objectifs de la Banque des régions

Les banques régionales, considérées comme des établissements de proximité, ont l’avantage d’être bien informées sur la situation financière de leurs clients et plus efficaces dans la sélection des emprunteurs.

Elles sont idéalement placées pour identifier les clients solvables et assurer, par conséquent, une meilleure allocation des ressources. Elles sont également censées être plus efficaces au niveau du contrôle post-octroi de crédits.

Les objectifs recherchés à travers cette banque qui diffère des autres banques de la place sont au nombre de trois.

Le premier consiste à donner aux régions, dans le cadre de la décentralisation, l’occasion d’avoir les moyens financiers requis pour appliquer les décisions de leurs conseils régionaux et de ne plus être tributaires du pouvoir central.

Le second vise à aider les PME à se financer, sachant qu’actuellement ce type d’entreprises connaît d’énormes difficultés, notamment en matière d’élaboration d’études préliminaires et de suivi des projets.

Le troisième se propose de permettre aux jeunes qui désirent créer leurs propres projets d’accéder à des moyens financiers mobilisés par la Banque des régions (lignes de crédit et autres facilités de crédits…).

La Banque des régions, par définition, est plus proche de ses clients dans les régions qu’une banque d’affaires ou une banque universelle classique. Concrètement, elle va fournir, via le réseau bancaire existant, des produits et services avec le concours de toutes les banques et structures financières disponibles.

Ce type de banques a connu beaucoup de succès dans des pays industrialisés comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne, mais aussi dans des pays qui ont connu une transition démocratique, en l’occurrence l’Espagne et les pays d’Europe centrale et orientale (PECO).

Les modèles les plus connus ont pour noms : Hausbank (Allemagne), Chaelbols (Corée du Sud), Zaibastu (Japon)…

D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si la banque allemande de développement et de reconstruction (KFw) va contribuer, de manière significative aux côtés d’autres bailleurs de fonds, au financement de la Banque des régions dont le capital est fixé, selon l’ancien ministre des Finances, Ridha Chalghoum, à 400 millions de dinars (MDT).

Suivra deuxième partie.

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