Nmout Alik (littéralement Je mourrai pour toi) est le tout dernier spectacle de Lamine Nahdi, dans une nouvelle collaboration avec son ami Moncef Dhouib qui dure depuis le premier show à succès “Mekki et Zakia”, avant d’enchainer avec “Fi hak sardouk Nraychou” et “Lila ala Dalila”.
Le duo livre un show qui sort de l’ordinaire où l’aspect mélodrame prime sur le l’humour qui a souvent été présent dans l’œuvre de Nahdi.
Dans la soirée du vendredi 29 juillet 2022, ils étaient près de mille spectateurs à Carthage, de tout âge, qui occupaient les gradins de l’amphithéâtre romain.
“Nmout Alik” dans son humour noir est une ode à la vie à travers le personnage de Ayech, chômeur, qui malgré les déceptions et les difficultés de la vie voue un grand amour pour son pays, la Tunisie, prise d’assaut par les contrebandiers, les mafieux et les islamistes qui veulent faire de la chariaa une loi.
Une structure mélodramique qui coupe avec le passé et dont l’accueil du public du festival international de Carthage ne fait pas l’unanimité. A peine le spectacle terminé, Lamine Nahdi, victime de ses choix passés, se trouve sous le feu de la critique de ceux qui désapprouvent de le voir dans un show, sans le rire. C’est devenu une condition que certains réclament pour désigner la réussite du spectacle.
La thématique à laquelle s’attaque Dhouib est celle de la trilogie de la vie, de l’amour et de la mort, sous fond d’une Tunisie, en pleine mutation, rattrapée par les aléas d’une vie politique et sociale assez tumultueuse. Le héros, Ayech, nous plonge dans son monde et sa tentative de suicide qui l’a propulsée sur la scène médiatique, devenant la cible des islamistes, des libéraux et des politiciens dans un cadre de libertés bafouées et de promesses rompues. Son acte a été différemment interprété par chacun d’eux.
Sa vie tourne autour d’un quotidien sans lendemain entre le café du quartier, le bar et la maison. Son chômage chronique le pousse à avoir dix dinars chaque jour de sa femme Arbia qui cumule les petits boulots. Sa peine s’accentue par des personnages comme sa belle-mère, Saida, appelée Saida Selfy, et son voisin, Abou Yaareb.
Lassé de cette situation, il va essayer de se suicider, ce qui va provoquer le désarroi des islamistes qui l’emmènent à la montagne, essayant de l’endoctriner et se faire exploser dans l’espoir de gagner le paradis. Les médias représentés par deux homosexuels, Nachwen et Noomen, ne voient en son acte qu’un phénomène de suicide qu’ils veulent couvrir.
Par une nuit pluviale, ses oncles sont venus lui rendre visite pour le féliciter de son acte héroïque. Leur discussion revient sur un passé douloureux et un présent encore difficile pour les régions défavorisées et des populations laissées pour compte.
Les métaphores se multiplient entre les idées radicales des adeptes de la religion et celles progressistes des libéraux, mais Ayech n’aura qu’un seul espoir, criant si fort ” S’il vous plait, je ne veux pas mourir, je veux avoir une nouvelle chance “.
Lamine Nahdi qui faisait rire son public a choisi de le faire réagir autrement. Loin des blagues assez banales qui provoquaient le rire chez ses fans, toutes catégories confondues, l’artiste est entré dans une nouvelle phase de maturité artistique.
Le théâtre qu’il propose verse plutôt dans le mélodrame qui mène à la réflexion sur nos maux de société après une lourde décennie durant laquelle le citoyen est passé d’une déception à l’autre, sans qu’aucune lueur d’espoir n’apparaisse dans l’horizon.
Le Kef, sa terre natale demeure assez présente dans son œuvre mais qu’il aborde avec beaucoup plus de sagesse. L’œil critique de Moncef Douib, va beaucoup plus vers une combinaison entre le volet social et politique.
Les foules de festivaliers venues se ressourcer par le rire, se sont trouvées au cœur d’un chao auquel ils n’ont plus envie d’assister, du moins en cette étape où chacun cherche une issue de sortie, ne serait-ce pour une heure du temps. Cette attente n’a pu être satisfaite, ce qui ne veut pas non plus qu’on hôte à l’œuvre toute la valeur artistique. Lamine Nahdi demeure un maître incontesté de la scène…