Invités par la FIPA pour participer à la 20ème édition du Tunisia Investment Forum “TIF 2022“, Claude Cham et Aurélie Jouve, respectivement président de la Fédération des industries des équipements pour véhicules et directrice du Salon Equip’Auto, ont participé à un panel organisé conjointement par la CTFCI et la TAA.
Webmanagercenter (wmc) a saisi cette occasion pour les interroger sur les opportunités qu’offre ce Salon pour les opérateurs tunisiens du secteur en particulier et l’économie du pays en général. Entretien.
WMC : L’industrie auto bascule dans la mobilité connectée. Dans quelle mesure le Salon Equip’Autos intègre-t-il cette nouvelle donne ?
Claude Cham : La mobilité de demain est en rupture avec la mobilité d’hier, du fait de la digitalisation. La voiture électrique va générer de nouveaux acteurs qui vont s’imbriquer dans le cadre d’une nouvelle chaîne de valeur. Ajouter à cela que l’usage que l’on fera de la voiture va changer. Auparavant les constructeurs spécifiaient les modèles. Désormais ce sont les managers de flottes qui vont les configurer, en ligne avec les attentes des utilisateurs. En toute vraisemblance, on se dirige vers des productions de petites séries. Par conséquent, le marché de la rechange et de la réparation va changer. Il faut bien se dire que le marché de l’après-vente est partie prenante au même titre que la 1ère monte.
Le Salon doit continuer à évoluer dans sa structure non pas seulement de l’après-vente et de la pièce mais dans ce qui va devenir le facteur essentiel du business, la mobilité.
Aurélie Jouve : Nous avons sectorisé le Salon, en conséquence. Notre idée est donc de réunir dans le même espace, mais dans des compartiments dédiés aux divers opérateurs du marché.
Il y a une double approche sur le Salon. On regroupe les équipementiers entre eux. Et puis on a aménagé des espaces dédiés pour quatre thématiques, dont le garage du futur, qui vont permettre via des parcours différents de faire ressortir les effets de ce tournant du secteur auto.
A travers le Salon, on réalise en effet l’ampleur du marché de la rechange
Claude Cham : Dites-vous bien que l’on réalise en France 7 millions de transactions. Cinq millions sont des voitures d’occasion et les deux restantes sont des voitures neuves. Sachez que la moitié de ce parc est acheté par les loueurs essentiellement.
Je reviens à l’importance du parc des voitures d’occasion pour dire que ce marché nécessite beaucoup de réparation. Avec Internet, vous pouvez acheter votre pièce et vous rendre chez le mécanicien pour la monter.
Est-ce qu’il est possible de labelliser la pièce de rechange produite par des indépendants, afin de sécuriser le client ?
Aurélie Jouve : Cela tient de la force de la marque. Savoir mettre le client en confiance rentre dans la politique de branding, ce qui est en train d’être fait. Bien entendu la décote du prix par rapport à la pièce dite d’origine plaide en ce sens.
Claude Cham : J’ajouterais pour ma part que la pièce dite d’origine en réalité provient de chez un équipementier car les constructeurs sous-traitent 85 % des pièces. Etant donné que les constructeurs spécifient les véhicules, ils se donnent le privilège de labelliser la pièce dite premium sous leur marque. Du fait même qu’ils ont dessiné le modèle, les constructeurs soutiennent que les pièces visibles sont aussi leur propriété. Mais la FIEV a plaidé devant les tribunaux et a obtenu le droit de les reproduire.
La pièce pour le réemploi est une pièce, passablement usée. Comment la commercialiser ?
Aurélie Jouve : A l’heure actuelle, ces pièces sont totalement re-manufacturées et sont labellisées et certifiées. Des équipementiers de renom ont investi le business de la pièce “Back to car“ ainsi que des réseaux de distribution qui créent leurs propres produits. Et les pièces sont totalement fiables. Il existe une méconnaissance de cette niche mais elle peut rapporter au garagiste autant que la pièce d’origine.
Clause Cham : Le fondamental de la pièce de réemploi est cette pression des jeunes générations en faveur de l’économie circulaire. Il existe une pression sociale qui développe des process de commercialisation et de certification, lesquels, in fine, ne sont pas plus mauvais qu’avant car nos grands parents ne jetaient pas.
Nous sommes passés d’une sociologie de l’économie à une sociologie de la consommation, et finalement on se réoriente vers une économie de l’économie.
Quel intérêt pour les exposants de venir au Salon Equip’Auto ?
Aurélie Jouve : Nous sommes là pour mettre en lien le marché de l’après-demande. On aide les opérateurs à se rapprocher et à se concerter. La mise en relation est particulièrement agissante pour la distribution.
Clause Cham : Nous ne faisons pas que louer des mètres carrés à des exposants, car nous nous impliquons dans la logique métier. Nous nous positionnons comme des apporteurs de solution et de réflexion.
Vous êtes les invités de la FIPA pour la 20ème édition de TIF 2022. Avez-vous développé une vision sur le marché tunisien ?
Claude cham : Les récents événements, telles la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, nous conduisent à réexaminer nos alliances internationales et nos circuits de réapprovisionnement.
Géographiquement et sociologiquement, la Tunisie est bien placée pour être une base d’entrée sur l’Afrique subsaharienne. Donc, nous voulons créer des liens. La Tunisie est plus à même de nous permettre de pénétrer l’Afrique que nous Français n’avons pas bien su faire.
Avez-vous eu du répondant de la part d’industriels tunisiens pour exposer au Salon Equipa autos ?
Aurélie Jouve : Oui nos contacts sont prometteurs et nous avons un très bon retour de la part de l’Association des experts autos qui ont besoin de découvrir les nouvelles technologies et ont besoin d’avoir de nouvelles solutions pour leur métier. Nous avons le soutien de TAA et de la FIPA. Je pense que l’on va avoir une bonne délégation de visiteurs tunisiens.
La ministre de l’Industrie et le ministre de l’Economie prendront part, le 18 octobre 2022, à la Journée de la Tunisie.
Notre dépendance de destinations lointaines a montré ses limites. Nous voyons que la Tunisie, plus proche de nous, a développé un savoir-faire, et sans compter sa position leader sur les faisceaux de câbles. Elle recèle également des potentialités en ingénierie auto, ce qui favorise la Tunisie comme site de production ou relai de développement.
Après Equip’Auto Alger, on peut espérer un Equip’Auto Tunis ?
Claude Cham : Nous sommes en train de réfléchir à un mode de Salon itinérant qui soit tous terrains, et nos partenaires tunisiens prendront part à l’élaboration de cette stratégie.
Vous restez attaché au moteur thermique. Pourquoi cette distance avec la voiture électrique ?
Claude Cham : Je dis que la politique de décarbonation est indispensable. La seule chose que je conteste est que le tout électrique n’est pas la solution exclusive aux multiplicités des besoins de motricité qui existent.
Propos recueillis par Ali Abdessalam