L’amphithéâtre romain de Carthage a accueilli, vendredi soir, un spectacle intitulé “Angham fi dhekra” (Chants mémorables), dédiée aux auteurs, aux compositeurs et aux chanteurs qui ont fait la gloire de la chanson tunisienne.
Présenté dans le cadre la 56e édition du Festival international de Carthage qui se tient du 14 juillet au 20 août, ce spectacle est conçu par le compositeur Abderrahmen Ayadi. Cet artiste qui a connu l’âge d’or de la chanson tunisienne dans les années 80, a longuement fouillé dans la mémoire de la chanson nationale, déterrant les archives et sélectionnant ce qui lui paraissait évident à montrer.
En présence de la ministre des Affaires culturelles, Hayet Ketat Guermazi, la soirée a été marquée par une cérémonie en l’honneur d’ anciens artistes participant au spectacle. Les figures tutélaires honorées, dont on serine souvent les œuvres mais que peu de gens connaissent les visages, ont, tour à tour complimenté le maestro Abderrahman Ayadi pour cette initiative.
Les bâtisseurs, manifestement heureux, sont montés sur scène. Le parolier Ahmed Zaouia, qui, du haut de ses 90 ans, bon pied, bon œil, a écrit pas moins de six cent quarante chansons et le compositeur au long cours Ahmed Ridha, un symbole à lui seul, qui a à son actif plus de 500 chansons.
La chanteuse Soulef, encore alerte a même chanté un de ses tubes, suivie de Mohsen Erraïs, qui a fait les beaux jours des années 60 et 70, bien conservé, en veste pailletée de jeune chanteur. Le fameux violoniste, Bechir Esselmi, digne successeur de Ridha Kalai, a regretté la ” progressive disparition de la chanson soignée et authentique”. Il a chaudement salué l’initiative de ” Chansons mémorables “.
Abderrahmen Ayadi a joué une pièce instrumentale composée pour la circonstance, son titre à lui seul désigne le dédicataire : ” Carthage 56 “.
Pour honorer la chanson tunisienne, il n’ ya pas mieux que de la chanter, aussi des artistes triés sur le volet ont redonné gloire et éclat aux vieux tubes. Slim Dammak qui s’est éclipsé de la scène près de dix ans, a chanté ” Tâali ” paroles de Jâafar Majed, composition de Mohamed Ridha et ” Manhibbich la Foudha oula Dhab ” (Je n’aime ni argent ni or) de Oulaya sur des paroles Mohamed Lajmi et une composition de Mohamed Ridha.
Olfa Ben Romdhane a chanté ” La ya Sidi ” de Soulef , paroles de Hédi Besbès et composition de Mohamed Ridha, et elle entonne ” Ya hlili Way ” de Ridha Khouini et composition de Abdeaziz Ben Abdallah.
Le public a revisité l’inoubliable rossignol , Youssef Temimi, à qui Chokri Omar Hannachi a rendu hommage avec deux morceaux : ” Bin El khmaïl ” et ” Yasmine ou fel ” paroles de Ahmed Ezzaoui et composition de Chedli Anouar. Pour sa part, Asma Ben Ahmed a repris ” Lakitha Khazritli ” du chanteur Saber Erbaii, composée par Mohamed Ridha sur des paroles de Hssen Mahnouch, suivie d’une chanson de Soulef ” Ridi El Ghali ” composé par Mohamed Jaziri sur des paroles de Ahmed Hariri.
Bechir Essalmi a joué ” Wa Hayati Andak “, la célèbre chanson de Dhikra Mohamed et ” Zarzis ” de Ridha Kalaï, qui a enflammé le public.
De la nouvelle génération d’artistes, Ahmed Rebaï a repris ” Mâana il jamal ” devant Soulef qui l’a longtemps chantée. Il a continué avec une chanson de Zouheira Salem ” Inta Habib el Omr “. Molka Charni, 16 ans, a repris deux chanson de Soulef ” Matfakker ness ” et ” Wallah mani taïba “.
Nouredine El Béji, en tenue traditionnelle, a clôt la soirée avec des chansons de Youssef Temimi ” A?mel Mârouf” ( paroles d’Ahme Ezzaouia et compostion de Hechmi Ben Salah) et ” Lila ouel Mizoued Khaddem ” de Hédi Habouba.
” Chansons mémorables ” résume des décennies de l’histoire de la chanson et des créateurs, compositeurs, paroliers et chanteurs, des airs comme une ritournelle ont fusé sur la scène et sur les gradins, entraînant un public de générations différentes qui a apparemment oublié son passé.
Au point de presse tenu après le spectcle, Abderrahmen Ayadi a déclaré ; “j’espère que suite à ce succès, les décideurs de tous bords prendront en compte le désir du public et programmeront notre spectacle “. Bechir Esselmi, un peu amer, a pour sa part, estimé que les choses doivent changer. “Oublions la médiocrité qui sévit sur nos ondes radios et écoutons la belle chanson bien élaborée”, a-t-il dit.
En toute évidence, les chansons tunisiennes anciennes n’ont pas résisté à la déferlante des actualités musicales. Elles ont été oubliées pour n’avoir pas été entretenues, revisitées et vivifiées par les programmateurs télé, radio et autres médias influents.