En dépit du retard qu’accusent les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) en vue de l’obtention de nouvelles facilités de payement, et en dépit des prédictions des experts qui estiment que les gouvernants du pays seraient non seulement incapables de payer les salaires mais également obligés de demander au Club de Paris le rééchelonnement de sa dette, le gouvernement Najla Bouden vient de démentir ces pronostics et de prouver, sept mois après son investiture, qu’il a été en mesure, avec les moyens de bord, de maintenir à flots le pays.
Gros plan sur cette débrouillardise gouvernementale.
Abou SARRA
Dressant, dernièrement, le bilan de l’action de son gouvernement, Najla Bouden s’est voulu rassurante. Elle a déclaré que « son gouvernement a réussi à rembourser la dette intérieure et extérieure, et à verser les salaires dans les délais ».
Et la cheffe du gouvernement d’ajouter : « nous avons réussi à assurer les besoins nécessaires en denrées alimentaires de base, en même temps que l’on était confronté à la contrebande, via les frontières et à la spéculation, à assurer un seuil minimum d’aides sociales et à réunir des réserves en devises acceptables ».
Pour y arriver, le gouvernement a dû se démener, depuis le début de cette année, pour tirer profit de plusieurs apports financiers non traditionnels.
Comment le gouvernement a pu payer salaires et dettes
Le premier, d’un montant de 400 millions de dollars, a été accordé, fin mars 2022, par La Banque mondiale. Il s’agit d’un financement supplémentaire fourni au titre du Projet de réponse d’urgence COVID-19 pour la protection sociale en Tunisie. Il vise à aider plus de 900 000 ménages tunisiens en situation de vulnérabilité à surmonter les répercussions sanitaires et économiques de la pandémie.
Le deuxième, d’un montant de 357,2 millions d’euros, est fourni, au cours de la même période (6 avrilb2022) et à la même fin, par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD).
Le troisième, d’un montant de 700 millions de dollars, a été accordé par la Banque africaine d’import-export, Afreximbank. Le prêt dont l’affectation n’a pas été précisée lors de sa conclusion est remboursable sur 7 ans dont deux ans de délai de grâce et assorti d’un taux d’intérêt de 5,76%. Certains banquiers ont qualifié ce prête d’exploit. Mais on peut facilement deviner son affectation : son volet devises aurait servi à rembourser une partie du service de la dette, tandis que la composante dinars aurait servi à payer les salaires et à oxygéner, un tant soit peu les finances publiques.
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D’autres apports financiers non négligeables méritent également d’être signalés. Ils concernent essentiellement d’importantes recettes en devises, ce qui a permis de payer le service de la dette estimé, fin avril 2022, à 3,2 milliards de dinars.
Il s’agit surtout des transferts d’argent de la diaspora tunisienne qui ont évolué de 13%, durant les quatre premiers mois de l’année, pour se situer au niveau de 2,2 milliards de dinars, à fin avril 2022 et de l’augmentation, au cours de la même période, des recettes touristiques en devises de 47,7%. Le total des recettes étant de l’ordre de 737 MDT.
Il y a lieu de signaler, également, les deux accords financiers signés le 6 mai 2022 par le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Othman Jerandi, et l’ambassadeur d’Allemagne à Tunis, Peter Prügel.
Ces deux accords, dont les montants n’ont pas été révélés –c’est devenu hélas une mode – sont destinés à financer des petites et moyennes entreprises, un programme de gestion intégrée des ressources hydriques et des réseaux d’évacuation sanitaire et de protection des villes contre les inondations. Le volet devises des apports serviront à rembourser une partie du service de la dette.
L’avenir s’annonce meilleur
D’ici la fin de l’année, les experts estiment que la Tunisie pourrait bénéficier aussi du don de 500 millions de dollars promis par la Millénium Challenge Corporation (MCC) à la Tunisie, depuis 2021.
Les procédures d’accélération du décaissement de ce don destiné à deux secteurs, logistique portuaire et ressources hydrauliques, ont été, au mois d’avril 2022, au centre d’un entretien entre la délégation tunisienne qui participait à Washington aux assises du printemps des institutions de Bretton Wood’s et les responsables de l’agence Millénium Challenge Corporation, agence d’aide étrangère américaine spécialisée dans la lutte contre la pauvreté dans le monde.
Et pour ne rien oublier, la Tunisie pourrait bénéficier de la finalisation de l’accord avec le FMI. Cet accord a un effet d’entraînement dans la mesure où sa conclusion donne le feu vert à d’autres bailleurs de fonds et partenaires de la Tunisie pour lui octroyer des crédits en plus du prêt du FMI.
Last and not least, la Tunisie pourrait fructifier sa récente adhésion, le 29 avril 2022, à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB), pour solliciter de nouveaux financements. « L’adhésion de la Tunisie à cette institution financière, indépendante des institutions de Bretton Wood’s, s’inscrit dans le cadre de sa volonté de diversifier les sources de financement de ses projets de développement », a-t-on expliqué officiellement.
Cela pour dire au final que l’avenir s’annonce meilleur et que, d’ici la fin de l’année, la Tunisie pourrait bénéficier d’importants financements extérieurs avec en plus à l’horizon une bonne saison touristique et une bonne saison agricole.