En prévision de la prochaine période estivale et de ses canicules, qui s’accompagnent souvent par des incendies de forêts, l’Observatoire national de l’agriculture (ONAGRI) a publié des statistiques préoccupantes sur l’augmentation du nombre de ces incendies et les pertes qu’ils occasionnent.
Par Abou SARRA
Ainsi, les superficies des forêts incendiées sont passées de 2 000 hectares en 2011 à 25 000 hectares en 2021.
Autre statistique fournie par l’ONAGRI, en Tunisie, durant la période 1956-2010, la moyenne générale annuelle des incendies est estimée à 107 entraînant la perte de 1 300 hectares par an. Cette moyenne annuelle est passée, durant la période 2011-2020, à 198 incendies avec la perte de 3 000 hectares par an.
Le nombre des incendies ne cesse d’augmenter
Point d’orgue de ces statistiques : l’accroissement du nombre des incendies et des pertes n’a pas été accompagné, durant la dernière décennie, par un effort de reboisement.
C’est devenu même une tradition au regard des statistiques de l’ONAGRI. Durant la période 2001-2021, le couvert végétal n’a crû qu’au faible taux de 7% par an. Il a été encore plus faible sur une plus longue période.
Cette tendance a eu des répercussions négatives sur l’économie du pays. Elle a entraîné un accroissement des importations du bois et dérivés et leurs coûts en devises.
Durant la période 2001-2021, le couvert végétal n’a crû que de 7% par an. Il a été encore plus faible sur une plus longue période.
La Tunisie importe particulièrement 90% de la pâte de bois utilisée dans la fabrication de papier. Pourtant, les imprimeurs et éditeurs du pays ont constamment recommandé au gouvernement de créer, en Kroumirie particulièrement dans la zone de Ben Mtir (nord-ouest de la Tunisie) où abondent les forêts de chêne liège et de chêne zéen, une usine pour la production de pâte de bois. L’objectif est d’économiser les devises utilisées pour importer ce produit, mais également pour garantir l’indépendance du pays en cette matière nécessaire surtout à l’impression et l’édition du livre et autres accessoires en papier.
Travailler sur la valeur marchande des forêts
Il faut reconnaître que, jusqu’ici, la Tunisie n’a pas arrêté une véritable stratégie pour faire du secteur forestier un secteur économique rentable. Pour preuve, les recettes provenant des produits forestiers ne dépassent guère les 15 millions de dinars, soit un montant dérisoire par rapport à ce que rapportent les forêts dans d’autres cieux.
La Tunisie exporte essentiellement des bouchons, du charbon, du liège, d’essences de produits forestiers.
En Tunisie, les forêts et la végétation ligneuse couvrent une superficie totale de 1,3 million d’hectares, soit 8% de la superficie du pays, soit 1 million d’hectares de forêts
Les forêts et la végétation ligneuse couvrent une superficie totale de 1,3 million d’hectares, soit 8% de la superficie du pays, soit 1 million d’hectares de forêts et 0,3 million d’hectares d’arbustes et autres terres boisées. La population résidant à l’intérieur ou à proximité de la forêt est estimée à 750 000 habitants en 2010, soit 8% de la population totale. Elle tire environ un tiers de son revenu de la forêt, en plus de la contribution des forêts à la nourriture et à l’énergie.
La Tunisie exporte essentiellement des bouchons, du charbon, du liège, d’essences de produits forestiers.
Les forêts contribuent donc à assurer la sécurité alimentaire de cette population. Bien que le taux de pauvreté de cette population reste élevé, 46% en 2010 d’après la FAO contre 20% dans le pays, d’après l’INS.
Le moment est désormais venu pour conférer au secteur forestier une plus grande dimension économique à plus haute valeur marchande. Il s’agit d’y promouvoir des industries propres : écotourisme, établissements hospitaliers publics et privés, installations sportives de haut niveau, enseignement supérieur (universités…), agriculture biologique à haute valeur marchande… L’ultime objectif étant de sédentariser les populations qui y résident et de leur fournir des emplois et des sources de revenus stables.
Rôle écosystémique des forêts
Actuellement, ce secteur joue un rôle stratégique invisible dans la régulation de l’eau, notamment l’infiltration, la protection des sols contre l’érosion hydrique, la prévention des risques d’inondation contribuant à la protection des terres agricoles et à la conservation des ressources en eaux, et donc à l’amélioration des rendements agricoles.
Les forêts jouent également un rôle déterminant dans la prévention de l’envasement des barrages.
Cela pour dire que la valeur des services écosystémiques rendus par la forêt est de loin supérieure à la valeur des produits exploités (fourrages, bois, charbon…), par les habitants des forêts et de la Régie d’exploitation forestière. L’enjeu est d’équilibrer et d’assurer une coexistence bien comprise entre habitants des forêts et l’écosystème.
Les forêts jouent également un rôle déterminant dans la prévention de l’envasement des barrages.
L’idéal est peut-être de créer, comme le revendiquent depuis des années les techniciens forestiers, un Office des forêts, une structure autonome financièrement et surtout indépendante du ministère de l’Agriculture.