De grands projets, de belles idées et une grande détermination chez nombre de ministres du gouvernement Bouden pour changer la donne socioéconomique en Tunisie. La réalité n’est pas très gaie et le nombre de « radeaux de la mort » qui partent quotidiennement à destination de l’Italie emportant des familles entières en témoigne. A Carthage, à chaque fois que le président s’exprime, ce sont toujours les mêmes invectives que nous entendons stigmatisant la corruption et appelant à plus de rigueur, comme si les lois n’étaient pas assez coercitives.
Recevant la ministre des Finances et la DG des douanes, le chef de l’Etat a, comme attendu, appelé à sévir contre les dépassements et les malversations dans le corps des douanes. Nous aurions apprécié qu’il se penche sur le drame du port de Radès, ses risques sur l’économie nationale et qu’il pousse vers l’amélioration de son efficience et l’augmentation de son rendement. Mais nous ne pouvons que déplorer la méconnaissance totale du président des impératifs et autres contraintes économiques, ce qui complique davantage la tâche du gouvernement, puisque, in fine, c’est lui qui décide.
A La Kasbah pourtant, les ministres économiques et la cheffe de gouvernement se démènent pour essayer de sortir le pays de l’ornière, une mission qui relève presque de l’impossible au vu de la complexité des négociations avec le FMI -devenu plus exigeant- et des menaces brandies par l’UGTT annonçant des grèves générales dans la fonction et le secteur public, à décider en temps et heures !
Parmi les projets les plus avancés et qui répondent au souci présidentiel de lutter contre la corruption, sans diaboliser qui que ce soit, figure celui de la digitalisation. Nasreddine Nsibi, ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, par ailleurs porte-parole du gouvernement, en parle : « Le Tunisien ne cesse d’entendre parler de digitalisation, mais n’y croit plus. Le 3 août 2022, le ministre des Technologies de la communication (Nizar Ben Neji, ndlr) et Mme la chef du gouvernement ont annoncé le lancement de l’identité numérique et du portail pour un mobile ID. Grâce à la carte d’identité numérique, on peut accéder à la légalisation de signature digitale, à distance, on a commencé par les extraits de naissance. Nous éditons 60 millions d’extraits de naissance par an, 60 millions de feuille en papier ! A partir du 3 août, l’extrait de naissance peut être tiré chez soi ou dans un club internet ».
Après les extraits de naissance et la légalisation de signature, la signature électronique sera généralisée dans 2 ou 3 mois. L’usage du numérique dans les formalités administratives épargnera à l’Etat et aux citoyens temps et argent et jugulera la petite corruption qui touche le petit personnel dans les municipalités et les administrations publiques.
Les énergies renouvelables, l’offensive gouvernementale
Le gouvernement s’attaque également à un autre chantier, celui oh combien important des énergies renouvelables. Il a été décidé de lancer des campagnes massives de sensibilisation grand public pour encourager le développement domestique des énergies renouvelables. « Les technologies des énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien, géothermie et biomasse) sont inexploitées dans notre pays qui est doté de tous les moyens pour développer les ER et assurer un approvisionnement énergétique durable et sûr pour plus de croissance et moins de déficit énergétique », explique M. Nsibi.
La loi de Finances 2022 a considérablement réduit les impôts et les taxes sur les composantes de l’énergie solaire. Le Tunisien peut aujourd’hui installer l’énergie solaire chez lui beaucoup moins cher et en profitant de prêts sur 7 ans.
Le gouvernement tunisien a également mis en place un cadre d’investissement incitatif pour l’encouragement des investissements dans les ER. 500 MW ont déjà été octroyés à des investisseurs et 46 projets ont été soumis au ministère de l’Industrie, de l’Energie et des Mines pour la réalisation de 2 000 MW. Le but est d’atteindre, dans quatre ans, une capacité de production de 2 500 MW, ce qui réduira la facture énergétique de 30%.
Djerba sans sacs en plastique et une machine tunisienne pour transformer les déchets en énergie !
La décision a été prise et pour de bon cette fois-ci : plus de plastique en Tunisie. Cela se fera progressivement, et c’est l’île de Djerba qui est la pionnière. L’interdiction des sacs en plastique est déjà entrée en vigueur sur l’île des Lotophages. « C’est un projet pilote qui sera généralisé à tout le pays. Nous entamons une nouvelle approche pour la gestion des déchets. Nous avons signé une convention avec une jeune entrepreneuse qui a le brevet pour la fabrication de la première machine tunisienne de valorisation et de traitement de déchets. Nous y travaillons avec l’ANGED et l’ATFP. Grâce à cette machine, les déchets ne seront plus enfouis mais traités et valorisés ; ils vont servir à fabriquer des compostes et de l’énergie. Je considère que c’est très important parce que cette machine va être dupliquée au lieu d’être importée et qui, dès que développée, sera éventuellement exportée ».
Grâce à cette machine, on pourra créer du compost et on gagnera sur les engrais biologiques très demandés.
On compte aussi créer les granules d’énergies à partir du pvc qui font fonctionner les chaudières dans les cimenteries aujourd’hui importés et qui sont présents dans les déchets domestiques.
Révision des politiques de développement régional et création digitalisée des entreprises : vœu pieux ou réalité proche ?
Il y aura un plan de développement régional pour chaque région, explique Nasreddine Nsibi. « Le plan de développement régional sera finalisé dans quelque semaines et il prendra les spécificités et les particularités de chaque région. Avant la fin de l’année, toutes les autorisations seront supprimées sauf une liste négative. Mme la cheffe du gouvernement a donné des instructions fermes à tous les ministres pour supprimer toutes les autorisations superflues. Si jamais un ministre tient à en garder une, il doit justifier sa décision. Nous voulons libérer l’initiative, et ça sera fait ».
Rappelons à ce propos que Najla Bouden l’a annoncé dans son discours à l’occasion de la Fête du Travail. Une liste négative sera donc publiée sur les activités qui exigeront des autorisations dans 2 ou 3 mois. « A l’île Maurice, un pays au même niveau que la Tunisie, on peut créer une entreprise en 30 mn. En Tunisie, la moyenne de création d’une société si vous n’avez pas de difficultés et avec beaucoup de chance est de deux semaines. Nous planchons aujourd’hui avec la cheffe du gouvernement et tous mes collègues sur la création digitalisée des entreprises. Ceci n’était pas possible avant parce qu’il n’y avait pas de mobile ID, aujourd’hui, ça l’est. Notre souci à tous est de faire mieux avec des moyens réduits. Nous avons identifié les imperfections, les défaillances, nous avons dressé un plan pour sévir et éliminer les entraves. Actuellement, notre gouvernance est vraiment optimisée. Nous planchons en ce moment même sur la restructuration d’un certain nombre de secteurs. Nous y arriverons, en tout cas, moi j’y crois ».
Croisons les doigts et prions pour que ce ne soit pas qu’un vœu pieux.
Amel Belhadj Ali