La difficulté d’accès au financement pour des raisons liées à la non-solvabilité ou à un déficit de connaissance des spécificités des coopératives par les banques constitue la principale contrainte à laquelle le tissu coopératif est confronté en Tunisie, selon une récente étude élaborée par le ministère de l’Agriculture en collaboration avec la section Tunisie de l’”Association tuniso-allemande de développement coopératif”.
Les résultats de cette étude intitulée “Le modèle coopératif : un pilier de développement économique et social en Tunisie” ont été présentés aux journalistes lors d’une conférence de presse, mercredi 21 septembre 2022, à laquelle a assisté le ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, Mohamed Elyes Hamza.
Plaidoyer pour un nouveau mécanisme de financement spécifique aux coopératives
En plus des difficultés d’accès au financement, le tissu coopératif souffre également, d’après l’étude, de l’absence d’une structure publique chargée des coopératives et d’un déficit de connaissance des coopératives par les administrations publiques régionales ce qui complique la procédure de leur création notamment dans les secteurs autres qu’agricole.
Ce tissu souffre par ailleurs de l’absence d’un répertoire spécifique aux coopératives au sein du registre national des entreprises, de difficultés d’enregistrement sous la dénomination “coopérative”, de la concurrence déloyale de l’économie informelle et de problèmes de mauvaise gestion pour manque de qualifications.
Pour remédier au problème d’accès au financement et autres, Moez Soussi, professeur à l’Institut des Hautes études commerciales de Carthage et l’un de ses auteurs, plaide en faveur de la mise en place d’un nouveau mécanisme de financement spécifique aux coopératives qui soit piloté par une instance spécialisée dans le financement non classique, étant donné que le rôle du modèle coopératif n’est pas seulement lucratif mais aussi social et environnemental.
Il appelle aussi à créer un fonds spécial dédié à l’investissement dans le cadre des coopératives et à réfléchir, dans une seconde étape, à créer une banque coopérative et des associations de financement regroupant les adhérents des coopératives.
D’après lui, il est nécessaire d’adopter un choix politique clair de réconciliation avec l’ancien modèle coopératif adopté à la fin des années 60, étant donné le changement de la situation et des attentes des jeunes.
Faire évoluer les textes juridiques
L’universitaire propose également la résolution, au cas par cas, des difficultés des coopératives selon la situation et les besoins de chaque coopérative et d’éviter les stratégies globales engageant l’ensemble du tissu coopératif.
Par ailleurs, l’étude recommande de rassembler les textes juridiques relatifs aux coopératives dans un guide juridique réparti selon les secteurs et les catégories et de réviser certains textes de lois, de créer des structures représentatives des coopératives, d’intégrer la promotion des coopératives dans le cadre des stratégies et des plans de développement et de mettre en place un plan de formation et d’accompagnement.
Le ministre de l’Agriculture, Mohamed Elyes Hamza, soulignera, pour sa part, l’importance de cette étude qui fait le diagnostic du modèle coopératif, mettant l’accent sur la réticence de certains agriculteurs et producteurs à adhérer à cette expérience et le non-respect de certaines coopératives de leurs engagements envers leurs adhérents.
Il estime que cette étude pourrait constituer une base pour élargir le champ du modèle coopératif selon le principe de solidarité sociale dans les domaines agricoles et non agricoles, pour intégrer aussi bien les coopératives que les sociétés populaires et les sociétés de services.
Cette référence scientifique favorisera, d’après lui, l’élaboration d’une nouvelle vision pour l’investissement dans le cadre des coopératives et l’amélioration de leur productivité.
De son côté, Sadok Ben Amara, président du conseil d’administration de la Coopérative des “Services Agricoles Béni Khalled”, évoque la difficulté d’accès de sa coopérative (qui regroupe de petits agriculteurs) au financement et son incapacité de concurrencer les privés ayant accès au financement bancaire.
Il affirme que le problème de financement est devenu menaçant pour la pérennité de cette coopérative qui jouait, jadis, un rôle économique et social important dans le Cap Bon, ce qui a réduit le nombre de ses adhérents à 1 200 actuellement.
Créée dans les années 50, cette coopérative est spécialisée dans l’exportation des produits agricoles à l’instar des pommes de terre et des agrumes, la collecte du lait à raison de 35 mille litres par jour, la mobilisation des intrants agricoles (semences, hydrocarbures, plants…), la vulgarisation agricole et la production des fourrages.
En effet, le tissu coopératif en Tunisie, est actuellement composé, d’après l’étude présentée mercredi à Tunis, de 443 coopératives regroupant plus de 48317 adhérents.
Il s’agit de 390 sociétés mutuelles de services agricoles, 18 unités coopératives de production agricole exploitant des terres domaniales et 35 coopératives dans des secteurs autres que l’agriculture (manutention au sein des marchés de gros, textile, artisanat, commerce…).
Le secteur agricole couvre à lui seul environ 90,88% de l’ensemble des coopérateurs et 92% de l’ensemble des coopératives. Les coopératives agricoles exploitent plus de 16 mille hectares de terres domaniales. Le taux de participation de la femme dans l’ensemble des coopératives est de l’ordre de 6,29%.