Occulté délibérément, des décennies durant, par les économistes de sérail, le dossier de l’absence de concurrence, talon d’Achille de l’économie tunisienne, vient enfin d’être dépoussiéré par le gouvernement Najla Bouden…
Dans une première partie, nous avons traité du peu de consistance et d’efficience des recommandations émises par ce rapport. Dans cette 2ème partie, nous allons examiner les origines historiques des barrières érigées contre la libre concurrence et proposer des pistes à explorer.
Abou SARRA
Plus grave encore, les recommandations du rapport se focalisent sur l’augmentation des capacités des deux structures en charge du dossier, un département ministériel et un Conseil de la concurrence, en apparence indépendant mais dans les faits sans aucun pouvoir décisionnel réel.
Pourtant, ce sont ces mêmes structures, par le biais des autorisations et exemptions dont elles disposent légalement, qui sont à l’origine de la concurrence imparfaite qui règne dans le pays.
Il est vrai que l’économie de marché n’a jamais été une économie parfaite en ce sens où si on la laisse faire, elle génère souvent crises, chômage, inflation, déséquilibres d’échanges, ce qui rend impératif l’intervention de l’Etat pour réguler le marché.
Le rôle malsain des makhzéniens
Seulement en Tunisie, l’intervention des gouvernants du pays a été constamment marquée, depuis la dynastie beylicale (1705-1957) jusqu’à ce jour, par le clientélisme et son corollaire la promotion de l’économie de rente. L’économie parallèle dont tout le monde se plaint et lui fait assumer, à tort, tous les maux n’est qu’une conséquence du verrouillage imposé par les makhzéniens.
Ces derniers, regroupés pour la plupart au sein de l’Etat (monopoles publics), la Centrale patronale (UTICA) et la Centrale syndicale (UGTT), étant des lobbys socioéconomiques qui se sont spécialisés dans la protection des leaderships (souverains, présidents, gouvernements…) et dans l’orientation de leurs choix de façon qui serve leurs intérêts. Ils ont pour dénominateur commun de refuser le changement et de défendre bec et ongles le statuquo, voire les intérêts bien établis.
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Regroupés en castes liées organiquement au système au pouvoir, ces groupes makhzéniens, qui font la pluie et le beau temps maîtrisent tous les rouages de l’économie et influencent les lois adoptées par les pouvoirs en place en fonction de leurs intérêts.
La solution idéale serait américaine : la dissuasion
Les bailleurs de fonds et partenaires de la Tunisie, lassés de la stagnation de l’économie tunisienne en raison de l’absence d’innovation et d’adaptation aux nouvelles tendances, ont été les premiers à attirer l’attention sur ce dysfonctionnement assassin.
Dans une interview référence accordée au Monde Afrique, Patrice Bergamini, ancien ambassadeur à Tunis de l’Union européenne, a dénoncé « les positions d’ententes et de monopoles » en Tunisie qui entravent une transition économique aujourd’hui à la traîne.
La question qui se pose dès lors est de savoir si le gouvernement Najla Bouden va continuer à protéger, par des réformes de façade, cette mafia politico-makhzénienne et de suivre ainsi une politique opposée à celle du chef de l’Etat, Kaïs Saïed, lequel a constamment plaidé pour une rupture nette avec ces pratiques assassines du passé.
L’idéal serait de s’inspirer de la politique américaine qui privilégie la dissuasion. En effet, aux Etats-Unis, champions de l’économie de marché et de l’efficience économiques, les deux autorités en charge de la concurrence, la Federal Trade Commission et la division Antitrust du Department of Justice (DOJ), peuvent engager des poursuites pénales en cas de violation de la loi antitrust. Les victimes d’actions anticoncurrentiels peuvent engager un « class action », et la règle du « triple dommage » (treble damages) permet au plaignant de recevoir jusqu’à trois fois le montant du préjudice qu’il a subi.
Kaïs Saïed, qui a eu le mérite de promulguer un décret-loi punissant sévèrement la spéculation (amendes allant de 100 000 à 500 000 dinars, assorties de peines de prison de dix ans jusqu’à la perpétuité), peut récidiver et adopter une réglementation salutaire similaire. Il a tous les pouvoirs. Il peut le faire.
Yes, You can, comme le rappelle le slogan gagnant d’un certain Obama.
L’absence de concurrence, talon d’Achille de l’économie tunisienne (Partie 1/2)
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