Le film SALWA (19′) de Ines Ben Othman a remporté deux prix à la 7ème édition de Human Screen festival (HSF), Festival international du film des droits de l’Homme, Karama Tunisie dont le palmarès complet a été dévoilé, samedi soir, au 4ème art.
Cette fiction est lauréate du prix du “Meilleur court-métrage de fiction” ainsi que du prix “ACTIF” – baptisé au nom de l’Association culturelle tunisienne pour l’insertion et la formation – qui organise le festival. Ce prix est attribué par HSF à l’un des films lauréats dans les quatre sections compétitives du festival qui constitue un rendez-vous annuel pour jeter la lumière sur des questions d’actualité en lien avec les droits de l’Homme.
Salwa figurait parmi 6 autres films dans la compétition des courts-métrages de fiction dont des œuvres produites en 2021: Bisklet (Tunisie), Perm (Corée du Sud), Little Bird (Arabie Saoudite), Trumpets in the Sky (France) et 7 Minutes (Portugal), produit en 2020.
Au palmarès de cette édition, trois autres films étrangers ont été primés dont ” Trapped ” (Egypte), prix de la meilleure fiction et ” Incomplete Sentences ” (Turquie), prix du meilleur Documentaire. ” Letter to Shahheen bagh ” (Royaume-Uni) est lauréat de la compétition des courts-métrages documentaires.
Le jury de la compétition des films de fiction est composé des Tunisiens Ala Eddine Slim (réalisateur-scénariste) et Nadia Bousetta (actrice) et l’égyptienne Neveen Shalaby (réalisatrice-scénariste) dont le film ITS A WONDERFUL DAY était projeté à l’ouverture du festival. Les cinéastes Yves Comte (France), Soumaya Bouallagui et Karim Ben Hammouda (Tunisie) sont au jury de la compétition documentaire.
La réalisatrice Ines ben Othman a choisi d’adapter au cinéma une Nouvelle en arabe de l’écrivain tunisien Lassaad ben Hsin “Wahm leylet hob” ou l’illusion d’une nuit d’amour. Son film a été produit avec trois autres courts avec le soutien du Centre national du cinéma et de l’image (CNCI), dans le cadre des Journées cinématographiques de Carthage 2021.
Cette récompense en Tunisie constitue une victoire pour la réalisatrice dont le film a récemment connu la censure en Egypte. Dans une interview avec la TAP, Ines Ben Othman avait exprimé sa déception de voir son film écarté de projection et de ne pas pouvoir le présenter au public égyptien. “Beaucoup plus que le palmarès, un film est, avant tout, fait pour être vu”, estime-t-elle avant son départ pour l’Egypte.
Pourtant sélectionné en compétition officielle du 8ème Festival du court-métrage d’Alexandrie, SALWA a été censuré par le haut comité de sélection des films et interdit de projection en salles, mais finalement maintenu en compétition par les organisateurs.
Salwa aborde l’histoire d’une jeune femme, la trentaine qui travaille comme prostituée. Le titre reprend le nom du personnage principal, Salwa qui prend congé ” pour partir à la recherche d’une nuit d’amour, en espérant recoller l’enfant fragmenté qui est en elle “. Rym El Banna est à l’affiche de ce court-métrage avec un casting composé de Imed Guesmi, Maryem Bannani, Imed Badarjah et Alaa Ben Hamed.
Ce film incarne parfaitement la lutte des femmes dans la vie aussi bien que dans le 7e art surtout que l’univers du cinéma n’est pas non plus à l’écart des luttes pour la parité des genres et contre les inégalités dans nos sociétés modernes. L’actrice principale a su transmettre la quête de soi pour une prostituée malmenée par la vie et un destin qui lui pèse assez lourd.
La réalisatrice soulève une question importante à travers une approche assez audacieuse, peu commune dans le cinéma arabe. Le choix d’opter pour des scènes érotiques pourrait bien être expliqué comme une transgression de ces tabous et interdits qui accablent nos sociétés.
Cette fiction traduit la lecture féminine d’une question qui concerne les femmes aussi bien que les hommes. Elle lève le voile sur cette vision dégradante et souvent limitée, du corps féminin qui est perçu comme étant objet de tous les désirs et fantasmes. Un regard qui est encore plus dégradant pour la femme prostituée, sujet principal du film. L’audace, l’originalité du traitement et la maîtrise des éléments techniques ont valu au film de remporter son premier prix.
Salwa devra figurer en compétition du prochain Festival international du film oriental de Genève (FIFOG), a appris la TAP auprès de la direction artistique de ce festival suisse. La thématique générale de l’édition 2022 du FIFOG “coïncide avec le thème de cette fiction” qui traite de la condition de la femme fragile et marginalisée, a-t-on encore précisé.
Ines Ben Othman est auteure de deux autres fictions, Fantasmes (2008) et D’amour et d’eau fraiche (2011), et trois documentaires, Cinéma vu par… entre deux rives (2012), Saida (2013), Attitude (2016).
Dans la fiction Salwa comme dans ses films, la jeune réalisatrice adopte une approche cinématographique audacieuse en faveur des plus démunis tout en mettant à nu les tabous de la société.
Organisé du 8 au 12 mars 2022 dans six villes tunisiennes, Human Screen Festival Tunisie était placé sous le thème “Les droits des femmes et droits des groupes marginalisés “. Ce thème coïncide avec les valeurs véhiculées par la Journée internationale des femmes, -célébrée le 8 mars de chaque année qui est aussi le jour du démarrage du festival.
Une sélection de 25 films, longs et courts-métrages, de fiction et documentaires, issus de 19 pays figuraient dans la compétition officielle du festival qui jette la lumière sur la condition des femmes d’un point de vue culturel aussi bien que social et économique.
Human Screen Festival Tunisie est une manifestation cinématographique créée en 2012 par l’Association culturelle tunisienne pour l’insertion et la formation – ACTIF. L’édition 2022 a été organisée avec le soutien du Centre national du cinéma et de l’image (CNCI) et plusieurs autres partenaires du tissu associatif national et international qui sont actifs dans la défense des droits de l’Homme et de la femme en particulier.
Depuis sa première édition en 2014, HSF œuvre en faveur pour la promotion de la culture des droits de l’Homme, sa promotion et sa défense à travers le cinéma. Un focus sur les droits des femmes et ceux des catégories défavorisées était au cœur de cette édition 2022 qui s’inscrit dans la continuité des éditions précédentes.
Palmarès complet :
Prix du meilleur long-métrage:
- Fiction : Trapped (Egypte)
- Documentaire : Incomplete Sentences (Turquie).
Prix du meilleur court métrage :
- Fiction : Salwa (Tunisie)
- Documentaire : Letter to Shahheen (Royaume-Uni).
Le prix ACTIF a été décerné à Salwa.