En matière de transition énergétique, la plupart des pays œuvrent à investir de grosses sommes dans la maîtrise des technologies de production de l’hydrogène. Cette énergie verte et renouvelable, dite « énergie bas carbone », est produite à partir de l’eau, d’hydrocarbures ou d’énergies vertes. Elle est utilisée alors avec une pile à combustible ou par combustion directe.
Il y a également l’hydrogène gris ou hydrogène naturel qui est enfoui dans le sol. C’est en quelque sorte une ressource naturelle découverte par les Russes en 2008. Elle ne nécessite pas beaucoup d’investissements pour son captage, entre 10 à 1600 m de profondeurs.
Au quotidien, l’hydrogène est de plus en plus utilisée pour alimenter le secteur des transports (toutes sortes de véhicules confondues), pallier l’intermittence des énergies renouvelables au moyen du stockage d’électricité, et décarboner le secteur industriel. C’est le cas particulièrement de l’Union européenne. L’Afrique est retenue comme un important gisement d’hydrogène naturel.
L’hydrogène naturel serait le « coup d’après »
Selon Stéphane Aver, PDG de la société franco-suisse “Aaqius Electriroad 2021“, spécialisée dans la production d’hydrogène vert et naturel, son entreprise vient de forer au Mali quelque 25 puits d’hydrogène gris qui sont déjà opérationnels, et 45 autres sont en cours.
Alors qu’il s’exprimait dans le cadre de la 23ème édition du Forum international de L’Economiste Maghrébin (14 juin 2022), Stéphane Aver a assuré que son entreprise va faire autant au Maroc où elle est en phase d’exploration pour le déploiement d’une centaine de puits.
L’entreprise est également active dans d’autres pays africains, notamment en Afrique centrale où il y a d’importants potentiels, en Afrique du Sud, au Botswana et en Namibie.
La question qui se pose est de savoir où en est la Tunisie avec cette révolution énergétique que d’aucuns qualifient du « coup d’après », c’est-à-dire de l’énergie du futur qu’il ne faut pas rater. Pour les experts, c’est comme si nous étions en 1850 avec la découverte du pétrole.
Ces balbutiements qui coûtent cher à la Tunisie
La réponse à cette question est simple. Nous sommes à un stade embryonnaire. C’est à peine si le département de l’Energie en est conscient. Pour preuve. Au moment où d’autres pays concurrents avancent à pas de géant sur la voie du « tout hydrogène » et inaugurent des réalisations sur la base de stratégies cohérentes, le ministère tunisien en charge de l’Industrie, de l’Energie et des Mines a lancé, le 28 juin 2022, une étude pour mettre au point une stratégie pour le développement de l’hydrogène dans le pays.
Intitulé “l’hydrogène vert au service d’une croissance durable et une économie décarbonisée en Tunisie”, ce projet d’étude n’aurait pu être lancé sans l’appui financier et logistique de l’Agence de développement allemande (GIZ).
Pis, dans leurs interventions au cours de cette journée de lancement de l’étude, les discours des représentants du ministère l’Industrie, en l’occurrence son directeur général de l’électricité et de la transition énergétique et le PDG de la STEG ont été vagues et décevants.
Le premier a cru bon de nous rappeler, comme s’il découvrait le monde, que l’hydrogène vert remplacera le pétrole dans l’avenir et qu’il faut se préparer à la transition énergétique en Tunisie. Il n’a pas manqué de souligner, au passage, non sans un certain cynisme, le coût élevé de l’hydrogène. Il n’a pas établi un quelconque parallèle entre ce que nous coûte l’importation en devises de 50% de nos besoins en énergie à 110 dollars le baril et la production d’hydrogène, une énergie propre à portée de main.
D’ailleurs, à propos du coût de cette énergie, Stéphane Aver a fourni d’importantes précisions lors de sa communication. D’après lui, « le coût de l’hydrogène vert produit à partir de l’eau avec des électrolyses et souvent des énergies renouvelables en amont varient entre 5 à 10 dollars le kilo. Le coût de l’hydrogène gris à partir du gaz naturel coûte 2 dollars le kilo. L’hydrogène extrait des puits qui tournent aujourd’hui au Mali, nous sommes à 50 cents (un demi dollar) ».
Quant au PDG de la STEG, il aurait dû garder pour lui ce qu’il avait révélé. Il a annoncé qu’en prévision du développement de la production d’électricité à partir de l’hydrogène, « six ingénieurs de la STEG ont été chargés de la formation des agents durant les 6 prochains mois », et que « les premières études sur ce dossier seront faites à Gabès ».
Cette décision de charger la STEG de ce dossier stratégique est, à notre avis, une mauvaise idée. Car, tout le monde sait que la direction générale de la STEG et ses syndicats ont été, de tout temps, des “fossilistes“, voire partisans de l’importation des hydrocarbures pour faire fonctionner les centrales électriques.
Ils ont une aversion criante pour les énergies renouvelables, c’est ce qui fait que la part des énergies renouvelables dans la production nationale d’électricité n’a pas dépassé, jusqu’à ce jour, 3% alors qu’elle est à plus de 30% au Maroc, par exemple.
Sans commentaire.
Abou SARRA