Le gouvernement tunisien doit réfléchir à des solutions intermédiaires pour sauver la haute saison balnéaire, estime le président de la Fédération tunisienne des agences de voyage (FTAV), Jabeur Ben Attouch, plaidant en faveur de la signature d’un accord entre la Tunisie et l’Algérie qui autoriserait des voyages organisés par bus entre les deux pays.
” Ces voyages peuvent être organisés dans les deux sens par les professionnels des deux pays qui disposent déjà du matériel roulant nécessaire et adéquat, en attendant la levée totale des restrictions imposées à cause de la pandémie de Covdi-19 “, a-t-il ajouté.
Dans une interview accordée à l’Agence TAP, il pense que cette solution permettra de regagner entre 30 et 40 % du nombre de touristes algériens qui visitent habituellement la Tunisie (environ 3,8 millions) et d’exclure les intrus en organisant le trafic grâce aux réservations confirmées et aux vouchers.
Jusqu’à ce jour, seuls les acteurs commerciaux et les Algériens résidents en Tunisie sont autorisés à se déplacer entre les deux pays par voie terrestre, a-t-il rappelé, ajoutant qu’après deux ans de crise, cette solution aiderait les professionnels des deux pays et contribuerait à se rapprocher des réalisations de 2019, d’autant plus qu’il y a une forte demande du marché algérien.
Au sujet du transport aérien, Ben Attouch estime que ce créneau est dans l’incapacité de répondre à la demande vu son coût élevé, notamment pour les familles (le prix du billet coûte entre 700 et 1200 dinars). L’Algérie est un marché d’environ 40 millions d’habitants et la flotte de notre transporteur national (environ 18 appareils) ne peut à elle seule répondre à la demande surtout au cours de cette période estivale, a encore précisé Ben Attouch.
Entrées touristiques : Vers la réalisation de 50 à 60% des chiffres de 2019
Le président de la FTAV a, par ailleurs, noté que la destination tunisienne, très sollicitée, a repris sa position au cours de cette année après la fin de la crise sanitaire aux niveaux national et international.
Les tours opérateurs des pays européens ont déjà programmé la destination Tunisie depuis le mois de mars, a-t-il rappelé, mettant en garde contre l’incapacité de l’offre nationale de faire face à l’afflux de touristes suite à la fermeture d’un nombre d’hôtels pendant la période de la crise sanitaire. Pour ces hôtels , la reprise des activités coûtera des millions de dinars, a -t-il encore fait savoir.
Pour le responsable, le pays ne pourra pas réaliser plus de 50 à 60% des chiffres de 2019 en termes d’entrées étrangères, et ce, à cause de l’absence des touristes algériens ( fermeture des frontières) et la chute du nombre de touristes russes (600 à 700 mille) et ukrainiens (30 mille ) dans un contexte de conflit militaire entre ces deux pays.
En plus, précise encore Ben Attouch, le transport aérien ne peut répondre qu’à environ 50% de l’offre de lits disponibles, mais avec le tourisme intérieur et l’éventuel retour du marché algérien, la capacité hôtelière peut constituer un handicap au cours de l’actuelle saison, souligne encore le responsable.
Au sujet de la hausse des prix, il a fait savoir qu’elle est liée à l’augmentation de l’inflation et les coûts des services (eau, électricité…) et non au retour des touristes étrangers. Sur un autre plan, Ben Attouch a estimé qu’aucun professionnel ne peut négliger la place du tourisme intérieur qui a représenté, au cours de la crise sanitaire, un ” matelas de sécurité ” pour le secteur.
Il a, dans ce même cadre, mis l’accent sur l’importance de la planification à l’avance des vacances (early booking) pour éviter la période de pic de tarifs (15 juillet/25 août), outre les tarifs last minute.
Répercussions de la crise Covid-19
Au sujet des répercussions de la pandémie de Covid-19 sur les agenciers, il a fait savoir qu’en 2020 et 2021, toutes les agences de voyages opérant dans toutes les régions du pays ont été touchées. Et d’annoncer que les pertes ont atteint environ 100 millions de dinars, alors que l’aide de l’Etat n’a pas dépassé les 17 millions de dinars dans le cadre des mesures adoptées par le gouvernement. Environ 1 ou 2% des agences (14 sur un total de 700 à 800 agences) ont fermé leurs portes à cause de cette crise, a-t-il indiqué.
Et d’ajouter que ces agences qui fournissent 10 mille emplois font face, aujourd’hui, à un manque d’effectifs à cause du licenciement 40% du personnel, majoritairement des cadres à cause de la crise Covid-19.
Pour le responsable, la fermeture des frontières aériennes, terrestres et maritimes et l’adoption de plusieurs restrictions ont fortement impacté le tourisme, une activité basée essentiellement sur la liberté de circulation.
Ces décisions ont coïncidé avec les vacances scolaires (avril 2020) et ont eu un impact direct et immédiat sur toutes les activités des agences de voyage; à savoir l’incoming/l’outgoing, le tourisme de santé, de congrès, de croisière, de chasse et la Omra (petit pèlerinage)…
Les agences, notamment, celles qui ont axé leurs activités sur le tourisme intérieur, ont un pu reprendre un peu de souffle, et ce, après l’allégement des restrictions, en juin 2020, a indiqué le responsable, estimant toutefois que ce créneau (tourisme intérieur) ne peut à lui seul sauver tout un secteur.
Des pertes ont été enregistrées au niveau du capital, les réserves et certains propriétaires d’agences ont même injecté leurs propres fonds pour préserver leurs entreprises en attendant la reprise ou l’appui de l’Etat, a-t-il encore indiqué.
Et d’appeler à la mobilisation des ressources afin de garantir les liquidités au profit de l’agencier qui ne dispose pas des moyens nécessaires pour refinancer ses activités ou de prospecter des marchés et attirer de nouveaux clients. “Cette crise est une leçon qu’il faut prendre en considération pour se préparer à tous les imprévus”, a-t-il fait savoir, ajoutant que la FTAV dispose d’un projet de création d’un fonds de garantie et de solidarité qui devra être financé par les agences voyages et servira d’appui aux entreprises du secteur en temps de crise.
Penser tourisme responsable et durable
Le professionnel a, par ailleurs, appelé à repenser le secteur en engageant un travail de fonds et ne pas se focaliser uniquement sur les recettes en devises. ” Qui dit tourisme, dit en principe développement régional, durabilité, culture, petits métiers et artisanat, mais malheureusement nous avons des zones touristiques délaissées et un patrimoine non exploité “, a-t-il déploré, estimant que pour garantir un tourisme durable et résistant aux crises, il faut miser sur un développement de ce secteur tant au niveau national que régional.
” Malheureusement, depuis l’indépendance, nous nous intéressons seulement au rendement financier qui constitue un volet secondaire au sein du processus de développement de ce secteur”, a conclu le responsable.