Œuvrant pour la médiation et la mise en valeur du patrimoine culturel en Tunisie, l’Association “Museum Lab” organise la première édition de “Kif-El-Kef “, du 23 au 25 septembre 2022 au Kef.
Cet événement, informe un communiqué de presse de l’association, se veut une occasion pour explorer et vivre la médina du Kef, l’antique capitale de la Numidie, et son patrimoine plurimillénaire différemment, en mettant en lumière le projet de valorisation patrimoniale de la médina que “Museum Lab” mène depuis plus d’un an, en co-création avec 5 jeunes bénéficiaires en provenance du Kef en recherche professionnelle, des experts en patrimoine, en sciences humaines, en culture, des créatifs, la Municipalité du Kef et des partenaires divers.
Par les différents axes de manifestation (patrimoine, art, gastronomie, performances, expositions, arts plastiques, tourisme, littérature, etc.) l’association ouvre des portes sur des lieux et vestiges cachés, ravive des histoires oubliées, dépoussière certains mythes antiques et modernes façonnés par la géologie et la nature si prodigue de cette région du nord-ouest.
Sous la menace d’une disparition progressive, il s’agit alors de sonder ce rocher agrippé au flanc d’un synclinal perché unique, imaginer les gestes des premiers occupants préhistoriques des falaises rougeoyantes, apercevoir dans un paysage des genévriers de Phénicie, ou même saisir l’envol d’un aigle au-dessus de la table de Jugurtha, sentir l’écoulement de la source d’eau douce, fondatrice, Ras El Aïn, l’appel de Lella Mna et ses vertus souterraines, savoir lire dans les murs témoins de la mythique Cirta, puis de Sicca Veneria comme dans les couches sédimentaires de cette terre argileuse et fertile, déceler des visages sur des stèles romaines, écouter des chants soufies s’élever de Sidi Bou Makhlouf, reconnaître la ” Bled El Korsi ” de l’époque beylicale, ou encore manger un ” mlaoui ” et un ” abraj ” au pied de la citadelle ottomane…
Ce projet soutenu par la Fondation Drosos (CH) durant trois ans (2021-2024) vise à expérimenter de nouvelles approches dans l’offre culturelle et patrimoniale des régions tunisiennes, davantage tournées vers le tourisme intérieur, de proximité, durable et qualitatif. Ce moment convivial et promotionnel est rythmé d’expériences de visites de la médina du Kef, éphémères ou durables, servies par l’innovation numérique et la médiation humaine, incluant des services et produits nouveaux: des lieux patrimoniaux rouverts et réhabilités, des circuits culturels et naturels, des œuvres d’art nées de résidences in-situ, des produits du terroir, une boutique de produits-souvenirs, etc.
Une partie du patrimoine bâti et naturel, soumis à une grande campagne de nettoyage pour l’occasion avec les habitants et “Tunisie Recyclage”, comme certaines thématiques du patrimoine culturel immatériel de la médina du Kef (gastronomie, contes et légendes, chants soufies, patrimoine naturel…), sont ainsi investies par Museum Lab et des collaborateurs divers, pour stimuler un dialogue fécond entre architecture patrimoniale et création contemporaine, entre agriculture et écologie, entre conservation et innovation, entre mémoire et enjeux socio-économiques.
Le programme prévoit entre autres un circuit “contes et légendes du Kef” comme un projet d’interprétation du patrimoine immatériel de la ville. Accompagné par des historiens et des développeurs, cette première étape du projet “HkeyaFi Hkeya” autour de la valorisation du patrimoine culturel immatériel du Kef a été soutenue en 2021 par ” Tfanen -Tunisie créative “, un programme de soutien au renforcement du secteur culturel, financé par l’Union européenne dans le cadre du Programme d’appui au secteur de la culture en Tunisie (PACT) du ministère des Affaires culturelles, mis en œuvre par le British Council pour le compte et avec la collaboration du réseau EUNIC.
Parmi les nombreux rendez-vous attendus lors de cet événement figure aussi l’exposition photographique ” Here Tomorrow, Gone Today” du photographe anglais Callum Francis Hugh qui partagera son interprétation poétique et cinématographique de certains sites patrimoniaux du Kef et des alentours, qui, en ruines, abandonnés à leur sort, reconquis par la végétation, livrés au climat et à l’inertie politique de ces dernières années, témoignent encore d’une charge esthétique et mémorielle inaltérable. Il convoque le génie des lieux, réveille les esprits des anciens, et cherche la trace humaine dans ces lieux au vide habité.
L’art dans toutes ses formes sera également présent avec la participation de plusieurs artistes de différentes disciplines dont l’artiste pluridisciplinaire Wadi Mhiri qui dans son oeuvre contextuelle réalisée au Kef ” Dedans Réels, Dehors imaginaires” redonne vie à une ancienne prison du Kef de la Kasbah, récemment restaurée, recréant les traces du passage des prisonniers de l’époque ottomane à aujourd’hui en passant par la période de la colonisation française.
L’artiste propose une réalité additionnelle qui permet à la fois d’expérimenter l’horreur du monde carcéral telles que l’obscurité, l’exiguïté des cellules, l’emprisonnement du corps… et d’explorer la pensée des prisonniers, leur imaginaire, grâce à un jeu constant entre oppression et émotion, mémoire et création, contrainte et liberté.
A partir de divers moyens et supports techniques et matériels- photos, objets, lumière, son, archives, les cellules deviennent des espaces mentaux autant que physiques qui actualisent la citation de Romain Rolland ” Créer, c’est tuer la mort “.