L’incapacité de l’économie tunisienne à réaliser le rattrapage que la majorité des pays du monde ont pu accomplir en 2021, est due aux faiblesses d’ordre structurel conjuguées aux répercussions de la pandémie de COVID-19. C’est ce qu’indique le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abassi, dans son introduction au Rapport annuel 2021 de la BCT.
“L’accumulation de ces difficultés, des années durant, fait que la relance soit devenue non seulement plus difficile mais aussi plus coûteuse. Les pressions sur les équilibres financiers n’en seront que plus accentuées. Aussi, les retombées de la crise risquent-elles de persister avec pour conséquence une croissance potentielle faible”.
Fragilité du marché du travail
Selon lui, “l’insuffisance de l’investissement, avec un taux de 16% du PIB (15,8% en 2020) est un frein à une reprise solide de la croissance, au même titre que l’épargne dont le taux ne dépasse guère 9% du RNDB (6,2% en 2020). En parallèle, le marché du travail reste fragile avec des créations nettes d’emploi de 53 400 postes en 2021, contre une perte nette de 133 000 une année auparavant. Le taux de chômage global, qui a légèrement reculé à 16,2% au dernier trimestre de l’année, reste toutefois bien au-delà de son niveau d’avant COVID-19 (14,9% en 2019)”.
Concernant le secteur extérieur, El Abassi souligne que “le déficit de la balance commerciale s’est creusé de 27,1% d’une année à l’autre. Les échanges extérieurs ont repris avec un rythme plus accéléré des importations comparé à celui des exportations (22,2% contre 20,5%). Le déficit au titre de l’énergie et des produits alimentaires a fortement contribué à cette évolution, en relation avec la hausse des prix internationaux des produits concernés”.
Contraction de l’excédent des opérations en capital et financières
Il considère toutefois que “ce dérapage du commerce extérieur a été quelque peu atténué par l’amélioration de l’excédent des revenus de facteurs (transfert des Tunisiens résidents à l’étranger) et dans une moindre mesure du tourisme. Ainsi, le déficit courant s’est stabilisé à 5,9% du PIB contre 6% une année auparavant et 8,6% en moyenne au cours de la décennie précédente”.
Par contre, “la balance des opérations en capital et financières a vu son excédent se contracter sensiblement. La baisse des capitaux étrangers mobilisés (IDE et emprunts à moyen et long termes) s’est conjuguée à une augmentation des remboursements au titre de la dette extérieure”.
Aussi, “l’excédent de la balance générale des paiements a-t-il chuté, en 2021, revenant de 3,807 milliards de dinars à 344 millions de dinars (MDT)”.
Une augmentation de 10,5 milliards de dinars de la dette publique
Pour ce qui est des finances publiques, après une année 2020 particulièrement difficile avec un déficit record de 9,4% du PIB, explique le gouverneur de la BCT, la situation a connu en 2021 une accalmie toute relative avec un déficit budgétaire revenant à 7,5%, grâce notamment au redressement des recettes fiscales. Néanmoins, ce niveau de déficit reste préoccupant si l’on tient compte du niveau des dépenses incompressibles et de l’atonie de la croissance qui fragilise la pérennité des recettes.
De surcroît, “le financement d’un tel déficit pose des défis réels, sachant que l’encours de la dette publique a augmenté d’environ 10,5 milliards de dinars dont près de 9 milliards d’origine intérieure, avec un recours grandissant au financement bancaire. En particulier, la mobilisation de ressources extérieures, indispensables pour couvrir la carence de l’épargne nationale, était bien en-deçà des besoins de financement. Il n’en pouvait pas être autrement avec la détérioration du risque pays de la Tunisie, reflété par la dégradation du rating souverain par les agences internationales de notation à la catégorie spéculative”, conclut El Abassi.