Malgré les pouvoirs pharaoniques qu’il s’est octroyés, depuis le 25 juillet 2021, le président de la République, Kaïs Saïed, et en dépit des multiples possibles qu’il a ouverts en vue d’un véritable contrat social plus équitable, de préoccupants indices montrent que nous sommes loin de cet espoir et que l’Etat a tendance à faire preuve d’une grande faiblesse et à capituler devant l’insubordination de certains pans malveillants de la société.

Des observateurs n’hésitent pas à parler de reddition de l’Etat face à un cocktail de syndiqués makhzéniens aux intérêts bien établis, de fonctionnaires incompétents, de patrons férus de surprofit et de pyromanes politiques apatrides.

Abou SARRA

Depuis janvier 2022, les actes d’insoumission se sont multipliés de façon inquiétante. Plus grave, les responsables de ses actes de désobéissance sont les mafias politiques, sociales, économiques et financières qui ont confisqué, des décennies durant, l’indépendance du pays et l’on géré comme un butin de guerre.

Ces mafias, qui sont à l’origine des problèmes structurels dans lesquels se débat le pays sont : une administration corrompue, incompétente et encore infiltrée par les agents de l’islam politique destructeur, une centrale syndicale qui a squatté les entreprises et la fonction publiques, un patronat négrier féru du gain facile et protégé, et une organisation syndicale agricole au service non pas des 600 000 agriculteurs du pays mais d’une dizaine de grands groupes agroalimentaires.

Une série de grèves ouvertes dans les services publics

Pour revenir aux actes d’insubordination, il y a lieu de citer la série de grèves déclenchées concomitamment au mois de mars 2022 dans plusieurs services publics : sécurité sociale, poste, fonction publique, municipalités… Pis, ces grèves sont déclarées « grèves ouvertes », une aberration qui n’existe qu’en Tunisie. Il va de soi que les principales victimes sont les usagers et les citoyens, voire les contribuables qui payent indirectement ces grévistes indignes.

Vient ensuite la série d’incendies qui se sont déclenchés, fin avril-début mai 2022, dans tout le pays. Au total, selon les statistiques, la protection civile a maîtrisé, au cours de cette période, 63 incendies. Les plus graves ont eu lieu à Gabès (incendie du marché du henné), à Sfax (incendie de bateaux), à Ben Arous (incendie d’un entrepôt de friperie), à Bizerte (incendie dans le dépôt des bus de la société régionale des transports, à Zarzouna) … Les incendies ont touché également les forêts.

Après les incendies, de graves accidents ont eu lieu dans de grosses entreprises. Il s’agit de l’explosion survenue le 4 mai 2022 à l’usine de fabrication de ciment blanc (Société tuniso-andalouse de ciment blanc SOTACIB) dans la délégation de Feriana relevant du gouvernorat de Kasserine, faisant 12 blessés, et l’explosion qui a eu lieu le 9 mai 2022 dans l’usine sidérurgique d’El Fouledh, faisant six blessés.

Vient ensuite l’augmentation spectaculaire, le 6 mai 2022, du prix de viande de poulet de l’ordre de 1 à 3 dinars le kilogramme selon l’ODC (Organisation de défense du consommateur).

Pis, cette augmentation surprise a été décidée sans aucune coordination entre les importateurs d’aliments composés et des commerçants de détail, d’une part, et les ministères de l’Industrie et du Commerce, d’autre. C’est un véritable acte de désobéissance publique. De grands patrons de l’agroalimentaire importateurs sont désignés du doigt.

Dans une déclaration faite à une radio privée, Brahim Nefzaoui, président de la Chambre nationale du commerce en détail de volailles, a critiqué la hausse des prix de vente de la viande blanche aux commerçants par les grandes sociétés de production (NDLR importateurs). Il a indiqué que les commerçants ont été surpris par l’augmentation des prix par les grandes sociétés, tandis que les petites entreprises ont maintenu des prix raisonnables.

Sans commentaire.

L’administration est aussi responsable dans la mesure où elle n’a jamais eu ni de vision ni de stratégie pour développer sur le plan local une véritable industrie d’aliments composés pour bétail.

Des craintes légitimes

La simultanéité de ces graves accidents et leur survenance à la veille d’importants évènements politiques et économiques majeurs font craindre le pire. Parmi les prochains rendez-vous déterminant pour le pays, figurent au plan politique, le référendum du 25 juillet prochain sur la nature du régime politique du pays (présidentiel ou parlementaire), l’élaboration d’une nouvelle Constitution, d’une nouvelle loi électorale et d’une loi sur les partis. Autant d’échéances qui ne sont pas du goût des opposants du 25 juillet 2021 et même de puissances occidentales qui ne veulent pas de l’autonomie de décision en Tunisie.

Au plan économique, les observateurs craignent surtout la poursuite des incendies qui risquent d’affecter une récolte céréalière qui s’annonce prometteuse.

Cela pour dire que les enjeux sont énormes et que la vigilance est vivement recommandée à tous les niveaux.