Cette deuxième partie s’intéresse à la volonté du président de la République, Kaïs Saïed, de limiter le pouvoir de nuisance de l’UGTT, en « l’encadrant » dans sa véritable mission.
Abou Sarra
La centrale syndicale n’a plus les coudées franches
Avec Kaïs Saïed, fort de pleins pouvoirs après le 25 juillet, l’UGTT a trouvé sur son chemin, pour une fois, un contrepouvoir. Elle craint de perdre le rôle politique qu’elle a joué, illégalement, jusqu’ici.
Abstraction faite de cette nouvelle donne, il faut reconnaître que le moment est plus que jamais pour mettre un terme au “banditisme“ des syndicats de l’UGTT. Il s’agit tout simplement de lui rappeler ses limites et faiblesses.
Au chapitre des limites, la centrale syndicale, avec environ 700 000 syndiqués, ne représente que le sixième de la population active (4,2 millions d’actifs), contre 50% de la population active en Belgique un tout petit pays comme la Tunisie.
L’UGTT doit faire preuve de décence en défendant ses troupes de salariés fort payés, mais pour la plupart des flemmards et resquilleurs notoires, alors que la Tunisie compte paradoxalement quelque 700 000 chômeurs, et surtout 4 millions de pauvres vivant avec moins de 10 dinars par jour, l’équivalent de 963 000 familles nécessiteuses.
A ces chiffres effrayants de pauvres annoncés le 2 mars 2022, par le ministre des Affaires sociales, Malek Ezzahi, lors d’un colloque régional sur la concertation nationale relative à la réforme du secteur de la promotion sociale en Tunisie, il faudrait ajouter plus d’un million de petits exploitants agricoles vivant de cultures vivrières et de travailleurs indépendants sans aucune couverture/protection sociale.
Quant aux faiblesses de la centrale syndicale, elles résident dans sa dépendance du bon vouloir du pouvoir en place. En représailles à ces grèves brutales et impopulaires, le pouvoir en place pourrait mettre fin au détachement de plus de cinq cents syndicalistes et supprimer la subvention de plus de 10 millions de dinars (MDT) que lui accorde annuellement le gouvernement sous forme de subvention.
L’UGTT doit se limiter à sa véritable mission
Cela pour dire que la centrale syndicale a tout à gagner en se limitant, comme c’est le cas des syndicats partout dans le monde, à son rôle social, et donc à ne plus s’immiscer dans le politique et les choix économiques.
A court terme, elle doit s’interdire à appeler, pour sortir le pays de la crise, à un dialogue national impliquant tous les partis y compris celui d’Ennahdha qui a été à l’origine de la banqueroute tunisienne. Elle doit s’interdire à voir dans les réformes “des lignes rouges“ et à refuser sans proposer d’alternatives – bien sans proposer d’alternatives – des réformes comme le gel des augmentations salariales, la suspension des recrutements dans la fonction publique, la restructuration des entreprises publiques, la levée des compensations…
D’après Walid Belhadj Amor, vice-président de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), le moment est venu pour proposer, à court terme, à l’UGTT un nouveau deal.
Walid Belhaj Amor, qui intervenait dans le cadre d’un entretien accordé à un magazine de la place, a ajouté que « si le pouvoir en place doit le faire, ce deal doit porter, à mon avis, essentiellement sur les entreprises publiques ».
Pour lui, « l’Etat doit refuser tout autre type de négociation avec l’UGTT. L’UGTT n’a pas à s’immiscer dans la politique économique d’une manière générale. Qu’elle ait son mot à dire dans les entreprises publiques, c’est tout à fait normal. Qu’elle ait à négocier les salaires, c’est dans son rôle. Mais s’immiscer dans l’ensemble de la politique économique du pays, ce n’est pas son rôle », a-t-il dit.
Interpellé à son tour sur l’implication de l’UGTT dans la politique, Habib Guiza, secrétaire général de la Confédération générale du travail de Tunisie (CGTT), a qualifié cette immixtion de « perversion d’apprentissage démocratique, voire d’une crise de la croissance de la transition démocratique qui a fait qu’il ait une confusion des rôles ».
Il a ajouté que normalement les syndicats, en tant que contrepouvoirs, doivent avoir « une mission syndico-politique et non une mission politico- syndicale ».
Pour lui, « la réforme des réformes consiste en la refondation de l’Etat. L’Etat souhaité est un Etat stratège démocratique et social. Il est invité à proposer aux acteurs, sociaux et économiques (syndicats patronaux et ouvriers), une vision de long terme pour la société, et assurer la coordination de ces acteurs autour de cette vision partagée ».
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