Signature de l’accord en 2006, lancement du projet en 2008, arrive ensuite la grande crise financière et derrière son impact catastrophique sur l’immobilier ; puis le soulèvement de décembre 2010, pour une résurrection du projet en 2022. La vie du grand projet Bukhatir, « Tunis Sports City », ne manque pas de suspense. Mouvementée, marquée de grandes attentes, c’est aujourd’hui la renaissance. Le groupe Bukhatir vient de réinsuffler vie à l’un des plus grands projets immobiliers de Tunis nord.
Pour Afif Bejaoui, président exécutif de la filiale Bukhatir Tunisie, le projet changera le visage de Tunis. Tunis Sports City raconté en deux temps dans le détail par Afif Bejaoui.
WMC : Lors des négociations avec le gouvernement tunisien du temps de Ben Ali à propos du projet Bukhatir, l’accent a été mis sur l’investissement dans des complexes sportifs de haut niveau. Maintenant que vous le relancez après une mise en veilleuse de 10 ans, avez-vous changé d’orientation ? Comptez-vous investir plus dans le résidentiel et l’hôtelier ?
Afif Bejaoui : Absolument pas. Le pourcentage de la composante sportive dans le projet est resté le même. Les deux plans d’aménagement adoptés aussi bien en 2008 qu’en 2019 sont les mêmes.
Au programme : 4 académies de sport destinées au football, à la natation, au tennis et au golf ; une piscine couverte pouvant abriter de grandes compétitions et répondant aux standards internationaux ; deux piscines à ciel ouvert ; un terrain de tennis pour les compétitions et d’autres pour les entraînements ; un terrain pluridisciplinaires pour le handball, le basketball et le volleyball ; une grande salle de sports ; un terrain de squash ; un hôtel, une clinique, un restaurant et des magasins pour les sportifs. Conjugué à cette brochette d’aménagements sportifs, il y a le parking réservé à la zone sport et tout cela occupe exactement la superficie de 297 346 m2, soit la même que celle de 2008. Donc rien n’a changé.
Vous avez donc gardé le même plan d’aménagement conçu initialement ?
Effectivement, il n’y a pas eu de changements notables, tout juste quelques révisions imposées par des contraintes dues à la nature de l’aménagement de la zone. Il s’agit de la disparition des canaux ou des canaux qui circulaient un peu dans la zone des Berges du Lac. Nous voulions une petite Venise, ce qui aurait été, sur le plan esthétique, d’une grande beauté, mais à cause des contraintes environnementales, c’est aujourd’hui impossible.
Comme vous le savez, l’eau du lac de Tunis se renouvelle tous les 21 jours, la faible circulation de l’eau favorise les eaux stagnantes, ce qui représente une atteinte à la qualité de l’environnement et même des risques pour la santé. Nous avons préféré sacrifier l’esthétique à un meilleur cadre de vie.
Un deuxième changement que je juge mineur concerne le stade. Nous devions construire un stade avec gradins, mais on nous a refusé l’autorisation pour des raisons sécuritaires. Le stade donne sur la route de La Marsa.
Le terrain de football de Sidi Daoud donne aussi sur la route de La Marsa, on ne l’a pas privé de gradins…
Pour nous, ce n’est pas le plus important. Les terrains que nous construirons sont plus destinés à la formation et aux entraînements qu’aux spectacles. C’est un stade de football pour une académie sportive, et il n’y a pas besoin de de 15 000 ou de 20 000 spectateurs pour assister à un entraînement ou une formation. J’estime que ce n’était pas judicieux dès le début d’envisager la construction de gradins, et ce petit changement n’aura aucun impact sur le niveau et la qualité des prestations qui seront dispensés par l’Académie. Pour moi, c’est le plus important.
Un autre changement concerne la portée du golf. Le terrain du golf partait de Carthage, couvrait la route MC33, là où nous prévoyions de construire un tunnel, et débordait sur la partie nord du lac. De grandes négociations ont été menées avec le ministère de l’Equipement, mais pour des problèmes de faisabilité et par souci sécuritaire en rapport avec le tunnel, nous avons dû abandonner l’idée du tunnel.
Du coup, de 73 ha, le golf sera édifié sur 53 ha. Face aux Berges du Lac, les 20 ha qui étaient destinés au golf seront réservés à un espace vert aménagé, entretenu par le groupe Bukhatir et ouvert au grand public : le Central parc. Il sera l’un des poumons de la zone qui abritera aussi la partie résidentielle.
C’est un investissement lourd parce que c’est la meilleure zone commercialement parlant du point de vue valeur du terrain mais que nous ne destinons pas à l’habitat.
Mais Bukhatir a beaucoup gagné sur d’autres parties…
Ce que je veux dire est qu’il n’est pas donné de consacrer aux zones vertes 20 ha pris sur les meilleures zones immobilières. Cela étant, je suis fermement convaincu de la justesse de notre choix. La démarche est pertinente parce que pour nous, il ne s’agit pas d’investir dans le mètre carré couvert, mais dans le cadre de vie que nous voulons de haute facture et dans le bien-être des futurs résidents, l’appréciation des prix des terrains et des résidences coulera de source.
Revenons au complexe sportif qui, normalement, devrait être prêt d’ici cinq six ans. D’ici là, la Tunisie aurait amorcé sa relance économique, en espérant une stabilité politique. Comment comptez-vous marketer à l’international, face à une grande concurrence de la part d’autres centres sportifs très compétitifs ?
Au lancement de ce projet en 2008, il y a eu des conventions signées avec des clubs prestigieux comme l’Olympique de Marseille en France. Depuis, il y a eu du changement. Nous avons mis en place une nouvelle stratégie marketing mettant en exergue les atouts de notre complexe sportif.
Aujourd’hui, nous étudions avec de prestigieux clubs européens de football la possibilité de partenariat. Nous contactons aussi des équipes américaines pour le basket. Le tennis aussi représente pour nous un produit de qualité. Beaucoup de choses sont à réaliser. Notre ambition est de faire de Tunis Sports City un véritable hub pour le sport international.
Il y a aussi l’Afrique, et c’est chez nous, pour le basket et le foot. Investir dans les académies sportives est porteur, le sport étant devenu une grande industrie aujourd’hui.
Qu’en est-il du golf ?
Le golf sera de neuf trous, ils étaient 18. Comme expliqué plus haut, nous avons réduit sa superficie de 73 à 53 ha. Les joueurs chevronnés pourront faire des allers retours. Le concepteur du golf, Peter Ardin, architecte de renommée internationale, est très content de ce qu’il a conçu. Le golf sera un très beau parcours.
Tunis Sports City n’est pas un projet banal, c’est une conjugaison de plusieurs attributs, résidences haut de gamme, complexes sportifs, grand parc édifiés sur la meilleure réserve foncière de toute la Tunisie. Sport, écologie et confort sont les notes d’une belle partition pour une cité intelligente.
Tunis Sports City sera aussi une smart city. Il n’est pas donné d’avoir un si beau terrain de golf tout près de la capitale, et il n’est pas évident d’avoir un Central Parc de 20 hectares face au lac. Nous sommes en train de changer le visage de la zone. Et c’est tant mieux, car Tunis en a besoin. Ce n’est pas tout. Je pense aménager un petit jardin botanique et un musée parce que la culture, la nature c’est important. C’est même capital pour l’épanouissement de l’être. Voyez tous ces gens à se rendre dans les jardins botaniques d’Amsterdam pour leur magnificence.
Quelle est la place des espaces verts dans les zones résidentielles ?
Mis à part les 53 ha du golf, et les 20 ha du Central Parc, 5 autres ha seront répartis sur l’ensemble du projet. 31% de Tunis Sports City seront verts. 26% serviront aux équipements techniques publics ; et pour ce qui est sportif, il y a plus de non constructible dans les 30 ha que de constructible.
Quel sera l’investissement le plus important du groupe dans un premier temps ?
L’investissement le plus important du groupe se fera dans les infrastructures primaires et secondaires. Nous en aurons pour 700 à 750 millions de dinars (MDT). Il s’agit de la voierie, de l’électricité, des réseaux de télécommunications et du net. Nous parlons bien d’une smart city qui sera dotée des technologies les plus avancées, qu’il s’agisse de réseaux de fibres optiques ou autres. Il y a aussi des commodités d’usage comme l’eau, l’évacuation, les trottoirs, l’éclairage, et ainsi de suite.
Et votre investissement dans le sport ?
Nous n’avons pas encore de chiffre exact, mais je pense que ça sera dans les 100 à 150 MDT.
Qu’est-ce qui fera la différence entre votre zone résidentielle et les autres zones qui ne sont pas très loin de vous ?
Tout d’abord sur la partie qui n’est pas en front des Berges du Lac, nous allons avoir beaucoup de tours de 15 à 20 étages. Il s’agit de R+20, R+13 R+12, R+9, R+8, R+7. Et il y a beaucoup d’aération, beaucoup de verdure, l’espace le permet et c’est très parsemé.
A l’époque, on prévoyait des piscines…
Les villas auront leurs piscines. Dans les tours, il y aura des fitness center dans chaque résidence. Nos concepts répondent aux normes internationales, et c’est du haut standing.
Parlons-en du standing. Dans la version initiale du projet, il était prévu de vendre sur plan, est-ce toujours le cas ?
Rien de précis pour l’instant. Nous investirons dans le haut standing mais pas seuls. Nous sommes confiants parce que comme vous le savez il y a toujours un marché pour le très haut standing. Nous aurons d’autres partenaires avec nous et qui construiront dans le respect des normes que nous avons nous-mêmes établies.
L’harmonie pour nous est importante. De grands groupes tunisiens disposant de moyens importants, d’une grande expertise et capables de mener parfaitement des projets immobiliers d’une telle importance seront, nous l’espérons, avec nous.
Ces groupes-là ne courent pas les rues, ils sont juste trois à quatre seulement, mais il y a aussi les groupes internationaux avec lesquels nous sommes en négociations pour avancer sur certaines composantes du projet.
Vous bénéficiez d’avantages tel le paiement à l’étranger et si revente la récupération du montant en devises…
Absolument, si l’acquéreur a payé en devises, il peut récupérer son dû en cas de revente, ce qui est logique. S’il apporte un capital en devises, c’est qu’il a ce droit, il a une fiche d’investissement et a le droit de récupérer son capital en devises.
Oui mais avant l’achat d’un appartement n’était pas considéré comme un investissement dont on doit récupérer la mise en monnaie étrangère…
Vous savez en Tunisie, nous avons toujours eu un problème de timing. Nous prenons les bonnes décisions mais pas au bon moment. Prenons l’exemple de la Libye, quand il y a eu les événements de 2011, les Libyens qui avaient de l’argent sont venus ici pour acheter de l’immobilier et investir, nous les avons tellement malmenés avec les autorisations, les lois et la complexité des procédures qu’ils sont partis. Ils préféraient pourtant s’installer ici en Tunisie, le pays le plus proche. Aujourd’hui, ils n’ont plus d’argent, ceux qui en avaient sont partis en Egypte, Jordanie ou Turquie. L’argent est parti ailleurs.
Il y a la partie sport et la partie résidence avec ses villas de très haut standing ainsi que les appartements. A combien varie le prix du m2, combien d’appartements, combien de résidences ?
Il y aura 3 tours R+20, à peu près une vingtaine de R+11, une dizaine de R+12, et 3 R+13. Bien sûr ce sera du haut standing, mais je ne peux pas vous dire le prix exactement pour le moment. Juste sachez que nous ne vendrons pas sur plan parce que les gens ont envie de voir un appartement témoin, de voir une villa témoin avant de s’engager. Les pratiques ont changé depuis mais il y aura certainement des réservations. La fourchette de prix se situera, a priori, entre 7 500 et 8 000 DT le m2. Ce sont actuellement les normes du marché aujourd’hui, mais vous savez avec l’inflation, ça pourrait devenir plus cher, peut-être inaccessible. C’est un véritable problème. Espérons que la situation évoluera positivement.
On avait à l’époque parlé d’héliports sur certaines tours ?
Effectivement, il y en aura. Vous savez aujourd’hui, nous avons des plans tout prêts avec des autorisations de bâtir pour certains projets. Nous démarrerons bientôt la construction des résidences et le golf, disons dans moins de 3 mois.
Entretien conduit par Amel Belhadj Ali