” Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles du désir de vie en lui-même… “, a écrit le grand poète libanais Khalil Gibran.
Le réalisateur Anis Lassaoued cite ces paroles de sagesse dans son nouveau film “Gadeha” (Une Seconde Vie, en français et “A second Life” en anglais).
Pour ce premier long-métrage de fiction (93′), le réalisateur nous livre une œuvre remarquable qui se passe dans un cadre urbain, dans une Tunisie post-révolution en pleine mutation. Ce film tourné il y a plus de trois ans et demi aborde un thème poignant aux allures d’une tragédie moderne. ”
Gadeha ” (interprété par Yassine Tromsi) est le surnom du héros, 12 ans, qui lui avait été attribué par son père, toujours absent. Ses amis aiment également l’appeler ainsi. Le film tourné durant l’été 2019 entre Hammamet, Nabeul-ville, Dar Chaabane et Béni Khiar, s’ouvre sur une scène filmée à la corniche de Hammamet où figure Gadeha et ses amis, (rôles interprétés par Mohamed Margua et Ahmed Amri), en train de s’amuser à la plage.
Malgré le manque de moyens et l’absence du père, Gadeha vit dans l’insouciance totale jusqu’au jour où un accident de la route va changer le cours de sa vie.
Après avoir séjourné durant une période à l’hôpital, il déménage en compagnie de sa petite famille -sa maman Borkana (Dorsaf Ouertatani) et sa petite sœur Salma (Lilila Zaidi), 7 ans, dans leur propre maison. La famille, dans la misère, séjourne enfin dans une petite maison chez le couple, Moez (interprété par l’acteur Jamel Aroui) et Malika (Shema ben Chaabane), ayant payé les frais de son hospitalisation et leur fils de 11 ans, Oussama (Ahmad Zakaria Chiboub). Loin du quartier où il a toujours vécu, Gadeha se retrouve dans une ferme au milieu de la verdure et un cadre de vie plus confortable, mais qui n’est pas obligatoirement de son goût.
Ce changement de vie ne lui convient pas d’autant plus que sa mère lui cache bien un secret. Avec le temps, une amitié se créé entre les deux garçons. Oussama apprend à Gadeha le tire à l’arc.
Une amitié qui va être mise à l’épreuve suite à la découverte du secret qui leur cache les parents et la grand-mère (Anissa Lotfi) qui a tout orchestré. Après une période de doute, il apprend, par hasard, que sa mère a fait des choix difficiles qui le concernent, sans demander son avis. Il découvre la trahison de son entourage qui a décidé de le priver de ses droits humains les plus élémentaires.
Gadeha prend la décision de quitter l’école privée où il a été inscrit par cette famille de marins-pêcheurs pour s’initier au métier poissonnier chez Moez qui l’héberge où il est encadré par un ancien (un rôle interprété par Anas Laabidi). Peu à peu, il sombre dans la dépression jusqu’à refuser de parler, surtout avec son ami Oussama.
Incapable de le consoler, sa mère malmenée par la vie adopte une réaction violente, ce qui accentue encore plus sa peine jusqu’à vouloir rejoindre son père, dont le sort demeure inconnu, sur l’autre rive de la Méditerranée. L’esthétique du film repose sur les plans rapprochés, l’expression des visages et le silence dans certaines scènes, qui accentuent l’aspect tragique et une douleur humaine inévitable d’un destin que chacun des personnages n’a certainement pas choisi.
Au sujet de la présence de la musique assez discrète dans le film, le réalisateur a opté pour un choix esthétique et artistique orienté beaucoup plus vers le silence et les effets sonores. La bande originale est composée par Slim Arjoun qui est à sa première expérience cinématographique.
Un morceau d’une chanson rap, un genre très apprécié par les jeunes, accompagne également une scène des trois amis en moto en train de chanter Ghodwa Khir (2016) de Clay BBJ. Grâce au travail de la monteuse Kahena Attia, Anis Lassoued a réussi à présenter un scénario bien ficelé, coécrit avec l’actrice et coproductrice Shema Ben Chaabane.
Cinq enfants sont à l’affiche de Gadeha qui fait appel à des acteurs professionnels et autres en dehors du milieu cinématographiques. Comme dans tous ses précédents films, le réalisateur demeure sur son thème de prédilection, l’enfance et les soucis de l’enfant dans une société qui ne donne pas assez d’intérêt à cette question. Les détails du crime contre cette enfance sont à découvrir à la sortie nationale du film distribué par Hakka Distribution.
Ce film est une coproduction nationale de Lumières Films que dirigent Anis Lassoued et Shama Ben Chaabane, CTV Services et SVP, avec le soutien du ministère des Affaires Culturelles, le Centre national du cinéma et de l’image (CNCI) et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Le film projeté en sous-titrage français a fait, samedi 24 septembre, son avant-première nationale aux Cinémas Pathé-Tunis.
Il fera sa sortie en salles à partir du mercredi 28 septembre. Une projection-débat est prévue le jour même, à CinéMadart, en présence de l’équipe du film.