Une belle fusion sonore de plusieurs genres était au rendez-vous, vendredi soir, à Carthage, dans un spectacle de deux groupes d’artistes d’origine algérienne vivant au Canada et en France, Labess et Gnawa Diffusion.
Les causes humaines et les libertés sont au cœur de ces deux groupes se qui sont produits dans le cadre du 56ème Festival international de Carthage. Les artistes qui sont à leur première fois sur la scène de l’amphithéâtre romain de Carthage, ont donné un spectacle de près de trois heures devant un public assez nombreux.
En Arabe, en Amazighe, en Français, en Anglais ou en Espagnol, les artistes surfent aisément sur plusieurs langues. En cette soirée qui s’était poursuivie jusqu’à 1h du matin, le public a eu le plaisir de savourer chaque morceau et de danser sur des sonorités, du répertoire algérien, qui ne lui sont assez familières.
Le début était avec Labess, un groupe installé au canada qui a donné une prestation d’une heure et demie. Vers 23h30, Gnawa Diffusion, un groupe composé d’artistes vivant en France, a joué jusqu’à une heure tardive.
Nadjim Bouizzoul, leader de Labes, se présente comme un artiste de la vieille école dont la réputation du groupe sur les réseaux sociaux est une pure initiative de ses fans au Québec.
Celui qui mène actuellement une vie paisible, loin du monde citadin, dit vouloir toujours prendre son temps, entre deux albums. Son tout dernier qui est le fruit d’une collaboration entre plusieurs artistes.
Ce groupe venu de Montréal interprète des chansons qui témoignent de l’attachement de son leader à ses origines et son enracinement dans une culture qu’il porte dans le cœur, malgré l’éloignement et les milliers de kilomètres qui le sépare de sa terre natale. Il avait à peine 18 ans quand sa famille a déménagé au Canada, durant la décennie noire, une période sombre de l’histoire de pays.
Depuis sa création en 2004, le groupe a réussi a se frayer un chemin dans le milieu artistique en adoptant un genre de musique ouverte sur le monde et des fusions sonores qui dépassent les frontières géographiques et culturelles.
Son inspiration, l’artiste dit l’avoir eu depuis son enfance. Il avait presque onze ans quand cette curiosité de connaitre les autres cultures avait commencé à l’habiter. La culture tzigane qu’il avait eu la chance de côtoyer l’a tellement inspirée et fascinée. Il évoque sa grande ressemblance avec la culture maghrébine et cette joie de vivre et de partage entre ses membres.
Le leader du groupe évoque une aventure humaine dans laquelle il a rassemblé des musiciens d’un peu partout. La présence des femmes musiciennes est avant tout une question d’affinités artistiques tout comme celles d’autres musiciens hommes.
La musique africaine et la musique tzigane étaient le fil conducteur dans toutes ses chansons qui composent ses quatre albums, en chantant la vie, l’injustice et l’humanité quelque part perdue. Yemma est le titre de son tout dernier album que le leader du groupe dédie à sa mère.
Les sonorités du Continent noir et celles du vieux Continent inspirent cet artiste dont la musique, n’est ni algérienne, ni africaine, ni tzigane. Elle est plutôt une fusion de genres qui rassemble toutes les cultures qui nourrissent sa créativité.
Le Tunisien Halim Yousfi de Gultrah Sound System, et Amazigh Kateb de Gnawa Diffusion, étaient invités à interpréter l’une des chansons avec Labess. Cette surprise est un moment de partage artistique avec des amis que le Nadjim Bouizzoul salue “l’honnêteté, la sincérité et cette folie” qu’il apprécie.
La prestation de Gnawa Diffusion était un hymne à la liberté, à la vie et à la paix dans un monde où les droits humains des moins chanceux sont bafoués. Le populaire algérien, le style gnawa et le reggae se croisent formant l’identité de ce groupe dont la musique est d’une force exceptionnelle qui traverse le plus profond de l’âme en fouillant dans ses joies et ses faiblesses.
Depuis la création de son groupe en 1992, Amazigh Kateb se consacre à un genre musical qui met l’humain au cœur de ses paroles ” Slama Alikom, ” Sabrina ” ou encore ” Rouina ” inspirée de la crise sanitaire mondiale et ses restrictions.
La musique était une sorte de refuge pour cet artiste en ses débuts assez difficiles et une période de chômage qui l’avait paradoxalement permis d se consacrer à l’écriture musicale.
Après avoir quitté l’Algérie pour la France, en 1998, sa vie d’expatrié et touts ceux qui sont dans sa situation l’a aussi inspirée dans ses chansons.
Son groupe était son univers à lui dans lequel il vit en optant pour un style rassemblant tous les genres et les sonorités qui lui ressemblent, en abordant les thèmes qui touchent à la politique, l‘amour et la vie en général. Ce fils d’artiste pluridisciplinaire et d’écrivain militant a hérité de son père, Kateb Yacine, sa verve et un esprit militant qui font sa notoriété dans le milieu artistique engagé.
Les leaders de Labess et Gnawa Diffusion dont les origines algériennes et l’amitié unissent, sont aussi des artistes aux choix musiciaux assez identiques qui temoigent de leur créativité et leurs engagements respectifs.