La conjoncture alimentaire nationale au premier semestre de 2022 indique de fortes dégradations du pouvoir d’achat global du Tunisien, ainsi qu’une augmentation sans précédent du déficit de la balance alimentaire sous l’effet notamment du conflit russo-ukrainien. De ce fait, si rien n’est entreprise en toute urgence, la situation risque de se détériorer gravement durant le 2ème semestre de l’année et en 2023. C’est ce que révèle une récente note de l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES).
Intitulée “Renforcer la sécurité alimentaire de la Tunisie en 2022-2023”, ladite étude propose une analyse approfondie de la situation de la sécurité alimentaire de la Tunisie, tout en expliquant comment les facteurs déterminants de la sécurité alimentaire sont et peuvent être impactés suite aux effets de la crise exogène liée au conflit Russo-Ukrainien (3 scénarios sont développés).
Le premier scénario c’est le scénario tendanciel qui consiste au maintien des efforts actuels en matière de sécurité alimentaire.
Le deuxième scénario, souhaitable pour le pays, c’est celui d’engager des actions et d’initiatives volontaristes pour réduire l’impact de la crise russo-ukrainienne sur la sécurité alimentaire.
Quant au troisième scénario, noir celui-là, il prévoit un impact plus fort de la crise russo-ukrainienne, des facteurs climatiques défavorables et un échec de l’implication des agriculteurs et autres acteurs des filières dans les efforts d’atténuation de l’effet de la crise sur la sécurité alimentaire.
En se basant sur le scénario souhaitable à court terme, une série d’actions à différents degrés de faisabilité a été proposée pour améliorer la situation de la sécurité alimentaire durant le reste de l’année 2022 et en 2023. La réussite du défi qui attend la Tunisie en termes de sécurité alimentaire durant les 18 prochains mois nécessite un réel engagement des acteurs institutionnels, administratifs, privés et de la société civile autour d’objectifs communs afin d’éviter le pire, c’est-à-dire la matérialisation du scénario noir N°3.
En urgence, augmenter la récolte et réduire les importations
L’étude de l’ITES préconise de renforcer la sécurité alimentaire en 2022-2023 en agissant au niveau de la production agricole nationale, des importations alimentaires, de l’industrie et du secteur tertiaire et de la consommation.
Pour ce qui est production agricole, l’ITES recommande de maximiser la récolte, la collecte et le stockage des céréales en 2022, de bien gérer les autres campagnes agricoles de 2022, de solutionner les problèmes de manque d’eau et de garantir l’accès aux intrants pour les campagnes de 2023.
Au niveau des importations alimentaires, les auteurs de l’étude préconisent de réduire les factures d’importation du sucre et des huiles, de réviser les accords d’échanges commerciaux avec certains pays et d’améliorer la programmation des importations alimentaires dès fin 2022.
Sur le plan de l’industrie et du secteur tertiaire, les actions proposées consistent à alléger le contenu en sucre des produits industrialisés, compenser une partie de la subvention aux produits de base captée par les hôtels et les restaurants et à intensifier les contrôles et la traque aux intermédiaires informels, opportunistes et spéculateurs.
Sur le plan de la consommation, il s’agit de lutter contre la prévalence de l’obésité, réduire les gaspillages au niveau des agents économiques et de maintenir le pouvoir d’achat des classes pauvres en révisant le SMIG et le SMAG.
Sur le plan quantitatif, le scénario N°2, souhaitable pour la Tunisie, pourra permettre de cerner l’inflation globale entre 6 et 7% durant le reste de l’année 2022 et durant l’année 2023 et de réduire la facture de l’import des denrées alimentaires (pour que la majoration du déficit ne dépasse pas 1500 MD en 2022 et 2023 par rapport aux niveaux de 2021).
Ce scénario permettra également de récupérer une partie de la subvention captée par les hôtels et entreprises de restauration hors foyers et l’orienter vers le financement des actions prioritaires d’amélioration de la sécurité alimentaire (une taxe exceptionnelle pourra être inscrite dans la loi des finances de 2023 et permettra de récupérer jusqu’à 300 millions de dinars de cette subvention sans fortement altérer les performances financières des entreprises) et de réduire les gaspillages alimentaires et les coûts de soin liés aux maladies induites par la surconsommation de pains, pâtes blanches, huiles végétales et sucre qui se chiffrent en centaines de millions de dinars.