Iulia Nosar, artiste-peintre ukrainienne, expose actuellement à Tunis “Reflets Intemporels”, une exposition de peintures photographiques assez poétiques traversant le temps pour une immersion plastique dans l’univers de l’enfance et la beauté féminine en Ukraine.
Une sélection de 29 toiles qui sont inspirées de la peinture de la Renaissance et basées sur des œuvres académiques, dont des portraits de femmes et d’enfants, tous Ukrainiens, sont dévoilées pour la première fois à la galerie Musk and Amber aux Berges du Lac, du 18 mars au 8 avril 2022.
La guerre actuellement en Ukraine a fait ressurgir un grand élan de solidarité mondial avec les populations assiégées et les déplacés dans l’espoir de voir une issue pacifique pour la crise.
Les fonds récoltés grâce à l’exposition ” Reflets Intemporels ” iront ainsi comme aide à l’Ukraine et le transfert se fera via l’ambassade d’Ukraine en Tunisie, annonce l’artiste installée depuis près de 16 ans à Paris, où elle est actuellement restauratrice d’œuvres d’art.
lulia Nosar s’est confiée sur ses motivations dans ce travail où elle créé une fusion plastique et visuelle agréable entre peinture et photographie. Sa position d’artiste engagée dans la lutte pour son pays et la liberté de ses compatriotes s’est également imposée en ces temps difficiles en Ukraine.
La femme et l’enfance dans l’œuvre plastique de lulia Nosar
De son nom d’artiste, Fifi Bristoche, lulia Nosar est native de Kiev où elle a grandi et fait ses études universitaires avant de rejoindre Paris, en 2005. Diplômée en sculpture, la femme a une grande passion pour la photographie.
A Paris, l’artiste a radicalement changé de vocation, de la sculpture elle se dirige vers l’illustration des livres. Sa formation de sculptrice lui a permis d’intégrer le chantier en cours sur le Grand Palais, au cœur de Paris, où elle est dans la restauration des oeuvres sculpturales.
A souligner toutefois que l’exposition de Tunis était programmée bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Elle devait avoir lieu il y a un an, mais les restrictions en lien avec la crise sanitaire mondiale de Covid-19 en ont décidé autrement.
Loin d’être une exposition sur le combat des femmes, l’artiste dévoile sa préférence pour le travail avec les femmes et les enfants dans une démarche unique et un condensé d’histoires inspirées des chefs d’oeuvres d’art et d’histoire.
Fidèle à ses sujets, l’artiste tient à garder ses photos naturelles telles qu’elles sont prises. “Je ne retouche jamais mes photos”, dit-elle, portant en elle la sensibilité d’une artiste qui voit la beauté de la femme dans tous ses états.
“Toutes les femmes sont belles, talentueuses, et chacune à sa propre beauté à elle, ce qui crée chez l’artiste le souci de ne pas toucher au fond de cette beauté”, une notion qui globalement demeure assez relative, dans n’importe quelle approche esthétique.
Son travail sur les portraits de femmes prend souvent un cadre plus propice au dialogue, chose que l’artiste dit beaucoup apprécier. Un échange quelque part spirituel de femme à femme qui permet de créer une certaine alchimie entre l’artiste et son sujet. Le tout se transmet par le biais de la photographie et l’angle de prise de vue pour lequel elle opte.
Le thème de l’enfance, il est souvent orienté vers ce côté naturel et spontanée de l’enfant. Des œuvres assez poétiques, pures et captivantes pour le regard qui demeure fixé sur ses moindres détails. La fille de l’artiste issue de son mariage avec un Français, pose également sur l’une des photographies.
La pratique de l’art et la photographie est une passion que l’artiste fait en dehors de sa vocation de restauratrice d’œuvres d’art, des monuments historiques à Paris. Il y transmet son regard de femme artiste pleinement imprégnée de son éducation à l’art et de ses origines dans un pays qui connait une grande dynamique artistique.
La pratique de la photographie est une passion qui l’habite et lui permet de s’exprimer et révéler sa créativité. En même temps, elle reflète son attachement pour sa patrie, ses origines et sa ville natale, Kiev, actuellement assiégée et ses habitants sont meurtris par une guerre sans merci.
Toutes les femmes figurant dans l’exposition incarnent implicitement cette notion de combat et de résistance. ” Beaucoup d’entre elles sont restées à Kiev et continuent de se battre pour leur patrie, d’autres sont parties du pays en vue de protéger les petits “, estime l’artiste.
Cette nouvelle exposition n’est pas inscrite dans le registre engagé, mais pour l’artiste l’idée fondamentale y est bien présente, celle de ” l’art pour la paix “.
L’engagement artistique en temps de guerre
Avec le déclenchement du conflit en Ukraine, et le bouleversement qu’aurait créer chez elle, lulia Nosar essaye de ne pas céder à ce sentiment d’impuissance face aux ravages de la guerre, faisant de l’art son cheval de bataille.
En temps de guerre, chacun à sa propre façon de défendre sa patrie, au moment où certains le font sur les terrains de bataille, d’autres le font par le biais de l’art et la culture, une forme de résistance qui n’en est pas moindre. Faire connaitre la culture ukrainienne s’inscrit dans cette même approche.
Comme il est le cas au cours de toute guerre qui se déclenche, ” de nouvelles formes de résistance artistique ont vu et verront le jour, car c’est toujours à travers de l’art qu’on va mener le combat, surtout pour les artistes Ukrainiens à l’étranger “, tel que Iulia Nosar le conçoit.
L’artiste explique que la pratique de l’art est un acte de résistance et un terrain de bataille via lequel les artistes militent pour la paix. En Ukraine, les prémices de guerre se faisaient ressentir depuis déjà des années, et les perturbations entamées en 2014 dans l’Est du pays, un épisode du conflit actuel que l’artiste tient à rappeler.
Elle avait elle-même suivi la mouvance artistique dans son pays à travers ” une exposition très engagée de dessins de presse ” ce qui lui a valu “des menaces de la part de ses détracteurs à Paris”. Suite à ces soucis, l’artiste a dû renoncer à signer ses œuvres par le surnom Fifi Bristoche pour adopter son vrai nom lulia Nosar.
Actuellement, ses pensées vont vers ses amis artistes restés à Kiev qui ” sous le choc, ne peuvent rien faire. Les bombardements quotidiens sur la ville font qu’ils passent la majeure partie de leur temps dans les caves, les stations de métros et parkings sous-terrain de la ville “.
Selon elle, avec l’accumulation de colère et de la peur, la production artistique devra voir le jour dans une prochaine étape quand il leur serait possible de regagner leurs ateliers.
Certains ont pu protéger leurs œuvres en les mettant dans les caves mais le reste pourrait avoir été détruit. Dans le chaos de la guerre, les édifices culturels et artistiques ne sont pas non plus épargnés.
L’artiste revient sur les récentes frappes qui ont durant les derniers jours mis à plat un théâtre qui abritait en sous-sol des citoyens, majoritairement des enfants. Selon les médias, ils sont tous sortis indemnes mais le théâtre complètement rasé était rendu en ruines.
Son souhait est de voir le monde entier donner la voix à ses compatriotes en dehors du pays et “de faire entendre la voix de l’Ukraine dans des manifestations culturelles célébrant ce pays assez dynamique qui a une culture très riche derrière”, d’après son expression.
L’école très académique fait la force de la grande sphère artistique dans son pays et ses artistes talentueux, formés en Ukraine, qui selon l’artiste, ont de solides bases, de par le savoir faire aussi bien que la vision artistique qu’ils adoptent.
lulia Nosar évoque des atouts qui ouvrent les portes pour n’importe quel artiste de son pays, comme cela a été le cas pour elle.