Depuis le début de l’année 2022, la Banque centrale de Tunisie (BCT) s’est engagée dans deux grands chantiers stratégiques complémentaires : la digitalisation des systèmes de payement et l’inclusion financière.
Abou SARRA
Objectif : doter la Tunisie de son propre écosystème bancaire numérisé et anticiper sur un éventuel envahissement de la Tunisie par les multinationales qui utilisent la cryptomonnaie, monnaie numérique en usage sur Internet, indépendante des réseaux bancaires et liée à un système de cryptage, comme cela a été le cas dans certains pays africains.
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Parmi les cryptomonnaies les plus en vogue, il y a lieu de citer la Bitcoin, unité monétaire dématérialisée en usage sur Internet.
L’enjeu
L’idée est de préserver la souveraineté de la Tunisie sur son système monétaire et de l’aider à disposer de son propre écosystème bancaire numérisé et accessible à l’écrasante majorité des Tunisiens partout où ils se trouvent sur le territoire national.
Des pays comme le Japon, l’ont fait. L’enjeu est de taille lorsqu’on sait que la Blockchain a franchi le Rubicon en s’arrogeant le droit de la frappe de la monnaie, pouvoir reconnu jusque-là exclusivement aux Etats et symbole même de leur souveraineté nationale.
C’est dans la perspective de préserver cette souveraineté que la BCT a invité la Société Monétique de Tunisie (SMT), des FinTech et autres startups tunisiennes à concocter un écosystème propre à la Tunisie.
Menée avec l’assistance technique de la Société financière Internationale (IFC ou SFI – filiale du Groupe de la Banque mondiale), cette réflexion porte sur la sélection d’une plateforme mutualisée d’agrégation des paiements digitaux des grands facturiers publics tunisiens (STEG, SONEDE…).
la BCT a invité la Société Monétique de Tunisie (SMT), des FinTech et autres startups tunisiennes à concocter un écosystème propre à la Tunisie
Vers l’interopérabilité des systèmes de payement
Cette plateforme, une fois sélectionnée, aura un double rôle. Elle doit permettre, d’une part, aux prestataires de service de paiement de pouvoir s’interfacer facilement via la SMT avec les grands facturiers, et, d’autre part, aux utilisateurs de régler leurs factures à distance au moyen de l’ensemble des canaux de paiement digitaux.
Concrètement, ce type de paiements offre au client, même au-delà de son réseau traditionnel, des moyens sûrs et efficaces pour envoyer de l’argent, recevoir ou rembourser un prêt dans les délais prévus ou d’acheter des biens chez un commerçant.
A terme, il s’agit de créer une synergie entre tous les acteurs de l’écosystème favorable à la promotion d’une interopérabilité intégrale.
Sur le plan logistique et compte tenu des enjeux, Marouane Abbassi, gouverneur de la BCT, s’est engagé, à plusieurs reprises, à mettre tous les prérequis nécessaires (règlementaires, institutionnels, opérationnels…), pour promouvoir l’accès et l’usage des services de paiements digitaux.
Deux Tunisiens sur trois n’ont pas de compte bancaire
Vient ensuite le deuxième grand chantier de l’année, à savoir l’inclusion financière. La démarche qui sera suivie consiste à remédier aux insuffisances évoquées par des études faites sur l’exclusion financière.
Il en ressort que le faible taux de niveau d’activité financière est particulièrement marqué chez les bas revenus, les ruraux, les femmes et les jeunes. Or paradoxalement, ce sont les pans de société, voire les non bancables (2 personnes sur trois en Tunisie) que ciblent justement les sociétés internationales utilisant la cryptomonnaie. D’où l’impératif de les intégrer, dans les meilleurs délais, dans un système financier national.
Autre catégorie sociale ciblée par cette nouvelle stratégie d’inclusion bancaire, les TPE (très petites entreprises) et PME (petites et moyennes entreprises), particulièrement du pays, lesquelles souffrent d’énormes difficultés pour accéder au crédit bancaire.
Paradoxalement, ce sont les non bancables que ciblent justement les sociétés internationales utilisant la cryptomonnaie.
C’est le premier obstacle que 40% des TPE-PME sondées ont cité dans le cadre d’une enquête menée par les bailleurs de fonds sur les obstacles qui entravent l’environnement des affaires dans une cinquantaine de pays. Dans les autres pays comparables de la région, seules 11% des TPE ont cité cet obstacle. Cela pour dire qu’il s’agit d’un problème réel et préoccupant.
Pour y remédier, la BCT a engagé un chantier avec les établissements de payement qui travaillent sur la non-bancabilité des gens. Il y a une réflexion sur un rapprochement entre la BCT et les structures de microfinance. A ce sujet, il y a lieu de signaler qu’ENDA a déjà adhéré à ce projet de réforme.
Parallèlement, il y a un effort à faire au niveau de la restructuration des banques spécialisées dans le microcrédit et des financements dédiés aux TPE et PME. C’est le cas de la Banque tunisienne de solidarité (BTS), de la Banque de financement des PME (BFPME) et éventuellement de la future Banque postale. Une réflexion est à engager sur une éventuelle fédération des énergies de ces établissements dans le cadre d’une Banque des régions.
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Nous pensons pour notre part que la BCT a beaucoup de mérite d’entreprendre ces réformes contre l’exclusion financière d’autant plus que si rien n’est fait en leur faveur à l’échelle nationale, grâce à la globalisation des progrès technologiques financiers (FinTech), des multinationales vont s’en occuper.
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