Plaidoyer pour une industrie sportive en Tunisie

L’événement sportif, en ce mois de juin 2022, a été la visite qu’a effectuée, le 3 courant, le président de la République, Kaïs Saïed, à la Cité olympique d’El Menzah. Point d’orgue de cette visite, la dénonciation en public de l’état de délabrement des installations édifiées depuis 1967 à l’occasion des 5èmes Jeux méditerranéens (stade de football, piscine, coupole…), « des bâtiments qui font partie intégrante du patrimoine national et de l’histoire de la Tunisie », dira le chef de l’Etat. 

Abou SARRA

Le chef de l’Etat est allé plus loin en pointant du doigt les responsables. Pour reprendre ses termes, il a déploré «la volonté préméditée de ruiner ces installations sportives durant les dix dernières années, afin de pouvoir mettre la main sur les terrains à un prix dérisoire».

Pour arrêter l’hémorragie, il a ordonné la restauration immédiate de ces installations et l’allocation des budgets requis à cette fin. Signe de la détermination du chef de l’Etat, les travaux de restauration du Stade olympique démarreront le 10 juin 2022.

Stopper les stratagèmes des spéculateurs

Avec cette décision, le chef de l’Etat fait d’une pierre deux coups. Le premier objectif atteint au grand bonheur des sportifs du pays est d’avoir déjoué les stratagèmes des mafieux sans foi ni loi qui voulaient la destruction de ces bâtiments à des fins de spéculation immobilière. C’était le sport favori des ministres de la dernière décennie. Ils voulaient tout vendre, même des lieux de mémoire : stade Chedly Zouiten, piscine du Belvédère et même le site de l’aéroport de Tunis-Carthage (900 hectares de grande qualité foncière à haute valeur marchande).

Kaïs Saïed déplore la volonté préméditée de ruiner ces installations sportives durant les dix dernières années, afin de pouvoir mettre la main sur les terrains à un prix dérisoire

L’ancien ministre de Nidaa Tounes du Transport, Anis Ghedira, en a fait sa préoccupation majeure jusqu’à la dernière minute.

Mieux, à un certain moment, l’ancien ministre des Finances de cette même formation politique, le défunt Slim Chaker, voulait lui aussi hypothéquer le Stade de Radès (rebaptisé stade Hamadi Agrebi) et le louer à des organisateurs de spectacles étrangers sous prétexte de subvenir aux besoins du financement du budget de l’Etat.

A travers la restauration de ces installations sportives, Kaïs Saïed a gagné la sympathie des milliers d’habitants jouxtant ces installations,

Le deuxième objectif atteint par le chef de l’Etat est d’ordre politique. A travers la restauration de ces installations sportives, Kaïs Saïed semble avoir gagné la sympathie des milliers d’habitants jouxtant ces installations, lesquels aspirent légitiment à continuer à évoluer dans un environnement sain.

Il a également rallié à sa cause de transformation de la Tunisie des centaines de milliers de sportifs tunisiens. Ces sportifs passionnés souhaitent que d’autres actions similaires soient entreprises dans les autres régions du pays.

L’exemple est désormais donné.

Adapter la logistique disponible aux normes internationales

Pour ces mêmes sportifs, c’est un miracle que des sportifs du pays puissent se distinguer individuellement et collectivement à l’international : cas de la tenniswoman Ons Jabeur, mais aussi de la sélection nationale de football qui s’est qualifiée pour la prochaine Coupe du monde alors que le pays ne compte qu’un seul stade conforme aux normes internationales, en l’occurrence le Stade Hamadi Agrebi à Radès.

D’autres pays dotés d’une meilleure logistique sportive comme l’Algérie et l’Egypte ne sont pas parvenus à se qualifier. Un parallèle à méditer.

Eriger une véritable industrie du sport en Tunisie

Cela pour dire que la liesse et joie populaire générée par la récente qualification à la Coupe du monde auprès des foules tunisiennes prouve que la Tunisie est une nation footballistique et que les Tunisiens sont des férus de sport.

Cette passion pour le ballon rond, tout autant que pour les autres sports d’ailleurs, mérite d’être valorisée dans l’ultime but de l’ériger en véritable industrie génératrice d’emplois, d’entreprises d’articles de sport, de devises et de recettes fiscales pour l’Etat (promosport et autres prestations…).

Contrairement à d’autres peuples modernes, les Tunisiens n’ont pas su tirer profit de cette industrie qui contribue, en moyenne, à hauteur de 20% du PIB des pays dits développés. A titre indicatif, dans un pays comme la France, cette industrie emploie environ 1,7 million de personnes dont 1,4 million de façon permanente.

Cette passion pour les sports mérite d’être valorisée dans l’ultime but de l’ériger en véritable industrie génératrice d’emplois, d’entreprises d’articles de sport

Cette industrie est articulée, de nos jours, autour de trois axes à même de garantir son financement : l’exploitation des droits de retransmission sportive par les chaînes de télévision et par les annonceurs, la consommation de vêtements et d’articles de sport, de services, commerciaux ou non, d’enseignement et d’animation et la promotion des paris sportifs.

Les Tunisiens, férus des jeux de hasard, sont des parieurs sportifs nés. Ils font tout pour s’adonner à cet exercice national. Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter un regard sur les paris parallèles. La Tunisie peut exploiter cette passion pour les jeux pour développer cette niche, la canaliser et en récolter les fruits pour pouvoir réinvestir dans les installations sportives. Ces paris sont très prospères au Royaume-Uni et dans les pays du sud-est asiatique.

C’est notre message pour le dynamique et sympathique ministre actuel de la Jeunesse et des Sports, Kamed Deguiche. On lui doit déjà l’exploit d’avoir osé bouger les lignes dans un secteur qu’on dit extrêmement corrompu.