“Comprendre et assurer des transitions énergétiques justes en Afrique”, c’est l’intitulé d’un séminaire tenu vendredi 26 août 2022 à la Cité de la culture avec la participation des secteurs public et privé tunisiens, japonais et africains.
Cette rencontre, qui se tient en marge des de la huitième session de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement en Afrique (27 et 28 août 2022 au Palais des Congrès de la capitale), est organisée par le ministère tunisien de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME), en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
L’objectif est de discuter des mesures à entreprendre afin d’assurer une transition énergétique des pays du continent juste et sobre en carbone.
L’économiste en chef du bureau Afrique du Programme des Nations unies, analyse et recherches du Bureau régional du PNUD pour l’Afrique, Raymond Gilpin, a déclaré que la question de la transition énergétique est un défi global, car l’Afrique n’y a pas contribué autant, soulignant l’impératif d’adresser une réponse globale à ce sujet.
Problème du financement de la transition énergétique
La transition énergétique est différente selon les pays donc il n’y a pas de réponse globale pour la transition durable à l’horizon 2050, a-t-il expliqué, ajoutant que les pays ne vont pas pouvoir avoir le même chemin vers cet objectif.
En effet, certains vont devoir passer du pétrole vers le gaz et d’autres du gaz vers d’autres énergies durables (solaire, hydrogène ou éoliennes).
Autre priorité, la mise en place d’un cadre règlementaire, indispensable, pour atteindre les objectifs de cette transition.
Il a cité une autre axe majeur, à savoir, le financement de la transition qui est problématique, car la plupart des investissements en Afrique se font dans le pétrole alors que la demande en énergie s’accroit dans le continent. Il s’agit, à ce titre, de convaincre de l’intérêt de l’investissement durable, de promouvoir le partenariat public, privé et ” de risquer ” cet investissement tout en offrant des garanties financières.
L’Afrique a besoin de 2 trillions de dollars pour assurer sa transition énergétique, a-t-il estimé.
Près de 640 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité
La ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, Neila Nouira Gongi, a cité les défis auxquels est confronté le système énergétique africain, à savoir l’interdépendance de l’accès à l’énergie moderne à des prix abordables, de la sécurité énergétique, l’amélioration de la compétitivité économique, de la précarité énergétique ainsi que l’atténuation au changement climatique.
Selon elle, près de 640 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité, et que la consommation d’énergie par habitant en Afrique subsaharienne est la plus faible du monde, estimée actuellement à 181 KWh par an (Afrique du Sud exclu) par rapport à 6 500 kWh en Europe et 13 000 kWh aux Etats-Unis, selon le New Deal pour l’Afrique de la Banque africaine de développement (BAD).
Pour faire face à ces contraintes, le continent africain doit jouer un rôle important dans la mise en place d’une politique commune cohérente et visionnaire qui consiste à pérenniser la sécurité d’approvisionnement énergétique de la région en appuyant les activités portant sur la sobriété, l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et l’interconnexion électrique et gazière.
Face aux grandes menaces liées au changement climatique et à l’épuisement inévitable des ressources énergétiques fossiles, la Tunisie, à l’instar de la plupart des pays du continent, a adopté un nouveau mode de développement basé sur une transition énergétique permettant l’amélioration de l’accès à l’énergie, le renforcement de la sécurité énergétique, l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et un développement économique et social durable préservant les droits des générations futures, a noté la ministre.
Cette stratégie de transition énergétique vise l’intégration des énergies renouvelables à raison de 35% dans le mix électrique et la diminution de la consommation en énergie primaire de 30% en 2030 par rapport à l’année 2010 et la réduction de l’intensité carbone de 45% à l’horizon 2030 par rapport à l’année 2010.
” Toutefois et grâce à la coopération avec nos partenaires notamment le PNUD, le ministère est actuellement en train d’élaborer une stratégie de transition énergétique à l’horizon 2035, basé sur la neutralité carbone à travers la décarbonisation de l’économie et la promotion des nouvelles technologies vertes à savoir l’hydrogène vert “.
La ministre a recommandé le développement d’un partenariat et d’une coopération triangulaire pour appuyer les stratégies de transition énergétique des pays, afin de prémunir et sauver le continent contre les menaces climatiques.
Une transition énergétique à faible émission de carbone, un impératif pour l’Afrique
Pour sa part, la représentante régionale Afrique au PNUD-bureau régional d’Afrique, Ahunna Eziakonwa, a déclaré que les transitions énergétiques sont des changements dans la manière dont les gens produisent et consomment de l’énergie en utilisant différentes technologies et sources.
Une transition énergétique à faible émission de carbone est un impératif pour l’Afrique qui ne consomme que 33% de la consommation mondiale, cette transition énergétique implique un passage des sources d’énergie à haute teneur en carbone telles que le pétrole, le gaz et le charbon à des sources d’énergie à faible émission de carbone et zéro carbone telles que les énergies renouvelables. C’est l’objectif inhérent aux engagements de l’Afrique en matière d’ODD 7 et de la COP26, a-t-elle souligné.
En effet, l’Afrique dispose d’abondantes ressources minérales essentielles à la production de batteries électriques, d’éoliennes et de piles à combustible, telles que le manganèse, le cuivre, le lithium, le cobalt, le chrome et le platine. Ceux-ci forment d’importants produits d’exportation sur le marché mondial en transition vers zéro carbone. Cependant, les avantages que l’Afrique tirera de la transition énergétique dépendront également de la mesure dans laquelle les producteurs de matières premières investissent et développent la capacité de transformation dans la chaîne de valeur.
Eziakonwa a affirmé que la construction d’infrastructures pour la transition vers l’énergie verte nécessitera une augmentation significative des investissements. Le niveau d’investissement requis pour atteindre l’accès universel en Afrique subsaharienne est estimé par l’agence Internationale de l’énergie (AIE 2018) à 55 milliards de dollars par an, dont 25 millions de dollars pour la cuisson propre, soit le double des taux d’investissement actuels.
Une estimation également de l’AIE indique que l’investissement annuel dans le secteur de l’énergie dans son ensemble doit augmenter pour atteindre environ 100 milliards de dollars par an, soit quatre fois plus que la valeur actuelle.
Les ” Feuilles de route de financement net zéro ” (préparées pour la COP26) mentionnent des investissements de décarbonisation dans l’énergie et les transports de l’ordre de 200 à 300 millions de dollars par an en Afrique sur la période 2026-2050 contre 100 millions de dollars par an sur la période 2015-2021.