En vigueur, depuis les années 50, aux Etats-Unis et depuis les années 70 en Europe, et imposé en 2020 pour la première en fois en Tunisie par la pandémie de Covid-19, le télétravail,  activité professionnelle exercée à distance du site de travail grâce aux outils de télécommunication, vient d’être officialisé et de faire l’objet d’une réglementation en bonne et due forme.

A cette fin, un décret présidentiel fixant les conditions, modalités et procédures d’application du régime de télétravail au sein des services de l’Etat, des collectivités locales et des établissements, entreprises et instances publics est publié dans le JORT du 12 avril 2022.

En voici les enjeux.

Abou SARRA

Un télétravail à deux régimes

Sur le plan forme, le nouveau texte définit deux régimes : le télétravail régulier et le télétravail conjoncturel.

Le premier régime bénéficie, en totalité ou partiellement, aux agents publics sous certaines conditions. Ils doivent être atteints d’un handicap (malades chroniques, femmes enceintes…), habiter à 30 km du site du travail officiel, supporter des coûts élevés de déplacement (plus de 15% du salaire mensuel net), et être obligés d’être, pour des raisons de santé, à proximité de personnes à charge.

Quant au télétravail conjoncturel, il peut profiter aux agents qui le demandent et sous condition de l’accord de son supérieur hiérarchique.

Il s’agit, ici, des agents qui se trouvent en situation d’urgence ou vivant un événement exceptionnel et non récurrent qui enfreint, de manière provisoire, leur capacité de se déplacer à leur lieu de travail, à l’instar des incidents domestiques et des pannes au niveau des moyens de transport privés ou publics ou la suspension des services de transport public…

Le décret présidentiel fait une mention spéciale à la logistique, voire aux outils de travail dont doivent bénéficier les bénéficiaires du télétravail. Le texte stipule que l’organisme auquel appartient le télétravailleur peut, conformément aux exigences des missions et travaux assignés, s’engager à fournir les facilitations, les équipements et les moyens de travail (matériel informatique…).

Dans tous les cas, les agents bénéficiaires doivent présenter, pour tous les cas susmentionnés, les justifications nécessaires et les annexer dans la demande d’autorisation.

Les avantages du télétravail

Par-delà ces détails dont le JORT fournit de plus amples éclairages et précisions, il faut reconnaître que la nouvelle législation sur le télétravail constitue, dans l’absolu, une heureuse évolution du management du travail en Tunisie.

Et pour cause. Cette nouvelle organisation du travail engrange de beaucoup d’avantages.

Au niveau des agents concernés, les télétravailleurs sont connus pour être moins stressés, car ils ont droit à un environnement plus adapté, du point de vue professionnel, familial et personnel. Inutile de se presser pour aller prendre le métro et rejoindre le bureau, car tout se fait au domicile même. Cette absence de trajet amène le salarié à être plus efficace et productif. Qui plus est, le fait d’être en télétravail permet de mieux gérer le quotidien. Grâce à la flexibilité, les gens consacrent plus de temps à leurs familles et à leurs passions. Cela leur permet d’avoir un train de vie tranquille et sans stress.

Pour les établissements publics, entreprises publiques, collectivités publiques…, le télétravail génère d’importantes économies à travers la réduction des frais ordinairement engagés, entre autres pour la location d’un espace de travail, l’entretien et les coûts de transport.

A signaler également que pendant que la productivité augmente, le taux d’absentéisme, quant à lui, se voit être complètement réduit.

L’employeur gagne également sur les temps d’interruptions (discussions entre collègues, pauses café, autres) et susciterait ainsi une plus grande productivité des employés. Il permettrait de se dispenser des coûts des retards (notamment en cas de bouchons ou grèves).

Les syndicats seraient les grands perdants

Et pour ne rien oublier, le principal perdant avec ce nouveau management du travail, seraient les syndicats. Ces derniers, privés de la disponibilité de leurs troupes sur les sites du travail, dorénavant, auraient beaucoup de mal à les mobiliser en cas de grèves ou d’organisation de manifestations de protestation.

Cela pour dire que dans toute réforme, il y a toujours des perdants et des gagnants.