Dans la première partie de cet article, nous avons évoqué l’importance d’une Banque des régions pour aider les entreprises et les jeunes auto-entrepreneurs à lancer leurs projets. Dans cette deuxième partie, nous jetons l’éclairage sur un autre type de banque publique de proximité, à savoir la Banque postale, un projet en stand-by depuis des années.

Abou SARRA

Le dernier responsable à en avoir parlé c’était Sami Mekki, PDG de la Poste tunisienne. Il avait annoncé, sur les ondes de la radio privée Express FM, que la Poste tunisienne lancera sa banque postale d’ici la fin de l’année 2021.

Malheureusement, nous sommes au mois de février 2022 et la banque n’a toujours pas vu le jour. Pour justifier ce retard, on ne manquera pas d’avancer l’instabilité gouvernementale que connaît le pays.

Le projet est fin prêt mais…

Avant cette déclaration du premier responsable de la Poste tunisienne, le conseil d’administration de la Poste avait approuvé, en 2019, la création d’une société anonyme pour le projet de la “Banque postale”, proposition présentée par la Banque d’affaires, Capital African Partners Bank (CAP), choisie pour mener à bien ce projet.

La création de cette société était impérative pour l’obtention de la validation de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et l’autorisation de créer la banque ambitionnée.

Le projet, confié à une unité de gestion par objectif ” Business unit ” (unité d’affaires) créée au sein de l’Office de la poste tunisienne, est toujours en stand-by.

Pourtant, cette Banque postale a non seulement tous les atouts pour réussir mais surtout les moyens de réduire le chômage dans les régions de l’intérieur (plus de 30% dans certains gouvernorats), de booster l’investissement dans les micro et moyens projets, et d’atténuer, de façon générale, la précarité multiforme qui prévaut dans l’arrière-pays.

Concrètement, fort de 1 200 bureaux postaux répartis sur tout le territoire du pays, de 4 millions de détenteurs de comptes d’épargne représentant 25% de l’épargne du pays et de 2 millions de comptes courants, le projet de Banque postale a toutes les chances de réussir.

Ce type de banque est inspiré d’expertises réussies dans des pays développés comme la France, l’Italie et le Japon. Il ne manquera pas de fournir des services de proximité aux communautés enclavées, c’est-à-dire dans les contrées où les banques classiques ne sont pas présentes…

L’avantage de la proximité

En effet, la Banque postale va jouer sur le levier de la proximité pour fournir un service qu’elle n’offre pas, jusqu’à ce jour, à savoir l’octroi de crédits. Elle va permettre à d’importants pans de la population et des entreprises localisés à l’intérieur du pays d’accéder à des financements appropriés pour lancer leurs projets. C’est en quelque sorte une banque inclusive.

Cette banque bénéficie du soutien du gouvernement tunisien et des bailleurs de fonds. Ces derniers se sont constamment préoccupés des difficultés que rencontrent, à l’intérieur du pays, simples citoyens, PME-TRE, régions et secteurs, pour accéder à un financement bancaire.

C’est d’ailleurs, en prévision de la création de cette banque que l’Union européenne a mis à la disposition de la Poste tunisienne, depuis 2016, un don d’un million d’euros. Ce financement est dédié au cofinancement de plans d’action visant la promotion des différents métiers de la Poste et l’amélioration de leur management.

Pour sa part, la BERD (Banque européenne de reconstruction et du développement) appuie le projet de création de cette nouvelle banque publique parce qu’il répond, d’après les déclarations de ses responsables à Tunis, à un véritable besoin : celui de faire accéder d’importants pans de régions et de secteurs non bancables à des financements bancaires.

La seule crainte formulée par les bailleurs de fonds est de voir la future Banque postale pécher par son statut de banque publique. Ils craignent que cette nouvelle banque vienne augmenter le nombre de banques où l’Etat serait, encore une fois, actionnaire. Ce qui va poser de nouveaux problèmes de gouvernance difficiles à résoudre.

En dépit des atouts qui jouent en faveur de la création de la Banque postale et des impacts positifs attendus sur la relance de l’investissement à l’intérieur du pays, certains observateurs s’interrogent sur les véritables raisons à l’origine du retard que connaît l’entrée en fonction de cette banque.

Certains d’entre eux voient dans ce retard l’intervention du lobbying bancaire en place. Effectivement, les banques de la place et même les sociétés de microfinance, qui accordent des taux d’intérêt intéressants, verraient d’un mauvais œil l’arrivée de ce nouvel établissement financier public qui, par l’effet de l’avantage dont il jouit en matière de proximité et d’implantation sur tout le territoire du pays, constituerait un sérieux concurrence…

Dont acte.

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